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Emmanuel Macron, le bilan (4/4) : des priorités marquées par la discordance entre paroles et actes

Emmanuel Macron candidat à sa réélection, France 24 dresse le bilan de son quinquennat en quatre volets. Après la politique étrangère, l’économie et le social, place à la dichotomie entre les discours prononcés par le président de la République sur certains thèmes suivis d’actes contradictoires.

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De la lutte contre le réchauffement climatique à l’égalité femmes-hommes érigée en “grande cause du quinquennat”, Emmanuel Macron a montré durant son quinquennat sa capacité à prononcer de très beaux discours. Mais ceux-ci ont souvent été suivis d’actions en totale contradiction avec ses promesses. France 24 revient sur quatre exemples significatifs pourtant présentés comme des priorités.

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Moraliser la vie politique

L’élection d’Emmanuel Macron en 2017 a en partie été rendue possible par les affaires ayant parasité la campagne du candidat Les Républicains François Fillon. Candidat ayant peu d’expérience politique derrière lui, Emmanuel Macron peut alors se présenter comme un homme politique sans casserole et condamner ces “pratiques de l’ancien monde”. Poussé par François Bayrou qui en fait une condition pour son soutien, l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande promet alors une grande loi de moralisation de la vie politique.

Devenu ministre de la Justice, François Bayrou est chargé de sa rédaction. Celle-ci propose des avancées réelles telles que l’interdiction des emplois familiaux pour les parlementaires, la limitation du nombre de mandats consécutifs ou encore le contrôle de leurs frais professionnels, mais, après cinq années, difficile d’affirmer que la probité en politique ait été érigé en principe absolu.

>> À lire : Emmanuel Macron, le bilan (1/4) : sur la scène internationale, un président médiateur impuissant

Certes, François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard ont été contraints de quitter le gouvernement dès juin 2017 pour cause d’enquête sur les assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen. Certes, Richard Ferrand a lui aussi dû quitter le gouvernement en juin 2017 en raison de sa mise en cause dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne. Mais ce principe vole en éclat à l’été 2018 lors de l’affaire Alexandre Benalla. Ce dernier bénéficie pendant de longues semaines du soutien d’Emmanuel Macron qui s’en prend alors aux médias et à la justice. Dès lors, le chef de l’État ne s’embarrasse plus avec la probité.

Richard Ferrand devient président de l’Assemblée nationale en septembre 2018 et sa mise en examen, un an plus tard, ne change rien – la Justice a prononcé un non-lieu en mars 2021 dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne. François Bayrou devient haut-commissaire au Plan en septembre 2020. Gérald Darmanin est nommé ministre de l’Intérieur en juillet 2020 alors qu’il est accusé de viol et d’abus de faiblesse par deux femmes – il a depuis bénéficié d’un non-lieu. Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a été mis en examen pour prise illégale d’intérêts – des faits commis dans l’exercice de ses fonctions – en juillet 2021. Le ministre délégué aux PME, Alain Griset, a quant à lui fini par démissionner après avoir été condamné en décembre 2021 à six mois de prison avec sursis et à six mois d’inéligibilité avec sursis pour une déclaration de patrimoine et d’intérêt auprès de la HATVP “incomplète ou mensongère”. La HATVP avait transmis son dossier à la justice en novembre 2020. Enfin, le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, et le conseiller spécial d’Emmanuel Macron, Thierry Solère, sont également inquiétés par la justice.

Faire de la politique autrement

Comprenant tôt la lassitude et le rejet des Français du personnel politique et des partis traditionnels, Emmanuel Macron promet durant sa campagne de “faire de la politique autrement”. Il s’agit d’un axe fort de sa mise sur orbite qui attire beaucoup de bénévoles et militants au sein d’En Marche, séduits par la perspective de pouvoir participer de façon collaborative à l’élaboration d’un projet politique. Il est alors question d’auto-gestion au niveau local, d’horizontalité, de partage des prises de décision et de dialogue avec les oppositions.

