La connaissance de la sclérose en plaques a progressé ces dernières années, suscitant l’espoir d’une amélioration des traitements. Mais les personnes touchées par cette maladie neurodégénérative regrettent un manque de moyens humains et financiers dans la prise en charge de leur handicap.
De nouvelles avancées pour les malades de la sclérose en plaques pourraient naître d’une découverte particulièrement importante, réalisée en janvier par des chercheurs américains. Une équipe de l’université d’Harvard a démontré le lien entre le virus d’Epstein-Barr et cette maladie auto-immune qui touche plus de 2,8 millions de personnes dans le monde, dont environ 110 000 en France selon les données de l’Assurance maladie.
La sclérose en plaques, qui endommage progressivement le système nerveux central (cerveau et moelle épinière), représente la deuxième cause de handicap chez le jeune adulte en France.
Le virus d’Epstein-Barr, lui, est présent chez 95 % des adultes. Il peut être à l’origine d’autres maladies comme la mononucléose ou la polyarthrite rhumatoïde. La plupart des personnes infectées n’ont pas de complications, mais l’équipe de chercheurs américains a prouvé que ce virus était nécessaire au développement de la sclérose en plaques.
“C’est la première fois qu’une étude aussi sérieuse, basée sur dix millions de patients suivis pendant dix ans, confirme ce que l’on suspectait déjà sur le lien entre le virus et la maladie”, explique le neurologue Jean Pelletier, de la Fondation pour l’aide à la recherche sur la sclérose en plaques (Arsep), interrogé lundi à l’occasion de la Journée mondiale de cette maladie neurodégénérative.
Un vaccin contre la sclérose en plaques ?
“Si cette étude fait naître un espoir, c’est parce qu’on peut penser qu’un jour, on sera capable de vacciner les enfants contre le virus d’Epstein-Barr et éliminer ainsi un des éléments déclencheurs de la sclérose en plaques, qui est multifactorielle”, détaille le spécialiste. La production de médicaments antiviraux est au stade de la réflexion et un laboratoire a déjà commencé une première phase d’essais cliniques début 2022 après la publication de cette étude américaine, se réjouit le Pr Jean Pelletier, qui espère que les recherches iront “aussi vite que pour le vaccin anti-Covid”.
“Ce fameux virus d’Epstein-Barr, une fois contracté, est caché dans notre organisme dans les lymphocytes B, eux-mêmes impliqués dans la réaction inflammatoire liée à la sclérose en plaques. Cela pourrait expliquer en particulier que certains traitements ciblant les lymphocytes B, des anticorps monoclonaux, ont une efficacité extrêmement importante contre la sclérose en plaques”, ajoute le neurologue. Il salue la mise à disposition, depuis dix ans, de traitements de plus en plus efficaces, qui permettent d’éviter certaines poussées de cette maladie qui provoque le plus souvent des crises inflammatoires entrecoupées par des phases d’accalmie.
Un diagnostic encore trop tardif
La généralisation du recours à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) a permis de repérer la maladie plus tôt qu’avant, ce qui a un effet sur l’efficacité du traitement. Pourtant, la présidente de l’Association française des sclérosés en plaques (Afsep), Jocelyne Nouvet-Gire, déplore encore une certaine “errance” du diagnostic, qui met parfois quatre à cinq ans à tomber après l’apparition des premiers symptômes (troubles de la sensibilité et de l’équilibre, troubles oculaires).
La faute à une mauvaise connaissance de cette maladie, selon Jocelyne Nouvet-Gire, elle-même atteinte de la sclérose en plaques. “Je constate que de nombreuses femmes ne vont pas forcément se faire diagnostiquer chez le médecin. Elles endurent plus facilement la douleur, s’occupent des enfants en priorité et font passer leurs rendez-vous médicaux au second plan”, estime Jocelyne Nouvet-Gire, qui pointe aussi le délai d’attente, jugé trop long – parfois six mois –, pour une consultation chez le neurologue.
Pénurie de places en établissement spécialisé
La découverte d’un vaccin contre la sclérose en plaques ne changera rien pour les malades qui en souffrent actuellement, estime Jocelyne Nouvet-Gire, dont l’association se concentre en priorité sur la prise en charge une fois le diagnostic posé en apportant un soutien social, juridique et psychologique. Derrière l’effet d’annonce de cette découverte scientifique, elle alerte sur une autre réalité. “Les moyens financiers et humains manquent cruellement”, regrette-t-elle, spécialement dans la prise en charge globale du handicap.
“Il n’y a pas assez de structures spécialisées en France pour accueillir les personnes atteintes de sclérose en plaques, cinq établissements de soixante lits chacun pour une liste d’attente que nous estimons à 2 000 personnes”, précise-t-elle. “Résultat : pour certains malades à domicile, la situation devient chaotique.”
Autre motif de préoccupation pour l’Afsep : à partir de 60 ans, les malades pris en charge dans les établissements spécialisés sont envoyés vers des Ehpad, “bien souvent inadaptés” et dont des dysfonctionnements majeurs ont été révélés par l’onde de choc du livre-enquête “Les Fossoyeurs” sur le groupe privé Orpea.
Avec AFP