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Après une nouvelle vague de violences policières, le Brésil sous le choc

Les Brésiliens ont investi les rues de plusieurs capitales régionales du pays cette semaine pour demander justice après de nombreux cas de graves violences policières. Alors que Rio de Janeiro déplorait la mort de plus de 20 personnes mardi lors d’une opération policière dans une favela, le pays a été choqué par le décès d’un homme mercredi, asphyxié après avoir été placé dans le coffre d’une voiture de police.

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Nouvelle vague d’indignation au Brésil après de graves cas de violences policières. Quelques jours après une opération de police qui a fait au moins 23 morts à Rio de Janeiro, les images du meurtre d’un homme asphyxié dans le coffre d’une voiture mercredi 25 mai sont devenues virales sur Internet et ont indigné les défenseurs de droits de l’Homme. Le lendemain, de nombreuses manifestations ont gagné les rues dans différentes villes brésiliennes pour réclamer justice.

À Brasilia et à São Paulo, des manifestants se sont rassemblés devant le siège local de la police routière fédérale (PRF). Vendredi 27 et samedi 28 mai, des manifestants ont battu le pavé à Rio de Janeiro également. Organisé par le collectif Pelas Vidas Negras (“Pour les vies noires”), les participants ont déployé des affiches reprenant des slogans du mouvement Black Lives Matter et les derniers mots de l’Américain George Floyd, tué lors d’un contrôle de police à Minneapolis, le 25 mai 2020.

Deux ans après, jours pour jour, le Brésilien Genivaldo de Jesus Santos est décédé, asphyxié après avoir été placé dans le coffre d’une voiture de la PRF lors d’un contrôle de routine dans la petite ville d’Umbauba, dans l’État de Sergipe (Nord-Est). Les policiers ont ensuite admis avoir utilisé une bombe au spray et du gaz lacrymogène à l’intérieur de la voiture après y avoir installé l’homme de 38 ans. Selon les autorités, il s’agissait de “techniques d’immobilisation et des instruments à faible potentiel offensif” pour faire face à “l’agressivité” de la victime.

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Des manifestants ont investi les environs du lieu du drame, selon le site G1, puis ont également déployé des affiches devant le siège de la police fédérale à Aracaju, capitale du Sergipe.

Des militants anti-racistes ont manifesté avec des pancartes où l'on peut lire "Justice pour Genivaldo" après la mort d'un homme noir asphyxié dans une voiture de police, devant le siège de la police routière fédérale à Brasilia, le 27 mai 2022.
Des militants anti-racistes ont manifesté avec des pancartes où l’on peut lire “Justice pour Genivaldo” après la mort d’un homme noir asphyxié dans une voiture de police, devant le siège de la police routière fédérale à Brasilia, le 27 mai 2022. © Adriano Machado, Reuters

Les images de ce nouvel épisode de violences policières ont gagné les réseaux sociaux, alors que le Brésil déplorait déjà la mort d’au moins 23 personnes lors d’une opération policière mardi 24 mai à Vila Cruzeiro, une favela de Rio de Janeiro. Selon le site d’investigation The Intercept, la PRF a également contribué à ce raid, censé combattre le trafic de drogues et devenu le deuxième le plus meurtrier de l’histoire de la ville.

Les autorités de Rio ont affirmé que la majorité des victimes étaient des criminels, tuées car elles auraient affronté les agents de police, selon l’Estadão de São Paulo. Mais selon une enquête de ce quotidien, au moins 11 victimes, dont un garçon de 16 ans, n’avaient aucun antécédent criminel et n’étaient pas connus de la police.

Soupçons de “torture” et “exécutions sommaires”

Des experts et activistes accusent les policiers impliqués de “torture” et “d’exécutions sommaires”. “Nous avons vu un cadavre dont le visage était recouvert d’une poudre blanche, qui ressemblait à de la cocaïne”, a témoigné auprès de l’AFP Rodrigo Mondego, responsable de la commission des droits de l’Homme au barreau de Rio. “Ceux qui ont tué cette personne ont étalé de la cocaïne sur son visage et lui en ont peut-être fait manger. C’est un acte de torture”, a-t-il raconté.

“Nous soupçonnons également un grand nombre d’exécutions sommaires. Des témoins nous ont raconté que des hommes qui s’étaient rendus aux policiers avaient été abattus dans les bois” sur la partie haute de la favela, a-t-il dit. Selon cet avocat, le bilan de l’opération policière à lui seul renforce ces soupçons d’exécutions extrajudiciaires : “si l’on consulte les statistiques dans le monde entier, on ne verra jamais une fusillade où plus de 20 personnes meurent dans un camp et aucune dans l’autre”.

Des manifestants contre les violences policières portent une pancarte: "Arrêtez de nous tuer", à Rio de Janeiro, le 28 mai 2022.
Des manifestants contre les violences policières portent une pancarte: “Arrêtez de nous tuer”, à Rio de Janeiro, le 28 mai 2022. © Mauro Pi

Face à ces accusations et au tollé provoqué par l’opération, le Parquet fédéral a ouvert une enquête sur “d’éventuelles violations” des droits de l’Homme perpétrées par des agents. Vendredi 27 mai, au moins 12 agents de police ayant participé à l’opération avaient témoigné et soumis leurs armes pour une analyse, selon Estado de São Paulo.

