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Vu de Russie : comment la télévision russe traite la guerre en Ukraine ?

Dans une toute nouvelle chronique intitulée “Vu de Russie”, France 24 analyse le traitement médiatique russe de la guerre en Ukraine avec Elena Volochine, correspondante en Russie depuis une décennie. Elle a choisi aujourd’hui deux extraits de journaux télévisés russes, et les décrypte sur le plateau de France 24. Selon la rhétorique relayée par ces deux chaînes de télévision, Moscou ne frappe que des cibles militaires. Son armée protégerait même les civils des forces ukrainiennes.

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France 24, qui décrypte la communication ukrainienne, comme à l’occasion de la prise de parole du président Volodymyr Zelensky devant les parlementaires français mercredi 23 mars, analyse aussi le point de vue russe, dans une toute nouvelle chronique, “Vu de Russie”. Riche d’une expérience de dix ans comme correspondante de France 24 en Russie, cheffe du bureau de la chaîne à Moscou, Elena Volochine a sélectionné deux extraits de journaux d’information télévisée russes de premier plan, traduits et explicités sur France 24. Pacifisme d’une armée russe héroïque face à des forces ukrainiennes qualifiées de “néo-nazies”, diabolisation de l’Occident, fake news, diabolisation de l’ennemi, spectre d’une menace américaine : on y retrouve les principaux axes du récit russe sur le conflit depuis son déclenchement le 24 février, explique notre journaliste.

L’armée russe en mission “humanitaire” face à des “néo-nazis”

La première séquence est tirée de la première chaîne de la télévision russe, Pervi Kanal. Un média que la journaliste russe Marina Ovsyannikova a fait connaitre au monde entier par une image devenue virale : le 14 mars dernier, en plein journal télévisé, elle interrompait la présentatrice en faisant irruption sur le plateau munie d’une pancarte sur laquelle figurait ces mots : “non à la guerre, ne croyez pas à la propagande, on vous ment”.

La journaliste russe Marina Ovsiannikova a protesté en direct à l'antenne, le 14 mars 2022, contre la guerre en Ukraine.
La journaliste russe Marina Ovsiannikova a protesté en direct à l’antenne, le 14 mars 2022, contre la guerre en Ukraine. © Capture d’écran, France 24

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Elena Volochine reprend et explique les trois titres du JT diffusé lors d’une heure de grande écoute, le 22 mars, énoncés en ces termes : 

  • Premier titre : “Roubijne : l’histoire dramatique du sauvetage des habitants de la vengeance des forces ukrainiennes, notre équipe de tournage a partagé une voiture avec des réfugiés.”

Roubijne se trouve dans la République populaire de Louhansk, un des deux territoires séparatistes, deux Oblast pris à l’Ukraine en 2014, au moyen de l’appui militaire russe. “Le côté qui est en guerre avec Kiev, où atterrissent par la force des choses les obus ukrainiens, est le seul que montre la télévision russe depuis le début du conflit” note Elena Volochine.

Or, les sources d’information officielles – telle que la chaîne Pervi Kanal – sont désormais les seules auxquelles peut accéder le public russe, dans un pays où les derniers médias indépendants ont été contraint de mettre la clef sous la porte. Le 21 mars, un tribunal de Moscou a, en outre, interdit les réseaux sociaux américains Facebook et Instagram en Russie, en estimant qu’ils menaient des activités “extrémistes”.

  • Deuxième titre : “Marioupol et ses habitants, dès que les bombardements ukrainiens se taisent, ils sortent des caves pour continuer à vivre.”  

“Dès que les bombardements ukrainiens se taisent” : des mots lourds de sens, insiste la cheffe du bureau de France 24 à Moscou. Selon les propos de la propagande russe, ce seraient les Ukrainiens seuls qui bombardent Marioupol, tandis que les Russes, eux, n’auraient de cesse d’aider les civils ukrainiens en détresse. 

Une des principales page du journal est ensuite consacrée à la ville de Marioupol, “les unités nationalistes ukrainiennes” y sont assimilés à des Nazis, tirant “sur des quartiers habités”, relève Elena Volochine,

“Les corridors humanitaires dans notre direction sont l’unique chance de salut”, poursuit le présentateur du journal russe. Plus tard dans le journal, il est affirmé que les Ukrainiens se refusent à mettre en place tout couloir humanitaire.

  • Troisième titre : “pas de droit à l’erreur, nos héros-artilleurs (…) risquent leur vie et protègent leurs camarades des tirs de l’aviation ukrainienne, ils ont abattu les cibles aériennes jusqu’à la dernière” 

Le but ici, explique la correspondante de France 24 à Moscou, est de présenter l’armée russe comme “à la pointe de la technologie, prête à risquer sa vie, ne ratant jamais ses cibles, lesquelles sont toujours militaires, et donc jamais civiles.”

L’armée russe est bel et bien médiatisée : ses porte-paroles font même deux points quotidiens avec la chaîne de télévision, remarque Elena Volochine, “mais les destructions causées par l’armée russe, elles, ne sont jamais montrées”. Le citoyen russe n’a accès qu’à des images satellites de frappes ultraciblées, en phase avec le discours officiel du Kremlin : des armes (russes) de pointes ciblant des objectifs jamais situés dans des zones habitées.

Le spectre de la “menace occidentale”

La cheffe du bureau de France 24 à Moscou s’est également intéressée aux bandes annonces qui passent entre les journaux d’une autre chaîne d’information en continu, la télévision d’État Rossiya 24. 

L’une d’elle affirme que Washington détiendrait des “laboratoires secrets de fabrication d’armes biologiques” en Ukraine. C’est là une rhétorique centrale pour Moscou, explique la journaliste : celle comme quoi les États-Unis constitueraient une sournoise menace contre la Russie, voire contre le monde.

Le 11 mars, la Russie a ainsi convoqué le Conseil de sécurité de l’Onu pour évoquer l’utilisation par les États-Unis de ces laboratoires “secrets”. Ces accusations qui reposent sur une théorie du complot, qui est aussi promue par la Chine et le mouvement conspirationniste américain QAnon.

Lors du journal de Rossiya 24, le présentateur fait mention que “4,5 millions d’habitants pacifiques demeurent les otages des néo-nazis ukrainiens, comme à Kharkiv (…) Les civils sont toujours utilisés comme boucliers humains (…) parmi eux se trouvent aussi des étrangers issus de 25 pays.”

En plus de glorifier l’armée russe, le but escompté ici est double, explique la correspondante de France 24 à Moscou : dénigrer les actions de la riposte ukrainienne, tout en entretenant le mythe de la présence de mercenaires étrangers faisant ainsi miroiter au passage le spectre de l’Occident ennemi.

La télévision russe a également recours à des “fake news”, poursuit Elena Volochine. Rossiya 24 prête à France 24 un propos jamais tenu par la chaîne, comme suit : “Dans ce reportage sur les mercenaires étrangers, les mercenaires qui allaient partir sur la ligne de front doutent de leur décisions”, explique le présentateur. Sans   montrer aucune image de France 24 pour étayer son propos.

Rossiya 24 fait ensuite état d'”ex-membres des forces spéciales américaines prêtent allégeance au diable”; étayant le propos d’explications floues.

“Si vous n’avez rien compris, c’est normal”, ironise Elena Volochine, avant de conclure : c’est là unes des méthodes de la propagande russe, laquelle consiste à distiller et compiler des termes tels que “satanistes, américains, Nazis”. Le finalité escomptée : terroriser le téléspectateur russe vis-à-vis de l’ennemi supposé, l’Occident.

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