Des milliers de civils ukrainiens ont été tués lors des combats et des bombardements depuis le début de l’offensive russe le 24 février. Pour faire face à ces décès en surnombre, les citoyens et les autorités locales ont eu recours à des fosses communes et des cimetières de fortune pour enterrer leurs morts. Des images satellite et des vidéos amateur documentent l’apparition de nouvelles tombes, permettant ainsi de quantifier le lourd bilan humain de la guerre.
Attention : cet article contient des images et des descriptions susceptibles de choquer certains lecteurs.
Le bilan des pertes civiles depuis le début de la guerre en Ukraine est difficile à établir. En date du 15 avril, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme avait recensé 4 633 victimes civiles, dont 1 982 sont décédées. Cependant, l’agence indique que les chiffres réels sont probablement bien plus élevés, car le décompte des victimes dans plusieurs régions en proie à d’importants combats n’a pas encore été communiqué.
Chernihiv. Dozens, (possibly over 100) bodies of Ukrainian civilians in freshly marked grave. The Ukrainians had to hastily bury the newly found dead after the Russian retreat,. #Ukraine #UkraineWar pic.twitter.com/kvz7gBeXBz
— Battle Leaks Independent (@leaks_battle) April 10, 2022
Dans une vidéo publiée le 11 avril 2022, on peut voir des tombes nouvellement creusées pour enterrer les personnes décédées à Tchernihiv pendant la guerre en Ukraine. Elles sont marquées par de petites pancartes en bois comportant le nom des victimes.
Lors d’une interview à France 24 le 15 avril, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a affirmé que les soldats russes utilisaient des crématoriums mobiles, rendant le décompte des victimes plus difficile. Selon le ministère ukrainien de l’Intérieur, 2 700 décès civils avaient été médicalement constatés et officiellement confirmés en date du 15 avril.
Pour pallier le manque d’informations sur le bilan humain de la guerre, des enquêteurs en ligne tentent de documenter les décès civils en utilisant des éléments visuels, comme des images satellites de cimetières ou des images amateur de fosses communes.
Des images satellites permettent de voir l’agrandissement de cimetières
L’ONG britannique Centre for Information Resilience (CIR) s’est servie de l’imagerie satellite pour identifier des cimetières en Ukraine, et suivre leur évolution depuis le début de l’offensive militaire en février. En comparant plusieurs images satellites d’un cimetière de la ville de Kherson, actuellement sous occupation russe, l’ONG a montré que plusieurs rangées de tombes avaient été ajoutées entre le 28 février et le 15 avril :
Numerous grave lines added in each satellite image to this site in the Russian-occupied city of Kherson (Херсон) in Ukraine’s south. This timelapse of @Planet imagery shows grave lines added between 28 Feb & 15 April. Location: 46.669554, 32.530406. pic.twitter.com/S3GHFtcNnp
— Centre for Information Resilience (@Cen4infoRes) April 15, 2022
Ces six images satellites, fournies par l’entreprise américaine Planet, ont été prises entre le 28 février et le 15 avril 2022 à Kherson en Ukraine. Elles permettent de voir que le nombre de tombes dans le cimetière a considérablement augmenté.
Selon Nathan Ruser, chercheur à l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), 824 nouvelles tombes ont été creusées dans ce cimetière de Kherson entre le 28 février et le 2 avril. Pour arriver à ce résultat, il a consulté d’anciennes images satellite datant de 2021, ayant une plus haute résolution, afin de compter le nombre de tombes qui figurent dans chaque rangée du cimetière. Il a ensuite multiplié ce chiffre par le nombre de rangées ajoutées depuis le début de la guerre en Ukraine. Sur les images d’avril 2022, on peut voir qu’environ 300 de ces nouvelles tombes ont été remplies, indiquant que quelqu’un y a été enterré. Les autres tombes étaient à ce moment-là encore vides.
Kherson a été la première ville occupée par les forces russes. Les autorités ukrainiennes affirment qu’au moins 300 soldats et civils sont décédés lors des combats précédant la prise de la ville. S’il est pour le moment impossible de vérifier ce bilan, les images satellites des cimetières donnent néanmoins une indication de l’ampleur des victimes.
Le CIR a également identifié des cimetières de fortune, construits à la hâte près de Tchernihiv, une ville qui a subi d’importants bombardements pendant les plusieurs semaines qui ont suivi l’invasion russe. Les habitants ont enterré leurs morts dans des cimetières improvisés dans la forêt de Yaliyvshchyna, selon une enquête de l’ONG.
🚨New Investigation: Our Eyes on Russia team have verified the presence of a series of mass graves in the Yalivshchyna forest near Chernihiv.
1) Link below and THREAD👇https://t.co/yikYLXCP8m
— Centre for Information Resilience (@Cen4infoRes) April 10, 2022
Les enquêteurs du CIR ont utilisé des photos publiées dans les médias pour retrouver la localisation de trois cimetières. En regardant des images satellites de ces trois lieux, ils ont remarqué qu’ils avaient récemment été déforestés pour laisser place à la construction de fosses communes après le début de la guerre en Ukraine.
Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrent des personnes descendre des cercueils dans l’une de ces fosses communes :
A mass-grave of civilians who were killed by Russians in Chernihiv pic.twitter.com/OL05edTNA8
— Mykhailo Golub (@golub) March 6, 2022
Cette vidéo, publiée le 6 mars 2022, montre une fosse commune avec une dizaine de personnes à Tchernihiv en Ukraine.
Les images amateur permettent aussi de quantifier le nombre de tombes. Selon le CIR, 381 ont été creusées sur ces trois sites entre le 24 février et le 6 mars 2022.
Les enquêteurs en ligne ne sont pas les seuls à avoir recours à l’imagerie satellite pour mieux estimer le bilan des victimes de la guerre en Ukraine. Les Nations unies disent avoir utilisé les images satellites pour identifier une fosse commune où seraient enterrées 200 personnes à Marioupol, une ville portuaire stratégique fortement bombardée par les forces armées russes.