La Colombie vote, dimanche, pour choisir son nouveau président entre l’opposant de gauche, Gustavo Petro, ou l’homme d’affaires indépendant, Rodolfo Hernandez. Deux candidats qui promettent, chacun à leur manière, un changement radical pour un pays en crise.
Qui de l’opposant de gauche Gustavo Petro, en tête lors du premier tour, ou de l’homme d’affaires indépendant Rodolfo Hernandez va l’emporter ? La Colombie vote, dimanche 19 juin, pour le second tour de l’élection présidentielle, un duel entre deux candidats qui promettent, chacun à leur manière, un changement radical pour un pays en crise.
Au terme d’une campagne à l’atmosphère exécrable, les tout derniers sondages publiés il y a une semaine donnaient les finalistes au coude-à-coude, une situation inédite et qui annonce un second tour “au finish”, selon la presse locale.
Près de 39 millions d’électeurs sont attendus entre 8 h et 16 h locales (13 h et 21 h GMT) dans 12 500 bureaux de vote pour départager deux candidats “anti-establishment” qui, pour la première fois, semblent incarner “un changement politique significatif”, juge Carolina Jimenez, directrice du département de sciences politiques à l’Université nationale.
Dimanche soir, le sénateur Petro, ex-guérillero reconverti à la social-démocratie et ancien maire de Bogota pourrait devenir le premier président de gauche de l’histoire de la Colombie. Ou la direction du pays pourrait être confiée à l’inclassable millionnaire Hernandez, ex-maire d’une grande ville du nord, qualifié surprise qui a mis la droite hors-course au premier tour en promettant d’en finir avec les “voleurs” et la “bureaucratie”.
Programme “progressiste” versus “roi de TikTok”
Gustavo Petro, 62 ans, était arrivé largement en tête de ce premier tour le 29 mai, avec 40 % contre 28 % à Rodolfo Hernandez, 77 ans, et une participation de 55 %. À eux deux, ils ont défait les élites conservatrices et libérales qui monopolisent le pouvoir depuis deux siècles.
Le magnat de l’immobilier a cependant reçu immédiatement le soutien de la droite traditionnelle et sa figure tutélaire, l’ex-président Alvaro Uribe (2002-2010).
Ces trois dernières semaines de campagne “poubelle” – autre expression de la presse – ont été marquées par les invectives, accusations en tout genre, désinformation, espionnages… avec une course à l’échalote des deux camps pour se montrer le plus “proche des gens”, via les incontournables réseaux sociaux.
“En moi, vous trouverez un gladiateur”, a juré Rodolfo Hernandez cette fin de semaine. “Je réduirai la taille de l’État, mettrai fin à la corruption et remplacerai les fonctionnaires incapables et corrompus placés par les gouvernements précédents. (…) Il n’y aura plus de dilapidation de l’argent des Colombiens”, a clamé sur Twitter celui qui se vante “de dire les choses crûment”.
Le “roi de TikTok” ou le “vieux”, comme il aime aussi à se faire appeler, a annoncé tout un catalogue de mesures –parfois surprenantes –, allant de la suppression des voitures de fonction des parlementaires à la réduction de la TVA en passant par la légalisation de la marijuana.
Son rival de gauche promet, quant à lui, un programme “progressiste” en faveur de “la vie”, avec un État plus fort, plus d’impôts pour les riches ou encore la transition énergétique. “Le pays a besoin de justice sociale pour pouvoir construire la paix (…) c’est-à-dire moins de pauvreté, moins de faim, moins d’inégalité, plus de droits”, a-t-il répété samedi.
“Aucun des deux ne pourra gouverner seul”
L’élection se déroule “après une rébellion sociale et dans un contexte de crise économique profonde, de crise majeure de légitimité des institutions”, rappelle Caroline Jimenez.
Les quatre années de mandat du président sortant conservateur Ivan Duque, qui ne pouvait se représenter, ont vu peu de réformes de fond. Elles ont été marquées par la pandémie, une sévère récession, des manifestations antigouvernementales massives durement réprimées, et une aggravation de la violence des nombreux groupes armés qui sévissent dans les campagnes et s’affrontent pour le narcotrafic.
Malgré la soif de changement du pays, les deux candidats inquiètent une partie de l’électorat. “Il y a un groupe substantiel d’électeurs qui n’aiment pas l’énorme incertitude que représentent Petro comme Hernandez”, observe Michael Shifter, du think tank Interamerican Dialogue.
Rodolfo Hernandez a “peu d’expérience au niveau national, a peu parlé de la façon dont il va gouverner, il n’a pas de représentant au Congrès (…)”, pointe Patricia Ines Munoz, politologue à l’Université de la Javeriana. Avec Gustavo Petro, “l’inquiétude vient de l’expérience des gouvernements de gauche dans la région (…)”, notamment au Venezuela voisin. “Il suscite beaucoup de peur chez une partie des citoyens, mais aussi chez les entreprises et certains secteurs économiques.”
La “première tâche” du prochain président sera pourtant de “recomposer cette société fracturée (…). Aucun des deux ne pourra gouverner seul, sans prendre en compte l’autre moitié du pays et ceux qui n’ont pas voté”, souligne Ines Munoz.
Près de 320 000 policiers et militaires assureront la sécurité du scrutin, sous l’œil de nombreux observateurs internationaux. Comme lors du premier tour, qui s’était déroulé dans le calme, les résultats sont attendus dans la soirée.
Avec AFP