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Guerre en Ukraine : une campagne téléphonique pour combattre la désinformation russe

Face à la censure et la désinformation du Kremlin à propos de la guerre en Ukraine, un groupe de lituaniens a lancé, le 8 mars, la campagne d’information #CallRussia, qui consiste à appeler des citoyens russes pour les alerter sur la réalité du conflit. Après des débuts difficiles, ses organisateurs affirment désormais recevoir une meilleure écoute de la part des citoyens russes.

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Depuis le début de la guerre en Ukraine le 24 février, la Russie a imposé un contrôle strict de l’information véhiculée auprès de ses citoyens sur ses opérations militaires. Outre la censure de plusieurs médias indépendants et des restrictions d’accès aux réseaux sociaux, Vladimir Poutine a signé une nouvelle loi criminalisant “la diffusion de fausses informations sur l’armée russe”, désormais passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison.

Pour contrer cette stratégie propagandiste à outrance, un groupe d’activistes lituaniens a lancé une campagne d’appels téléphonique auprès des citoyens russes, intitulée #CallRussia. Le concept est on ne peut plus simple : appeler un maximum de personnes pour les alerter sur la réalité de l'”opération militaire spéciale” de Moscou.

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40 millions d’appels

Le 3 mars, une semaine après le début de l’offensive, Paulius Senuta, originaire de Vilnius, reçoit un appel téléphonique d’un ami. “Il m’a dit qu’il avait téléchargé des annuaires téléphoniques russes, et j’ai immédiatement pensé que cela pouvait être un moyen d’atteindre les citoyens du pays qui n’ont aucune idée de ce qui se passe réellement “, explique le jeune homme contacté par France 24. 

Les jours suivant, Paulius Senuta et ses amis travaillent d’arrache pieds sur leur concept contactant des dizaines d’experts en technologie, de spécialistes en communication ainsi que des psychologues, pour mettre en place la campagne d’information #CallRussia.

Lancée le 8 mars, l’initiative prend la forme d’une plateforme numérique qui permet à des volontaires russophones du monde entier d’entrer en contact avec les 40 millions de Russes, dont les numéros de téléphone ont été codés et enregistrés dans sa base de données.

“Une conversation ne peut pas venir à bout de la propagande maléfique de Poutine, mais avec des millions de conversations, on pourrait y arriver (…) Poutine n’a peur que d’une seule chose : le pouvoir du peuple russe lui-même. Les Russes sont les seuls à pouvoir tenir tête à Poutine”, peut-on lire sur le site de la plateforme.

“Poutine va s’occuper de vous !”

D’après l’organisation, quelque 25 000 volontaires dans 116 pays ont rejoint le mouvement en un peu plus de deux semaines, et près de 100 000 appels ont été passés.

Paulius Senuta affirme pour sa part avoir passé environ 150 appels, et ceux des premiers jours ont été de loin les plus difficiles. “Il y avait essentiellement deux types d’interactions. Environ deux tiers des gens étaient vraiment très en colère et me criaient dessus pendant cinq à sept minutes. L’autre tiers des interlocuteurs était simplement poli, ne parlait pas, mais écoutait simplement. Les gens avaient vraiment peur de parler.”

Face à l’agressivité de certains Russes, Paulius Senuta reconnait avoir éprouvé des difficultés. “Émotionnellement, c’est dur, vous devez être préparé à cela avant d’appeler”, souligne-t-il, précisant que #CallRussia a développé des scénarios et des lignes directrices pour aider ses bénévoles à appréhender les nombreuses difficultés lors de leurs appels.

“J’ai eu droit à une vraie folle qui m’a demandé si je savais qui elle était, qui m’a dit qu’elle était la fille de Poutine et qu’elle allait me dénoncer à son père. ‘Il va s’occuper de toi’, m’a-t-elle dit”, raconte Paulius Senuta.

Courriers haineux et piratage informatique

Au cours des trois semaines de campagne, l’activiste lituanien affirme que son équipe a reçu plusieurs messages haineux et que son site web a été visé par de nombreuses cyberattaques. “Nous recevons des messages du type : ‘Combien êtes-vous payés pour faire ça’ et ‘arrêtez les mensonges’. Ils [les pirates informatiques] ont essayé de mettre le site hors service à plusieurs reprises, mais nous le remettons toujours en marche assez rapidement” explique-t-il.

Paulius Senuta l’affirme, la propagande du Kremlin, diffusée massivement en Russie par la télévision d’État et sur Internet, couplée à la politique de censure drastique des médias fonctionne auprès de la population, notamment des plus âgés. 

“Ils [les personnes interrogées] répètent tous à peu près la même chose : il s’agit d’une très petite opération militaire ciblée visant à dénazifier l’Ukraine, que la Russie sauve le peuple ukrainien et qu’elle lui apporte de la nourriture et des vêtements. On croirait un copier-coller de l’information des médias d’État russes.”

Permettre aux opposants de s’exprimer

S’il reconnait que la mission de la campagne #CallRussia est loin d’être simple, Paulius Senuta considère néanmoins que le dialogue progresse. “On a l’impression que le sentiment est en train de changer” explique-t-il. “Les gens ne crient plus autant, et nous observons de meilleures interactions. Il y a plus de gens qui s’expriment et les conversations deviennent plus longues.” Cela ne veut pas forcément dire que l’opinion publique russe ait subitement changé d’avis, mais c’est un signal très positif, estime-t-il.

Selon l’activiste, la durée croissante des appels est l’une des seules façons de mesurer le succès du projet. “Ce que nous essayons de faire, c’est de transmettre l’ampleur de la tragédie humaine afin que les gens prennent une position fondée sur les questions humanitaires plutôt que sur les questions idéologiques, et certains de nos volontaires sont maintenant capables de parler aux gens pendant assez longtemps, parfois pendant une heure.”

Une évolution salutaire pour l’activiste, néanmoins conscient des limites de son initiative. “Plus nous pouvons parler aux gens, plus nous pouvons leur dire ce qu’il se passe réellement, et nous pensons que cela peut avoir un réel impact et changer la façon dont ils voient la guerre”, estime-t-il. “Nous sommes bien conscient que nous ne pourrons pas convaincre les plus fervent soutiens de la guerre, mais si nous parvenons à neutraliser leur rhétorique, les opposants à l’opération militaire se sentiront plus forts et pourraient alors descendre dans la rue [pour protester].”

Article traduit de l’anglais par David Rich. Pour lire l’original, c’est ici. 

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