Après la décision de la Cour suprême de révoquer l’arrêt Roe v. Wade, les partisans du droit à l’avortement se mobilisent samedi aux États-Unis pour une deuxième journée de manifestations.
Après le choc, la colère. Les partisans du droit à l’avortement aux États-Unis organisent samedi 25 juin une deuxième journée de manifestation dans le pays pour crier leur indignation face à la décision de la Cour suprême et défendre ce droit qui pour beaucoup semblait acquis.
Des dizaines de personnes se sont rassemblées en milieu de journée devant la Cour suprême à Washington et des protestations sont prévues dans tout le pays, notamment dans les États qui ont profité de l’arrêt de la haute cour pour bannir immédiatement les interruptions de grossesse sur leur sol.
Alors que les cliniques du Missouri, du Dakota du Sud ou de Géorgie fermaient leurs portes les unes après les autres, des États démocrates, comme la Californie ou New York, se sont engagés à défendre l’accès aux IVG sur leur sol.
Cette révolution a été déclenchée par la décision de la Cour suprême de révoquer son arrêt emblématique “Roe v. Wade”, qui depuis 1973 garantissait le droit des Américaines à avorter, la majorité de ses juges l’estimant aujourd’hui “totalement infondé”.
Le président Joe Biden, qui a aussitôt dénoncé une “erreur tragique”, a dit samedi avant de s’envoler pour l’Europe savoir “à quel point cette décision est douloureuse et dévastatrice pour beaucoup d’Américains”.
Plus d’avortement dans le Missouri, y compris en cas de viol
Vendredi, le président avait appelé les Américains à défendre le droit à l’avortement lors des élections de mi-mandat en novembre.
Dans le Missouri, où l’avortement a immédiatement été interdit, y compris en cas de viol ou d’inceste, les manifestants se sont rassemblés à Saint-Louis, devant la dernière clinique d’avortement de l’État.
Avant “Roe v. Wade”, “les femmes mouraient pendant un avortement”, a rappelé Pamela Lukehart, une manifestante de 68 ans. “Nous avons essayé de protéger les droits des femmes, les vies des femmes et maintenant, on nous les retire”.
Les défenseurs du droit à l’avortement craignent aussi que la Cour suprême, forte d’une claire majorité conservatrice, ne revienne sur d’autres droits comme le mariage pour tous ou la contraception.
Cette perspective “nous inquiète” et “nous allons avoir des situations cauchemardesques”, a reconnu samedi la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, à bord d’Air Force One. “C’est un moment effrayant”.
Parmi les nombreuses manifestations vendredi, deux ont été marquées par des violences. À Cedar Rapids, dans l’Iowa, une camionnette a foncé dans un groupe de manifestants, blessant une femme, selon les médias locaux.
Et en Arizona, la police a reconnu avoir usé de gaz lacrymogène pour disperser des manifestants qui “frappaient de façon répétée les vitres du Sénat de l’État”.
À Los Angeles, une manifestation a été dispersée de façon musclée par des policiers équipés de matraques.
La moitié des États américains devraient bientôt interdire l’avortement
Selon l’institut Guttmacher, un centre de recherche qui milite pour l’accès à la contraception et à l’avortement dans le monde, la moitié des États devraient interdire à plus ou moins court terme les avortements.
En quelques heures vendredi, au moins huit États ont rendu immédiatement tout avortement illégal.
Sept autres ont prévu de faire de même dans les prochaines semaines, mais dans les faits, les cliniques y ont déjà cessé d’effectuer des IVG, comme au Texas, le plus vaste État américain, où les femmes souhaitant une IVG devront désormais faire des centaines de kilomètres pour se rendre à la clinique la plus proche, au Nouveau-Mexique.
Dans toute une partie du pays, les femmes désirant avorter seront obligées de poursuivre leur grossesse, de se débrouiller clandestinement notamment en se procurant des pilules abortives sur internet, ou de voyager dans d’autres États où les IVG resteront légales.
Anticipant un afflux, ces États, le plus souvent démocrates, ont pris des mesures pour faciliter l’accès à l’avortement sur leur sol et les cliniques ont commencé à basculer leurs ressources en personnel et équipement.
Mais voyager est coûteux et la décision de la Cour suprême pénalisera davantage les femmes pauvres ou élevant seules des enfants, qui sont sur-représentées dans les minorités noires et hispaniques, soulignent les défenseurs du droit à l’avortement.
L’arrêt couronne cinquante ans d’une lutte méthodique menée par la droite religieuse, pour qui il représente une énorme victoire mais pas la fin de la bataille: le mouvement devrait continuer à se mobiliser pour faire basculer un maximum d’États dans son camp ou pour essayer d’obtenir une interdiction au niveau fédéral.
Il s’inscrit aussi au bilan de l’ancien président Donald Trump qui, au cours de son mandat, a profondément remanié la Cour suprême en y faisant entrer trois magistrats conservateurs signataires de cet arrêt.
Avec AFP