Des États démocrates, classés à gauche, sont vent debout contre la décision jeudi de la Cour suprême à majorité conservatrice, qui consacre le droit de porter des armes hors de chez soi.
La Cour suprême des Etats-Unis a clairement affirmé pour la première fois, jeudi 24 juin, que les Américains avaient le droit de porter des armes hors de leur domicile, dans un arrêt qui risque de compliquer les efforts pour combattre une violence déjà alarmante.
Cette décision a provoqué la colère de certains États démocrates. Gavin Newsom, gouverneur de Californie, l’État le plus peuplé des États-Unis, a fustigé sur Twitter une décision “honteuse” et “dangereuse”: un arrêt de la plus haute juridiction américaine qui risque “d’encourager un programme idéologique radical” tout en restreignant “les droits des États à protéger leurs citoyens [du risque] d’être abattus dans la rue, à l’école, à l’église”.
A dark day in America.
This is a dangerous decision from a court hell bent on pushing a radical ideological agenda and infringing on the rights of states to protect our citizens from being gunned down in our streets, schools, and churches.
Shameful.
— Gavin Newsom (@GavinNewsom) June 23, 2022
Et l’élu démocrate entend durcir la législation californienne contre les armes à feu. Il a ainsi annoncé dans un communiqué qu’il signerait “la semaine prochaine seize nouvelles lois sur la sécurité, dont l’une permettra aux concitoyens de porter plainte contre des fabricants et vendeurs d’armes à feu”.
Son homologue à la tête de l’État de New York (le quatrième plus peuplé avec 20 millions d’habitants), Kathy Hochul, a été la première jeudi matin à s’insurger contre une décision de la Cour suprême “absolument scandaleuse”. Elle aussi a déploré un “jour sombre” pour les tenants d’une législation plus stricte sur la possession et le port d’armes.
In light of today’s reckless Supreme Court decision, I convened mayors of our six largest cities to discuss policy options.
Mayors are critical partners in the fight against gun violence. We’re exploring every option & will keep doing everything we can to protect New Yorkers. pic.twitter.com/2P6tLlzVDP
— Governor Kathy Hochul (@GovKathyHochul) June 23, 2022
La Cour suprême consacre le droit au port d’armes hors du domicile
La Cour suprême à Washington, dont la majorité des juges sont conservateurs, a invalidé les “restrictions” au port d’armes prévues par une loi de l’État de New York, alors même que l’Amérique est confrontée à une flambée de la criminalité dans les grandes villes et à une effrayante série de tueries à nombreuses victimes, dont deux en mai, à Buffalo (10 morts afro-américains) et dans une école à Uvalde au Texas (21 tués, dont 19 enfants).
Cette loi new-yorkaise limite depuis 1913 la délivrance de permis de port d’armes dissimulées aux personnes ayant des raisons de croire qu’elles pourraient avoir à se défendre, par exemple en raison de leur métier ou de menaces les visant.
Outre la Californie et New York, dirigés par des démocrates, les États dits “liberal” (qu’on peut traduire par “classés à gauche” et “progressistes”) du Maryland, du Massachusetts, du New Jersey, de Hawaï et du district de Columbia, c’est-à-dire la capitale Washington, exigent un tel permis de port d’armes.
En Californie, la délivrance de ce sésame dépend des shérifs et de policiers locaux, en fonction des comtés et de leurs couleurs politiques. Il est plus facile d’obtenir un permis dans un comté rural républicain qu’à San Francisco, l’une des villes les plus “progressistes” des États-Unis.
Des législations locales restrictives
La décision choc de la Cour suprême ne vient pas immédiatement casser les législations locales restrictives au port d’armes, mais va certainement provoquer de multiples recours en justice.
Keechant Sewell, cheffe de la puissante police de New York (NYPD), chargée de mettre en œuvre le programme du maire à poigne Eric Adams de lutte contre les armes à feu, a déjà prévenu que quiconque “portera[it] illégalement une arme à New York sera[it] interpellé”. Et le procureur de Manhattan, Alvin Bragg, a déjà promis “une nouvelle législation sur les armes à feu avec des mesures les plus strictes possibles qui atténuent les dégâts faits aujourd’hui”.
Près de Washington, l’État du Maryland a aussi averti par la voix de son procureur général que ses lois très restrictives contre les armes à feu “avaient fait la démonstration d’une réduction de la violence”. Brian Froch a ainsi promis de “continuer de se battre pour protéger la sécurité des habitants du Maryland”.
De même dans le Massachusetts : la procureure générale Maura Healey a souligné que cet État de la Nouvelle-Angleterre “avait l’un des taux de morts par arme à feu les plus faibles du pays, car on sait que des lois strictes sauvent des vies”.
Près de 400 millions d’armes étaient en circulation dans la population civile aux États-Unis en 2017, soit 120 armes pour 100 personnes, selon le projet Small Arms Survey, et plus de 45 000 personnes ont été tuées en 2020 par armes à feu, dont la moitié environ se sont suicidées selon Gun Violence Archive.
Dans ce contexte, le Sénat des États-Unis a adopté jeudi soir un projet de loi soutenu par des élus des deux principaux partis, avec des restrictions sur l’accès aux armes à feu et des milliards de dollars pour financer la santé mentale et la sécurité dans les écoles. Le projet, adopté par 65 voix – dont quinze républicains – contre 33, a toutes les chances d’être validé à la Chambre des représentants vendredi.
Avec AFP et Reuters