Le 3 avril, plusieurs centaines de cadavres de civils ont été découverts à Boutcha, dans la région de Kiev. Depuis cette date, des comptes prorusses partagent sur Twitter des images censées prouver que ces corps sont des faux, ou bien qu’ils ont été mis en scène par des Ukrainiens. Mais ces images sont sorties de leur contexte et ne prouvent pas que cette découverte est fausse.
La vérification en bref
- Le 3 avril, plusieurs centaines de corps de civils ont été découverts à Boutcha, une ville de la région de Kiev qui était occupée par l’armée russe depuis le 27 février. Si la Russie dément son implication, Volodymyr Zelensky évoque un “génocide” et plusieurs enquêtes pour “crimes de guerre” ont été ouvertes par les Nations unies.
- Depuis cette découverte, plusieurs images censées démontrer que ces corps de civils sont faux, ou bien mis en scène par l’Ukraine, sont partagées sur Twitter par des comptes prorusses.
- Ces vidéos montrent des mannequins en plastique, des corps déplacés par des soldats ainsi qu’une Ukrainienne qui aurait joué le rôle d’un cadavre à Boutcha.
- Nous avons retrouvé l’origine de ces images. Elles ont toutes été sorties de leur contexte et ne prouvent pas que les corps découverts à Boutcha ont été mis en scène.
Des soldats ukrainiens accusés de mettre en scène des cadavres
Une vidéo vue plus de 13 000 fois a été partagée sur Twitter le 6 avril avec la légende “Pourquoi ces soldats ukrainiens déplacent-ils des corps ?” On y voit des soldats en uniforme ukrainien traîner un corps accroché à un câble. D’après les comptes qui la partagent, cette vidéo prouverait que l’armée ukrainienne déplace des corps pour “mettre en scène” le massacre de Boutcha.
Pour retrouver l’origine de cette vidéo, il faut réaliser une recherche d’image inversée (voir ici comment procéder). On retrouve effectivement ces mêmes images sur le site d’Associated Press. L’agence de presse américaine les a publiées le 2 avril et précise qu’elles ont bien été prises dans la ville de Boutcha.
Mais leur légende contredit les allégations des tweets affirmant qu’il s’agit d’une mise en scène. Associated Press écrit : “Appuyés par une colonne de tanks et de véhicules blindés, les soldats ukrainiens ont attaché les corps à des câbles afin de les écarter des routes par peur qu’ils puissent avoir été piégés avec des engins explosifs.”
Un mannequin utilisé pour simuler des cadavres ?
Sur une vidéo publiée sur Twitter le 6 avril, des hommes en habits kakis, a priori des uniformes, enroulent du scotch autour d’un mannequin. “Après les faux morts du #Covid_19… Voici les faux morts de la guerre”, affirme l’auteur de la publication, qui comptabilise plus de 16 000 vues et 800 mentions “J’aime”.
La vidéo a également été partagée sur la chaîne Telegram “Invaccinables”, qui relaie fréquemment de fausses informations sur l’épidémie de Covid-19.
Mais ces images proviennent en réalité d’une vidéo publiée le 29 mars sur le compte TikTok du comédien russe Philippe Fedorchuk. La légende de sa publication indique qu’il s’agit d’un mannequin de tournage : “Préparer un mannequin pour une chute au cinéma !”
Sur son compte TikTok et son compte Instagram, le comédien partage régulièrement des photos et des vidéos de tournage de films auxquels il participe. Selon son compte Instagram, il a participé ces derniers jours au tournage de la série “Admirals of the District -2”, une série russe tournée à Saint-Pétersbourg, et à celui de la série “Flic conditionnel 2”, elle aussi tournée à Saint-Pétersbourg.
Une Ukrainienne aurait simulé son décès à Boutcha ?
Sur Twitter, une multitude de comptes prorusses partagent deux photos accompagnées d’un même texte. D’après eux, le compte Facebook d’une Ukrainienne aurait publié ces deux photos afin d’annoncer son décès à Boutcha. Ce même compte aurait ensuite publié un démenti, ce qui prouverait qu’il s’agissait d’une opération de désinformation censée simuler son meurtre par l’armée russe.
Nous avons retrouvé le compte Instagram de cette Ukrainienne. Le 4 avril, elle a bien publié ces deux photos. Mais, contrairement à ce qu’affirment certains comptes Twitter, elle n’a pas affirmé avoir été tuée à Boutcha. Sa légende en anglais explique : “Je suis ukrainienne. Ma photo est sur la gauche. J’aurais pu être sur la photo de droite. Nous aurions tous pu y être…” Cette Ukrainienne n’a donc pas affirmé avoir été tuée par l’armée russe.
Sa publication est un moyen de sensibiliser sur la découverte de civils tués à Boutcha. Sur d’autres réseaux sociaux, des utilisateurs apportent leur soutien à l’Ukraine en partageant des publications similaires. Ils suivent la même logique : une photo authentique est affichée aux côtés de la photo d’une victime à Boutcha, et les deux sont accompagnées du texte “Ça aurait pu être moi”. C’est par exemple ce qu’ont fait le 5 avril ce compte Twitter ou encore celui-ci. Il ne s’agit donc pas de publications visant à désinformer, mais d’une campagne de sensibilisation.