Une vague de chaleur particulièrement intense touche la France dès mercredi. Selon les météorologues, la survenue de plus en plus précoce de ces événements extrêmes est directement liée au réchauffement climatique dû aux activités humaines.
Les vagues de chaleur sont devenues habituelles, mais celle-ci a de quoi nous surprendre. La planète se réchauffe et les conséquences se font ressentir de plus en plus tôt. Arrivée tout juste d’Espagne, une vague de chaleur s’installe mercredi 15 juin en France avec des températures prévues pour dépasser les 30 °C dans la plupart des régions. Le mercure devrait encore s’affoler en franchissant le seuil des 40 °C, vendredi.
En France, prévisionnistes et météorologues qualifient cet épisode de “remarquablement précoce”. Jusqu’ici, les épisodes caniculaires survenaient en août ou en juillet. Cette précocité est inédite. C’est inquiétant, et c’est avéré : le réchauffement climatique lié aux activités humaines en porte la responsabilité.
“Avec le dérèglement climatique, ces événements arrivent plus tôt et durent jusqu’à plus tard dans l’année, ils sont aussi plus intenses que ce qu’ils ont pu être dans le passé”, explique Aglaé Jezequel, climatologue. “Aujourd’hui, c’est l’exception, mais le climat change et nous pouvons déjà nous attendre à ce que les canicules arrivent de manière plus précoce”.
Un avant-goût de notre climat futur
L’extrême va-t-il progressivement devenir la norme ? Oui, si l’on reste passifs face au dérèglement climatique, affirment les scientifiques. “Les conséquences de la canicule et l’augmentation des vagues de chaleur, nous sommes déjà en train de les vivre aujourd’hui, mais cela peut devenir bien pire dans le futur si l’on continue d’émettre des gaz à effet de serre (GES)”, poursuit Aglaé Jezequel.
Pétrole, gaz, charbon. Pointés du doigt depuis bien longtemps, ce sont eux les principaux responsables du réchauffement de la planète. Le 12 décembre 2015, réunis à la COP21, les dirigeants mondiaux ont adopté l’historique Accord de Paris, énonçant des objectifs à long terme destinés à orienter l’ensemble des nations. Parmi ces engagements sur le climat, celui de réduire considérablement les émissions mondiales de GES dans le but de limiter à 2 °C le réchauffement planétaire au cours du siècle présent, tout en poursuivant l’action menée pour le limiter encore davantage à 1,5 °C.
En septembre dernier, deux mois avant la COP 26 de Glasgow, désolé par un objectif très loin d’être atteint, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a alerté : “Le monde est sur un chemin catastrophique vers +2,7 °C de réchauffement”.
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La multiplication et l’intensification des vagues de chaleur aux quatre coins de la planète sont les manifestations les plus évidentes du réchauffement climatique provoqué par les émissions de GES. “On vit un avant-goût de notre climat futur et pour que cet avant-goût ne devienne pas la norme, il n’y a qu’une solution : réduire les émissions de GES dus à la combustion des énergies fossiles”, martèle Christophe Cassou, climatologue, au micro de France Inter.
Selon le directeur de recherche au CNRS, également co-auteur du 6e rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), cette réduction doit être immédiate, soutenue dans le temps et à grande échelle. “Ce n’est pas dans trois ans, c’est maintenant, car c’est le cumul des émissions de CO2 qui compte pour le niveau de réchauffement, pour le niveau de risque, et pour le niveau d’occurrence de ces canicules.”
Des canicules également plus fréquentes et plus longues
Météo-France définit la vague de chaleur comme une augmentation continue des températures pendant au moins trois jours. Cela arrive lorsque l’indicateur thermique national (moyenne des températures quotidiennes de trente stations métropolitaines représentatives du climat français) reste au moins trois jours au-dessus de 23,4 °C, et atteint au moins une fois 25,3 °C.
En France, les données montrent bien la multiplication de ces vagues de chaleur. Sur les 43 phénomènes détectées depuis 1947, neuf ont eu lieu avant 1989, le reste entre 1989 et 2020 : soit “trois fois plus de vagues de chaleur ces 30 dernières années que durant les 42 années précédentes”, souligne Météo-France.
“Le degré de réchauffement du pays par rapport au début du XXe est de 2 °C, donc supérieur à la moyenne globale (1,1 °C)”, affirme Françoise Vimeux, climatologue, sur France 24. L’épisode de chaleur du mois de juin intervient après un printemps particulièrement chaud et sec ayant déjà provoqué, sur une grande partie de l’Hexagone, une sécheresse des sols faisant craindre pour les récoltes et crée des conditions propices pour les incendies. “Le mois de mai a été le plus chaud enregistré depuis que l’on dispose d’enregistrements météo”, ajoute l’experte.
Et ce n’est que le début. “Aujourd’hui, la probabilité d’avoir une canicule est d’une chance sur dix ; en 2030, ce sera une chance sur 5 ; et vers 2050-2060, ce sera une chance sur deux”, précise quant à lui Christophe Cassou.
Des canicules plus fréquentes, mais aussi plus longues. Au rythme qui est le nôtre actuellement, les projections de Météo France prévoient une moyenne de 20 à 35 jours de canicule par an à la fin du XXIe siècle (contre 3-4 jours à la fin du XXe siècle).
Or, de la durée des canicules dépendent les impacts, affirme Christophe Cassou. “Ce que l’on montre dans le rapport du Giec, c’est que ces canicules s’étendent plus longtemps sur les saisons, les saisons estivales sont plus grandes et vont avoir des impacts plus importants – y compris des canicules qui commencent tôt – dans la mesure où elles induisent des risques sur les rendements agricoles”.
Mais le coût économique des canicules est bien plus global encore. Pour ce qui est des impacts sanitaires en France, ils représentent selon Santé Publique France entre 24 et 37 milliards d’euros entre 2015 et 2020.