Le tribunal militaire de Ouagadougou doit rendre, mercredi, son jugement dans l’affaire des assassins présumés de l’ancien président burkinabè Thomas Sankara. Quatorze accusés comparaissaient dans ce procès, notamment l’ancien chef d’État Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando, son chef de la sécurité.
Après plusieurs années d’instruction, et six mois d’audience, le verdict du procès des assassins présumés de l’ancien président burkinabè Thomas Sankara, tué en 1987, est attendu mercredi 6 avril.
Ce procès historique s’est ouvert en octobre 2021, 34 ans après la mort de Sankara, icône panafricaine, assassiné lors d’un coup d’État qui a porté au pouvoir Blaise Compaoré, principal accusé. Ce dernier, en exil à Abidjan depuis sa chute en 2014, n’a pas assisté aux audiences. Ses avocats ont dénoncé “un procès politique” devant “une juridiction d’exception”, estimant que la procédure “ne vaut rien”.
Trente ans de prison ferme ont été requis contre lui par le parquet du tribunal militaire de Ouagadougou pour “attentat à la sûreté de l’État”, “recel de cadavre” et “complicité d’assassinat”.
Quatorze accusés
Blaise Compaoré est soupçonné d’être le commanditaire de l’assassinat de son ancien compagnon d’armes et ami arrivé au pouvoir par un putsch en 1983, ce qu’il a toujours nié. La même peine a été requise contre Hyacinthe Kafando, ancien commandant de la garde de Blaise Compaoré, autre grand absent de ce procès, en fuite depuis 2016 et accusé d'”assassinat”.
Outre ces deux absents de marque, douze autres accusés ont assisté à ce procès fleuve, parmi lesquels le général Gilbert Diendéré, un des chefs de l’armée lors du putsch de 1987, pour qui le parquet militaire a requis vingt ans de prison pour les mêmes chefs d’inculpation que Blaise Compaoré, plus “la subornation de témoins”.
Le général Diendéré purge déjà une peine de vingt ans pour une tentative de coup d’État en 2015.
Comme la plupart des accusés présents, il a plaidé non coupable et les avocats de la famille Sankara ont regretté qu’aucun n’ait avoué ou ne se soit repenti. “Personne ! Nous demandons au tribunal de rendre justice aux familles. Nous ne voulons pas une vengeance, nous demandons simplement justice”, a déclaré l’un d’eux, Prosper Farama.
Un procès perturbé par le coup d’État du 24 janvier
Le procès a été perturbé par le coup d’État du 24 janvier du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui a renversé le président élu Roch Marc Christian Kaboré.
Il a une première fois été suspendu au lendemain du putsch, puis le 31 janvier, “jusqu’au rétablissement de la Constitution” mise en sommeil lors du coup d’État, puis rétablie par la junte au pouvoir, permettant sa reprise. Mais de nouvelles interruptions sont intervenues, dont une à la suite de la prestation de serment de Paul-Henri Sandaogo Damiba devant le Conseil constitutionnel, le 16 février.
La défense a alors introduit une requête en soulignant qu’on demandait des condamnations pour “attentat à la sûreté de l’État”, alors que le putsch du lieutenant-colonel Damiba, validé par le Conseil constitutionnel, constituait en lui-même un “attentat à la sûreté de l’État”.
Cela “consacre la prise de pouvoir par la force comme un mode constitutionnel de dévolution du pouvoir”, avaient soutenu les avocats de la défense.
Un argument “non fondé” rejeté par le Conseil constitutionnel, permettant la reprise du procès.
Arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1983, Thomas Sankara a été tué avec douze de ses compagnons par un commando, lors d’une réunion au siège du Conseil national de la révolution (CNR) à Ouagadougou. Il avait 37 ans.
La mort de Thomas Sankara, qui voulait “décoloniser les mentalités” et bouleverser l’ordre mondial en prenant la défense des pauvres et des opprimés, a été un sujet tabou pendant les 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré, contraint de partir après une insurrection populaire en 2014.
Avec AFP