Alors que la Tunisie célèbre, dimanche, la fête de son indépendance, une manifestation a eu lieu dans la capitale pour dénoncer la consultation électronique du président Kaïs Saïed organisée en vue d’un référendum constitutionnel.
Depuis son coup de force du 25 juillet dernier, la colère gronde. Plus de deux mille personnes manifestaient, dimanche 20 mars, à Tunis, contre le président Kaïs Saïed et sa consultation en ligne organisée en vue d’importantes réformes politiques.
“À bas le coup d’État !”, “Le peuple veut écarter le président”, “Non à la consultation !”, ont scandé les manifestants, en ce jour de la fête de l’indépendance. Ils se sont rassemblés à l’appel du mouvement Citoyens contre le coup d’État et du parti islamo-conservateur Ennahda, selon des journalistes de l’AFP sur place.
Le coup de force du président Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet et gouverne depuis le pays par décrets, a été, dès le début, qualifié de “coup d’État” par ses opposants.
Plusieurs manifestants sont des électeurs déçus de Kaïs Saïed, comme Mounira Bouazizi, une blogueuse militante des droits humains qui avait voté pour lui en 2019.
“Je pensais qu’il croyait à la démocratie et aux acquis de la Révolution et il a fait tout le contraire”, a-t-elle dit à l’AFP.
“On ne peut pas appeler ça un processus démocratique. Aujourd’hui, le peuple est divisé entre pro et anti-Kaïs Saïed, ça nuit aux libertés et à la démocratie”, a appuyé Mohammed, un retraité.
Brandissant des drapeaux tunisiens, les protestataires ont marché vers le Parlement, dans le quartier du Bardo, mais ont été bloqués par un important dispositif policier.
“Nous n’accepterons pas les résultats de la consultation, cette arnaque contre le peuple”, a lancé à la foule Samira Chaouachi, vice-présidente de l’Assemblée des représentants du peuple, le Parlement gelé depuis le 25 juillet.
À quelques heures de sa clôture dimanche, la consultation électronique, lancée le 15 janvier par le président, enregistrait seulement 508 000 participants, moins de 10 % du corps électoral (de 7,07 millions), selon les statistiques officielles.
“Sauver le pays”
Les réponses doivent servir de base à des réformes politiques qui seront élaborées par une commission d’experts nommée par le président. Un référendum doit être ensuite organisé, en juillet, sur des amendements à la Constitution que Kais Saïed veut rendre plus “présidentielle”, avant de nouvelles législatives prévues mi-décembre.
“Nos condoléances pour la consultation, président Saïed”, s’est moquée la foule de manifestants.
Le chef d’État a imputé l’insuccès de son vaste sondage à des “obstacles techniques” et “des tentatives de l’ancien système de faire avorter cette expérience”, en allusion à Ennahda.
“Nous voulons des élections présidentielle et législatives anticipées. Nous sommes en pleine crise politique et nous devons avoir un dialogue politique qui sauvera le pays”, a affirmé à l’AFP Yamina Zoghlami, une membre d’Ennahda, disant craindre “un scénario libanais” pour son pays très endetté et qui a réclamé une nouvelle aide du FMI.
Les manifestants ont aussi réclamé la libération de l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats Abderrazek Kilani, arrêté début mars sur ordre de la justice militaire pour “trouble de l’ordre public dans l’intention de s’opposer à l’application de la loi”.
Figure respectée en Tunisie, Abderrazek Kilani est membre du comité de défense du numéro deux d’Ennahda Noureddine Bhiri, poursuivi lui aussi par la justice.
Avec AFP