La justice a suspendu, jeudi, la peine du militant indépendantiste Yvan Colonna pour “motif médical”. Une suspension prévue par la loi en cas de pronostic vital engagé.
En visite en Corse, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est dit, jeudi 17 mars, prêt engager “la parole de l’État” dans ses discussions avec les responsables nationalistes sur une possible autonomie de l’île, alors qu’à Paris la justice a suspendu la peine d’Yvan Colonna pour “motif médical”.
Cette suspension, prévue par la loi en cas de pronostic vital engagé, est “un soulagement pour la famille”, a réagi auprès de l’AFP Sylvain Cormier, l’un des avocats du militant indépendantiste, toujours dans le coma dans un hôpital de Marseille après son agression à la prison d’Arles, dans les Bouches-du-Rhône, le 2 mars, par un détenu radicalisé.
Des “engagements très forts”
Cette annonce est intervenue au milieu de la visite de Gérald Darmanin en Corse pour discuter de l’autonomie de l’île. Après deux jours d’échanges avec les élus corses, lors desquels il a répété être prêt à mener des discussions pouvant “aller jusqu’à l’autonomie” de l’île, le ministre de l’Intérieur a confirmé devant la presse qu’il accepterait de s’engager noir sur blanc : “Ce que je dis, (…) je suis capable de l’écrire”, a-t-il assuré.
“Je n’ai pas deux types de paroles, je n’en ai qu’une, je suis comme les Corses, un homme d’honneur. Et donc j’écrirai et j’engagerai évidemment la parole de la République”, a-t-il insisté jeudi, interrogé sur le risque que faisait peser l’élection présidentielle sur le processus engagé.
La veille, le président autonomiste du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, s’était réjoui des “engagements très forts” de ministre de l’Intérieur. Néanmoins, l’ancien avocat d’Yvan Colonna, condamné à perpétuité pour sa participation à l’assassinat du préfet Erignac en 1998, avait demandé que ces échanges soient “consignés dans un document, avec un calendrier”, avant de pouvoir considérer avoir “posé la première pierre d’un processus historique”.
Une demande acceptée donc par le ministre, favorable à ce que “tout ce que nous avons dit (soit) inscrit dans le temps, comme un engagement de l’État et de la Collectivité” de Corse. L’objectif annoncé par chacune des parties est d’aboutir à un éventuel projet d’autonomie, qui pourrait exiger une réforme constitutionnelle, “d’ici à la fin de l’année” : “est-ce qu’on se mettra d’accord à l’issue de ces nombreuses et difficiles discussions, je n’en suis pas certain, mais commençons par ce dialogue”, a tempéré Gérald Darmanin.
“Calme fragile”
Cette main tendue du gouvernement a suscité jeudi la mise en garde de Jean-Pierre Chevènement, en poste à l’Intérieur quand le préfet Erignac a été assassiné : en Corse, “nous assistons à un chantage permanent à la violence. Depuis 1975, les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique (…) sont allés de reculade en reculade”, a-t-il déploré dans un entretien à L’Opinion.
Gérald Darmanin était attendu à Porto-Vecchio en fin d’après-midi jeudi, pour se rendre à la gendarmerie visée vendredi dernier par une tentative d’intrusion de manifestants, tentative notamment marquée par le jet d’une hache dans le logement d’un des gendarmes.
“J’ai été engagé sur les gilets jaunes, c’était en-dessous de ce qui s’est passé”, a insisté auprès du ministre un gendarme engagé sur la manifestation de dimanche à Bastia, qui avait fait 102 blessés, dont 77 membres des forces de l’ordre.
Le ministre doit ensuite revenir à Ajaccio vendredi, avant de se rendre à Bastia dans l’après-midi. Sur l’agression d’Yvan Colonna, qu’il a qualifiée d'”ignoble”, le ministre a une nouvelle fois promis “toute la lumière”. Outre l’enquête judiciaire, des auditions ont commencé mercredi à l’Assemblée nationale et les conclusions de l’enquête administrative seront rendues publiques “dans une dizaine de jours”, a-t-il précisé.
L’agression d’Yvan Colonna a été le détonateur des tensions entre l’État et les nationalistes, frustrés que leurs victoires dans les urnes, aux élections territoriales de 2015, 2017 puis 2021, n’aient pas fait aboutir leurs revendications.
Parmi elles, le rapprochement à la prison corse de Borgo des deux autres membres du commando Erignac, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. Se félicitant du retour à un “calme fragile” sur l’île, le ministre de l’Intérieur a rappelé jeudi que ces rapprochements étaient conditionnés à l’arrêt durable des violences.
Interrogé par l’AFP, le fils d’Alain Ferrandi a affirmé que le ministre n’avait pris “aucun engagement précis” sur une date pour ces éventuels rapprochements.
Avec AFP