Mais à l’image de ses décisions liées au Covid-19 ces deux dernières années, Emmanuel Macron a eu une pratique très verticale du pouvoir tout au long du quinquennat. Le Parlement et la majorité présidentielle ont ainsi été réduits à n’être qu’une chambre d’enregistrement des décisions venues d’en haut. Les députés nouvellement élus sous la bannière La République en marche, en juin 2017, avaient d’ailleurs dû s’engager dès leur arrivée au Palais-Bourbon à ne pas s’opposer aux réformes, mais aussi, comme dans “le monde d’avant”, à ne pas soutenir des propositions émanant d’autres groupes parlementaires.

Pire, l’exercice du pouvoir a parfois été autoritaire, que ce soit via l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter la réforme des retraites en février 2020 ou via la répression violente par les forces de l’ordre du mouvement des Gilets jaunes – 82 manifestants blessés gravement, selon le décompte du journaliste indépendant David Dufresne, dont 17 éborgnés et quatre ayant eu une main arrachée. L’ONU était d’ailleurs intervenue, en mars 2019, demandant “une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force”. Le Conseil de l’Europe avait lui appelé un peu plus tôt à “suspendre l’usage du LBD dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre”, afin de “mieux respecter les droits de l’Homme”.

>> À lire : Emmanuel Macron, le bilan (2/4) : en économie, un ruissellement au goutte-à-goutte

Par ailleurs, Emmanuel Macron a mis dans un carton la réforme de la Constitution sur laquelle il s’était engagé pour supprimer la Cour de Justice de la République (CJR) et adopter une dose de proportionnelle aux élections législatives.

En revanche, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a, lui, été réformé pour devenir le lieu dédié à la participation citoyenne dans la vie politique de la nation. L’idée est de permettre à la “troisième chambre de la République” d’organiser d’autres conventions citoyennes, sur le modèle de la Convention citoyenne pour le climat. Mais là aussi, contrairement à ses engagements, Emmanuel Macron n’a finalement repris qu’une partie des propositions formulées par la convention, limitant même parfois leur portée. Les citoyens ayant consacré sur leur temps libre de nombreux week-ends de travail à cette Convention pour le climat se sont alors senti trahis. Ceux qui avaient cru à l’horizontalité en politique également.

Make Our Planet Great Again

Sur l’environnement, Emmanuel Macron démarre en fanfare son quinquennat : après avoir promis durant sa campagne d’investir 15 millions d’euros dans la transition écologique et être parvenu à convaincre le très médiatique Nicolas Hulot de devenir son ministre de la Transition écologique, il profite de l’annonce par Donald Trump du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, en juin 2017, pour lancer au monde entier un appel à la lutte contre le réchauffement climatique en paraphrasant le président américain : “Make Our Planet Great Again”.

Mais le coup de communication réussi laisse rapidement la place aux renoncements. Emmanuel Macron recule sur plusieurs dossiers comme l’interdiction du glyphosate, l’application du traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (Ceta) ou l’interdiction des néonicotinoïdes. Cette politique des “petits pas” finit par lasser Nicolas Hulot qui annonce son départ du gouvernement en août 2018 en dénonçant la “présence des lobbies dans les cercles du pouvoir”.

Pour autant, le chef de l’État peut mettre à son actif l’abandon de plusieurs projets combattus par les activistes environnementaux : c’est le cas de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes à côté de Nantes (janvier 2018), du projet minier de la Montagne d’Or en Guyane (mai 2019) ou de la zone commerciale et de loisirs Europacity en région parisienne (novembre 2019).

Emmanuel Macron peut aussi se targuer d’avoir mis sur pied à l’automne 2019 la Convention citoyenne sur le climat à la suite du mouvement des Gilets jaunes, qui avait émergé en réponse à la hausse de la taxe carbone sur les carburants. Chargés de proposer des mesures pour atteindre les objectifs de la France de réduction des gaz à effet de serre tout en tenant compte de la justice sociale, les 150 citoyens tirés au sort ont fourni un travail remarquable débouchant à l’été 2020 sur 146 mesures. Mais au lieu de reprendre ces propositions, le président de la République a, avec sa loi Climat et résilience, laissé de côté de nombreuses mesures et dénaturé de nombreuses autres. Exemple : les citoyens tirés au sort proposaient d’interdire les vols intérieurs pouvant être remplacés par des trajets en train de moins de 4 heures ; la loi présentée en février 2021 par la ministre Barbara Pompili s’est finalement contentée d’interdire les vols pouvant être remplacés par des trajets en train de moins de 2 h 30.

