Le média américain Politico s’est procuré l’avant-projet d’une décision majoritaire rédigé par un juge de la Cour suprême qui stipule que l’arrêt Roe v. Wade, reconnaissant le droit à l’avortement des femmes au niveau fédéral, “doit être annulé”. Le texte doit encore faire l’objet de négociations.
Le droit à l’avortement est plus que jamais menacé aux États-Unis. La Cour suprême américaine s’apprêterait à annuler l’arrêt historique de 1973 dans lequel elle a reconnu le droit à l’avortement, a assuré lundi 2 mai le journal Politico qui s’appuie sur une fuite inédite de documents.
Le quotidien déclare s’être procuré l’avant-projet d’une décision majoritaire rédigé par le juge conservateur Samuel Alito et daté du 10 février, qui doit encore faire l’objet de négociations jusqu’à sa publication avant le 30 juin.
L’arrêt Roe v. Wade qui, il y a près d’un demi-siècle, a estimé que la Constitution américaine protégeait le droit des femmes à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), était “totalement infondé dès le début”, est-il écrit dans cette proposition de texte. “Nous estimons que Roe v. Wade doit être annulé”, ajoute Samuel Alito, pour qui le droit à l’avortement “n’est protégé par aucune disposition de la Constitution”.
D’après Politico, quatre des autres juges conservateurs de la Cour suprême, composée de neuf membres, se sont rangés derrière l’avis de Samuel Alito.
Un avant-projet qualifié de “scandaleux”
Cette “fuite” a envoyé une onde de choc à travers le pays. Si cette conclusion est bien retenue par la Haute cour, les États-Unis reviendront à la situation en vigueur avant 1973 quand chaque État était libre d’interdire ou d’autoriser les avortements.
Compte-tenu des importantes fractures géographiques et politiques sur le sujet, une moitié des Etats, surtout dans le sud et le centre conservateurs, devraient rapidement bannir la procédure sur leur sol.
“Soyons clair : c’est un avant-projet. Il est scandaleux, sans précédent mais pas final : l’avortement reste votre droit et est encore légal”, a tweeté l’organisation Planned Parenthood, qui gère de nombreuses cliniques pratiquant des avortements.
Let’s be clear: This is a draft opinion. It’s outrageous, it’s unprecedented, but it is not final.
Abortion is your right — and it is STILL LEGAL. https://t.co/s9R7w99n71— Planned Parenthood (@PPFA) May 3, 2022
Des signaux favorables aux opposants à l’IVG
La Cour suprême a été profondément remaniée par Donald Trump qui, en cinq ans, y a fait entrer trois magistrats, solidifiant sa majorité conservatrice (six juges sur neuf).
Depuis septembre, la plus haute juridiction des États-Unis a envoyé plusieurs signaux favorables aux opposants à l’avortement. Elle a d’abord refusé d’empêcher l’entrée en vigueur d’une loi du Texas qui limite le droit à avorter aux six premières semaines de grossesse contre deux trimestres dans le cadre légal actuel.
Lors de l’examen en décembre d’une loi du Mississippi, qui questionnait aussi le délai légal pour avorter, une majorité de ses magistrats ont clairement laissé entendre qu’ils étaient prêts à grignoter voire à tout bonnement annuler Roe v. Wade.
Le document présenté par Politico porte sur ce dossier. Sa publication constitue une fuite rarissime pour la Cour suprême, où le secret des délibérations n’a quasiment jamais été violé.
Avec AFP et Reuters