L’Union générale tunisienne du travail a lancé un appel à la grève dans le secteur public, jeudi, contre l’inflation. De concert avec l’opposition, la centrale syndicale accuse également le président Kaïs Saïed de renforcer sa mainmise sur le pouvoir depuis juillet dernier.
Acteur influent sur la scène politique en Tunisie, la centrale syndicale organise, jeudi 16 juin, une vaste grève dans le secteur public pour faire céder le gouvernement sur des revendications salariales et sociales. Une action qui renforce la pression sur le pouvoir du président Saïed, confronté à de graves crises politique et financière.
La grève, à l’appel de la puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT), concerne théoriquement quelque 3 millions de salariés et devrait paralyser 159 entreprises étatiques.
Dans un communiqué publié mercredi, l’UGTT a affirmé que les travailleurs du secteur public “mèneront cette grève pour défendre leurs droits économiques et sociaux après les tergiversations du gouvernement face à leurs revendications légitimes et la légèreté avec laquelle il a pris l’appel à la grève lancé le 31 mai”.
Télécoms, services postaux, régies publiques de gaz, d’électricité et d’eau, et transports : la grève touchera de vastes pans des services. Elle entraînera notamment l’annulation des vols vers et depuis les aéroports tunisiens et l’immobilisation des transports en commun (trains, tramways et bus).
Le ministre de l’Emploi et porte-parole du gouvernement, Nasreddine Nsibi, a affirmé, mercredi, que l’exécutif se réservait le droit de recourir pendant la grève à la “réquisition” de certains employés pour garantir un service minimum aux citoyens.
Kaïs Saïed dans le viseur de l’opposition
Si l’UGTT affirme que son action ne revêt aucun caractère politique, la grève se déroule au moment où le président Kaïs Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs il y a 11 mois, est sous le feu d’intenses critiques de l’opposition pour l’avoir exclue d’un dialogue national censé aboutir à une nouvelle Constitution qu’il soumettra à référendum le 25 juillet.
L’UGTT a décliné une invitation à participer à ce dialogue, estimant qu’il vise à “cautionner des conclusions décidées unilatéralement à l’avance et les faire passer par la force comme faits accomplis”.
>> À voir aussi : Quel avenir pour la Tunisie du président Kaïs Saïed ?
La centrale syndicale avait apporté son soutien à Kaïs Saïed lorsqu’il avait dissous le Parlement et limogé le gouvernement en juillet dernier, mais critique depuis son accaparement de tous les pouvoirs.
Face à une inflation galopante, l’UGTT réclame notamment des nouveaux accords salariaux pour “corriger le pouvoir d’achat” pour les années 2022 et 2023 ainsi que, rétroactivement, pour 2021.
La centrale syndicale, dirigée depuis 2017 par Noureddine Taboubi, exige aussi le retrait d’une circulaire gouvernementale de décembre 2021 qui interdit aux ministères de mener des discussions bilatérales sectorielles sans l’accord du chef du gouvernement.
Dans l’attente d’une réponse du FMI
Ses détracteurs ont beau l’accuser de ne pas tenir compte d’énormes difficultés financières du pays, l’UGTT apparaît en position de force puisque le gouvernement a besoin de son soutien au programme de réformes qu’il a soumis au Fonds monétaire international (FMI) dans l’espoir d’obtenir un nouveau prêt.
Ce plan de réformes prévoit un gel de la masse salariale de la fonction publique, une réduction progressive de certaines subventions étatiques et une restructuration des entreprises d’État.
>> À lire aussi : En Tunisie, le Conseil supérieur de la magistrature victime d’un coup de force
L’UGTT, qui a mis en garde le gouvernement contre toute “réforme douloureuse” destinée à satisfaire le FMI, demande en outre des “garanties” pour que les entreprises publiques, dont beaucoup de monopoles (office des céréales, électricité, carburants, phosphates, etc.), ne soient pas privatisées.
Fin mai, l’agence de notation Fitch a déploré que les tensions entre le gouvernement et l’UGTT freinent les négociations avec le FMI, jugeant “très difficile” d'”adopter les réformes politiques et économiques sans le soutien de l’UGTT”.
Avec AFP