>> À lire : Emmanuel Macron, le bilan (3/4) : la réduction des dépenses sociales contrariée par les crises

La discordance entre les discours et les actes d’Emmanuel Macron se vérifie également avec la rénovation des “passoires thermiques”. Alors qu’il promettait durant sa campagne la rénovation d’un million de logements mal isolés au cours du quinquennat et leur suppression totale en dix ans, “plus de 4,8 millions existent encore et l’objectif ne sera pas atteint”, note le bilan de l’action du président réalisé par le Réseau Action Climat.

Les objectifs ne seront pas non plus atteints en matière d’énergies renouvelables. Avec 19,1 % de renouvelables dans son mix énergétique, la France était ainsi, en 2020, le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir respecté ses engagements dans ce domaine, fixés à 23 % par Bruxelles.

Le manque de volonté du gouvernement a fini par être condamné par la justice française qui, en février 2021, a jugé coupable l’État de “carences fautives” contre le réchauffement climatique, avant d’enjoindre quelques mois plus tard le Premier ministre et les ministres compétents “de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique” avant le 31 décembre 2022.

Égalité femmes-hommes

Érigée “grande cause du quinquennat”, la lutte pour l’égalité femmes-hommes n’a dans les faits jamais été une priorité du gouvernement, celle-ci ayant d’ailleurs été cantonnée jusqu’en 2020 à un secrétariat d’État rattaché au Premier ministre.

Dans un quinquennat marqué par le mouvement planétaire #MeToo, les avancées existent néanmoins. Emmanuel Macron a tenu sa promesse sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes seules et les couples de femmes homosexuelles, a allongé de deux semaines – passage de 12 à 14 semaines – les délais pour l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et a élargi la gratuité de la pilule contraceptive aux jeunes filles de moins de 15 ans en 2020 et aux jeunes femmes de 18 à 25 ans en 2022.

Le Grenelle des violences conjugales, organisé à l’automne 2019, a débouché sur le renforcement de l’ordonnance de protection qui permet au juge d’assurer dans l’urgence – sans attendre le dépôt d’une plainte – la protection de victimes de violences conjugales, la mise en place du bracelet anti-rapprochement pour éloigner les hommes violents de leur victime ou encore la mise en service 24h/24 et 7J/7 du 3919, un numéro d’appel pour les femmes victimes de violence.

>> À lire : Lutte contre les violences faites aux femmes : la France encore “loin du compte”

Pour autant, la lutte contre les violences faites aux femmes n’a jamais bénéficié des moyens nécessaires. Alors que les associations féministes réclament depuis longtemps un milliard d’euros pour lutter contre les féminicides et les violences en général – un budget qui permettrait la construction de 20 000 places d’hébergement spécialisé notamment – le gouvernement n’y consacre qu’un tiers de la somme demandée, selon un rapport publié en mars 2022 par Oxfam. Le budget consacré à l’Égalité femmes-hommes pour 2022 n’est quant à lui que de 50 millions d’euros sur un budget global du gouvernement de 883 milliards d’euros, soit en tout et pour tout 0,25 % du budget de l’État.

De plus, l’inégalité la plus criante reste bien présente : malgré la mise en place d’un index de l’égalité en 2018 pour lutter contre les inégalités salariales, les hommes sont toujours payées en moyenne 30 % de plus que les femmes, selon l’Insee. “La précarité, les inégalités salariales à tous les étages et la revalorisation des métiers à prédominance féminine, y compris qualifiés comme les infirmières, les sages-femmes et les enseignantes, ont été laissées de côté”, juge l’économiste Rachel Silvera, citée par le magazine Alternatives économiques.

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