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Au Sénégal, un activiste costumé vent debout contre le plastique et “l’immobilisme” des autorités

Deux ans après le vote de la loi pour l’interdiction des plastiques à usage unique ou jetables au Sénégal le 20 avril 2020, des défenseurs de l’environnement estiment que les promesses entrevues n’ont pas été tenues. À l’instar d’un activiste bariolé, Modou Fall, qui arpente les rues des villes sénégalaises autant que les réseaux sociaux pour alerter sur les dangers du plastique, ils dénoncent “l’immobilisme” du gouvernement. 

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Il ne passe pas inaperçu avec son imposant costume composé de sacs en plastique colorés et sa pancarte “Non aux sachets plastique” arborant le drapeau sénégalais. Modou Fall affirme militer depuis 16 ans pour la préservation de l’environnement sénégalais. Cet ancien militaire a pris conscience de la “dangerosité” du plastique, selon ses termes, lorsqu’il a commencé à nettoyer les rues de Dakar, en constatant que la grande majorité des déchets étaient des sachets en plastique. “C’est du poison pour la planète et surtout pour la santé de l’être humain” dit-il au gré des interventions médiatiques qu’il fait depuis des années, mais aussi de ses publications sur les réseaux sociaux où il compte un peu plus de 1 500 abonnés sur Twitter et TikTok.

“Beaucoup de gens ont pensé que j’étais fou avec ce costume !”

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Je suis un ancien soldat et j’ai eu l’idée de créer comme une tenue de sniper lors d’une action de nettoyage. Je me suis dit que des sacs plastique, on en voyait tous les jours, beaucoup trop, et qu’il fallait les montrer pour attirer l’attention immédiatement, et faire comprendre l’amas de plastique. J’ai créé ce costume en 2011… mais il est plus que jamais d’actualité, onze ans après !

Beaucoup de gens ont pensé que j’étais fou au départ ! C’est vrai que de loin, ce costume fait un peu peur… Mais j’ai multiplié les actions au fil des années, notamment dans des événements religieux ou sportifs, pour attirer l’attention de façon totalement bénévole. Les gens ont appris à me connaître… Aujourd’hui, beaucoup veulent avoir leur photo avec moi, et c’est facile d’engager la conversation avec eux pour les sensibiliser.

Je mène des actions variées : par exemple aller dans les champs récupérer les pneus jetés et usés afin de les transformer en meubles pour ensuite les offrir à des écoles. Je fais également des formations gratuites à des organisations pour qu’elles puissent organiser des opérations de nettoyage : je leur explique de A à Z comment elles peuvent s’organiser pour être efficaces et même recycler elles-mêmes ce qu’elles ramassent.

“Voter une loi, c’est bien, mais il n’y a pas de mesures incitatives”

Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi interdisant les produits plastique à usage unique ou jetables, le 20 avril 2020, les activistes jugent les mesures incitatives trop faibles pour provoquer un vrai changement. Ils militent pour que des décrets soient pris afin de définir les modalités d’application de la loi dans plusieurs domaines. 

Ces décrets pourraient notamment définir des sanctions notamment pour les industriels ou les petites entreprises ne respectant pas la loi. “Dans la loi, on prévoit ‘un prix plancher’ pour les déchets plastique, c’est-à-dire qu’on ne peut pas vendre ces déchets en dessous de ce prix pour leur recyclage… mais ce décret n’existe pas !” explique Sokhna Dié Ka, chargée de programme affirmation des droits des communautés de Natural Justice.

“On voit toujours les sachets d’eau, même dans les rues de Dakar, ça fait partie du décor !” explique Momar Baby, activiste pour Zéro déchet Dakar, qui reproche au gouvernement de ne pas avoir construit la loi avec les défenseurs de l’environnement. Zéro déchet Dakar fait partie d’un groupe d’ONG qui a notamment publié treize recommandations pour les autorités sénégalaises.

Modou Fall poursuit : 

Voter une loi, c’est bien, mais il n’y a pas de mesures incitatives. L’année dernière, avec plusieurs ONG, on a essayé de montrer des solutions alternatives : favoriser les sacs réutilisables en tissu ou papier, ou encore valoriser les filières pour recycler le plastique en le transformant en tapis, voire en briques, car ça existe ! On plaide aussi pour la consigne des bouteilles systématiques en grande surface… Mais malheureusement, il y a trop peu de volonté politique. Donc les industriels ne jouent pas le jeu et les citoyens ne suivent pas le mouvement.

“Le Sénégal ne mérite pas ça !”

Modou Fall connaît pourtant bien les autorités gouvernementales : il a travaillé pendant deux ans sous contrat avec le ministère de l’Environnement pour sensibiliser la population sénégalaise aux bons gestes vis-à-vis du plastique. Aujourd’hui en conflit avec les autorités pour des arriérés de salaire non payés selon lui, il explique que son cas personnel n’est pas important. 

Je ne crois pas que le Sénégal est prêt pour adopter ce décret : je n’ai pas vu de réaction concrète de la part du ministère de l’Environnement montrant qu’une solution se prépare. Dans certaines régions par exemple, où il y a peu d’eau potable, le gouvernement tolère toujours l’utilisation de sachets d’eau plastique [des allègements à la loi plastique ont effectivement été mis en place par le gouvernement sénégalais dans le cadre de la pandémie de Covid-19, NDLR]. On ne peut pas répondre à des problèmes d’infrastructures par plus de plastique ! Nous avons besoin d’un Sénégal plus propre ! Le Sénégal ne mérite pas ça !

En mars dernier, le ministre de l’Environnement et du Développement durable, Abdou Karim Sall, a expliqué avoir reçu du président de la République, Macky Sall, la consigne de lutter contre le plastique avec une plus grande fermeté et de rendre plus “contraignantes’” les sanctions prévues contre son utilisation.

“Aujourd’hui, nous faisons des progrès, mais il y a encore des choses à faire” a-t-il reconnu. Il ajoute : “La santé des mers est intimement liée à celle de la population, à la vie tout court des populations” en faisant référence aux nombreux sachets plastiques rejetés dans la mer, mais sans pour autant donner plus de précision sur la mise en place de décrets notamment.

Selon Africa Check, média de vérification basé au Sénégal, qui a pu consulter les derniers rapports de l’Unité de coordination de la gestion des déchets solides concernant la production de déchets au Sénégal datant de novembre 2016, le pays produirait en moyenne 536,56 tonnes de déchets plastique par jour.

Des activistes affirment de leur côté qu’au total, les déchets en plastique représenteraient entre 200 000 et 440 000 tonnes par an, dont seulement 5 % seraient effectivement recyclés. Des chiffres invérifiables, en l’absence de données récentes.

Modou Fall conclut : 

On attend un signe de la part des autorités pour le 20 avril, pour les deux ans du vote de cette loi. Mais si ce n’est pas le cas, je suis prêt, avec plusieurs ONG, à entreprendre une marche à travers le Sénégal pour dénoncer l’inaction des autorités.

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