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Guerre en Ukraine : les soutiens de Kiev divisés quant à l'utilisation du terme “génocide”

Ukrainiens, Américains et Canadiens considèrent que l’opération russe en Ukraine s’apparente à un génocide. Une position contestée par la France et l’Allemagne, qui estiment le terme inapproprié à ce stade. France 24 décrypte la polémique autour de l’utilisation de ce terme, qui divise les alliés de Kiev.

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“Le mot de génocide a un sens et le mot de génocide doit être qualifié par des juristes et non par des politiques.” Le président français Emmanuel Macron a réaffirmé, mercredi 14 avril, son refus de qualifier l’opération russe en Ukraine de génocide à l’égard des Ukrainiens, tout en rappelant son engagement “depuis le premier jour au côté de l’Ukraine”.

La veille, le président américain avait qualifié Vladimir Poutine de “dictateur” qui “commet un génocide à l’autre bout du monde”. Une sortie qu’il avait nuancée par la suite expliquant qu’il revenait à la justice internationale de trancher.

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Comment cette question est-elle devenue un point de contention entre les puissances occidentales opposées à l’invasion russe de l’Ukraine ?

 “Une planification industrielle”

Qualifié juridiquement en 1948 suite à la Shoah par une convention des Nations Unies, le génocide est défini comme un crime “commis dans l’intention de détruire, de manière totale ou partielle, un groupe national, ethnique, racial ou religieux”.

Trois cas de génocide qui ont fait l’objet de poursuites et ont été condamnés par des tribunaux internationaux : le génocide des juifs par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, celui des Tutsis au Rwanda par le pouvoir hutu en 1994, et celui des civils bosniaques musulmans à Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine, en 1995.

Les États ont également la possibilité de passer des lois pour reconnaître à l’échelle de la nation des génocides, comme c’est le cas en France pour le génocide arménien commis par l’empire ottoman à partir de 1915.

Les massacres reconnus comme des génocides ont pour point commun qu’il y a eu “une planification industrielle”, explique Gauthier Rybinski, chroniqueur international à France 24. “Que ce soit avec la conférence de Wannsee pour les nazis, ou la radio des Mille Collines au Rwanda, on retrouve des traces de cette volonté.”

Débat autour de “l’intention” russe

Début avril, cing semaines après le début de la guerre en Ukraine, le retrait russe de la banlieue de Kiev marque une nouvelle étape dans l’horreur. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky se rend alors dans la ville de Boutcha, où les corps de civils jonchent les rues. “Ce sont des crimes de guerre, et ils seront reconnus par le monde comme un génocide”, déclare-t-il, utilisant ce terme pour la première fois à l’encontre de Moscou.

Des corps d'habitants de Boutcha gisent dans une rue de la ville que les Ukrainiens ont repris aux forces russes, le 2 avril 2022.
Des corps d’habitants de Boutcha gisent dans une rue de la ville que les Ukrainiens ont repris aux forces russes, le 2 avril 2022. Zohra Bensemra, Reuters

Depuis cette déclaration, le débat fait rage parmi les alliés de Kiev, la question étant de savoir si la Russie a sciemment planifié la destruction du peuple ukrainien. “Il est de plus en plus clair que Poutine essaie de balayer l’idée même qu’on puisse être ukrainien”, affirme de son côté Joe Biden. Une position partagée par le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a déclaré qu’il était “absolument correct” d’utiliser le terme génocide pour décrire les actions de la Russie en Ukraine.


De l’autre côté de l’Atlantique, Emmanuel Macron et Olaf Scholz réfutent ce terme mettant en garde leurs alliés contre une escalade des mots vis-à-vis de la Russie qu’ils jugent dangereuse. “Nous avons envoyé des magistrats, des gendarmes pour aider l’Ukraine à documenter ces crimes de guerre”, a expliqué mercredi le président français, qui estime l’emploi du terme “génocide” prématuré.

Protéger la procédure

Le 2 mars dernier, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), le Britannique Karim Khan, a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la situation en Ukraine. Cette institution basée à La Haye est née en 2002 pour juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les génocides et plus récemment les crimes d’agression.

Mais pour l’heure, l’enquête en Ukraine ne semble concerner que des crimes de guerre. Ce qualificatif regroupe toutes les actions commises par des combattants à l’encontre des populations civiles, ainsi que l’utilisation d’armes interdites.

Le procureur de la Cour pénale internationale, le Britannique Karim Khan, visite un charnier à Boutcha, dans la banlieue de Kiev, le 13 avril 2022, où la Russie est accusée d'avoir commis des dizaines d'atrocités contre des civils.
Le procureur de la Cour pénale internationale, le Britannique Karim Khan, visite un charnier à Boutcha, dans la banlieue de Kiev, le 13 avril 2022, où la Russie est accusée d’avoir commis des dizaines d’atrocités contre des civils. © AFP – Fadel Senna

Pour le chroniqueur international de France 24 Gauthier Rybinski, la prudence de la CPI sur la question du génocide est essentielle pour protéger sa procédure. “Pour que les coupables puissent être jugés, il faut que les chefs d’accusations soient précis” explique-t-il. “Si le chef d’accusation de génocide n’est pas retenu, c’est toute une procédure qui tombe.”

“Un génocide, c’est la volonté de faire disparaître totalement une population, un groupe de personnes”, explique le général français Jean-Philippe Reiland, chef de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH), interviewé par l’AFP. “Il est compliqué de considérer que l’on veut faire disparaître tous les Ukrainiens en se basant sur un village ou un district.”

Alors que la Russie nie toute exaction en Ukraine, Kiev poursuit ses efforts pour fédérer ses alliés. Le parlement ukrainien a adopté jeudi une résolution qualifiant de “génocide” les agissements de l’armée russe en Ukraine, appelant parlements, gouvernements et organisations internationales à faire de même.

Avec AFP

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