Selon la Police militaire de Rio de Janeiro, “l’action [à Vila Cruzeiro] visait à localiser et à arrêter les chefs criminels qui se cachent dans la communauté, y compris les criminels d’autres États du pays. Les équipes de la BOPE et du PRF se préparaient au raid lorsque les criminels ont commencé à tirer des coups de feu sur la partie haute de la communauté”, poursuit le communiqué de la police. La PRF a déclaré qu’elle participait à l’action parce que les “chefs criminels qui se cachent dans la communauté” opèrent également “dans des crimes sur les routes fédérales”.

Selon une habitante de la favela, les tirs auraient commencé dès 3h40 le mardi et auraient continué au moins jusqu’à 18h, a-t-elle raconté à BBC Brésil.

L’utilisation de gaz lacrymogène dans une voiture, un “acte de torture”

La mort de Genivaldo de Jesus Santos pourrait également être considérée comme un “acte de torture” de la PRF, selon Renato Sérgio de Lima, directeur-président du Forum brésilien de sécurité publique. Cela car les policiers “ont transformé une technique de contention en espace ouvert en une pratique qui peut être qualifiée de torture, car [la victime] était déjà maîtrisée”, affirme l’expert, ajoutant que le gaz lacrymogène “n’est pas destiné à une utilisation individuelle” et “ne peut jamais être utilisé dans un espace clos”.

Des policiers tentent de fermer Genivaldo de Jesus Santos dans le coffre d'une voiture de police après avoir utilisé du gaz lacrymogène à l'intérieur, à Umbauba, le 25 mai 2022.
Des policiers tentent de fermer Genivaldo de Jesus Santos dans le coffre d’une voiture de police après avoir utilisé du gaz lacrymogène à l’intérieur, à Umbauba, le 25 mai 2022. © via REUTERS

Sur les vidéos du drame, qui ont largement circulé, on peut voir clairement deux agents de la PRF casqués essayer de refermer le coffre d’une voiture sur un homme dont les jambes dépassent. L’un d’eux entrouvre brièvement la porte latérale, y introduit un objet, puis une épaisse fumée blanche s’échappe du coffre, semblant venir d’une bombe lacrymogène. Selon les passants, la scène aurait duré plus de trente minutes, où des badauds expriment leur horreur, pendant qu’un autre crie : “Ils vont le tuer !”

L’homme remue les jambes pendant environ une minute, puis devient immobile. Les agents replient alors ses jambes et ferment le coffre, ignorant les appels. Contrairement à ce que disent les autorités, le neveu de la victime a affirmé au quotidien O Globo que Genivaldo de Jesus Santos aurait obéi aux agents et essayé de “dialoguer” avec eux, notamment en leur expliquant qu’il souffrait de problèmes mentaux.

La PRF a affirmé dans un tweet avoir suspendu les agents temporairement pour mener l’enquête sur le cas dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Une ONG anti-raciste avait annoncé poursuivre l’État en justice, demandant une indemnisation similaire à celle obtenue par la famille de George Floyd : 27 millions de dollars. Et de justifier : “parce que Genivaldo de Jesus Santos, tout comme lui, était également noir, a été tué par la police par asphyxie, et exactement à la même date, avec une différence de deux ans”. Dans un communiqué, l’organisation Human Rights Watch a également exprimé sa “consternation”.

La police la plus meurtrière au monde, surtout envers les Brésiliens noirs

La police brésilienne est l’une de celles qui tue le plus au monde : en 2021, plus de 6 100 personnes sont mortes dans des opérations policières, soit une moyenne de 17 par jour, selon des chiffres d’une organisation de surveillance des violences.

Parmi les victimes des opérations policières dans l’État de Rio de Janeiro, 72 % d’entre elles s’identifiaient comme noires ou métisses, selon une étude de l’Institut de sécurité publique. En novembre 2020, l’ONU avait déjà dénoncé le “racisme structurel” au Brésil après la mise à mort d’un Brésilien noir par un gardien de supermarché.

“Chaque voiture de police a un petit côté navire négrier”

Pour l’éditorialiste Eduardo Sakamoto, ce drame s’ajoute “au génocide noir par balles [et] par la faim”, s’est-il révolté dans un éditorial publié sur le portail d’informations Uol. Selon lui, le président d’extrême droite, Jair Bolsonaro, veut permettre de dédouaner les policiers qui abattent des criminels lors d’opérations, “encourageant [ainsi] les massacres”.

Mardi soir, après l’opération à Vila Cruzeiro, le président a félicité les “guerriers” des forces de l’ordre pour avoir “neutralisé au moins 20 marginaux liés au trafic de drogue”. Il ne s’est toutefois pas prononcé sur la mort de Genivaldo de Jesus Santos.

Pour Danielle Sanchez, du collectif Femmes noires, l’acte est important pour mettre fin aux abus des forces de l’ordre, qui entraînent une surmortalité de personnes noires. Faisant allusion à une chanson populaire, l’assistante sociale a dit au site G1 :”Il est très douloureux de voir une scène où un homme noir est jeté dans un fourgon de police. Ils sont devenus les nouveaux navires négriers“.

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