
Des grenades lacrymogènes ont été tirées dimanche par la police soudanaise afin de disperser les dizaines de milliers de manifestants rassemblés aux abords du palais présidentiel à Khartoum pour protester contre le pouvoir militaire, aux commandes du pays depuis le 25 octobre.
Les forces de sécurité soudanaises ont tiré, dimanche 19 décembre, des grenades lacrymogènes pour disperser les dizaines de milliers de manifestants descendus dans la rue à Khartoum pour s’opposer à l’armée, au pouvoir depuis le coup d’État militaire du 25 octobre.
“Le peuple veut la chute de Burhane”, scandaient les manifestants en référence au général Abdel Fattah al-Burhane, qui a mené le coup d’État, ont rapporté des témoins à l’AFP.
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La police antiémeute a été déployée aux principaux carrefours de Khartoum, tandis que les autorités soudanaises ont fermé des ponts reliant le centre de la capitale à des banlieues de l’ouest et du nord.
Toutes les routes entourant le quartier général de l’armée dans le centre-ville ont par ailleurs été fermées avec des barbelés et des blocs en béton, selon un journaliste de l’AFP.
“Contrôle total” de l’armée
“Le coup d’État a coupé la route à la transition démocratique : avec lui, les militaires ont pris le contrôle total de la vie politique et économique”, explique à l’AFP Achraf Abdelaziz, patron du quotidien indépendant Al-Jarida.
Bien avant le putsch, Khartoum reconnaissait que 80 % des ressources du pays n’étaient toujours pas sous son contrôle. Nul ne sait quelle part de l’économie est entre les mains des militaires mais ils contrôlent de nombreuses entreprises allant de l’élevage de volailles à la construction.
Avec le putsch et la suppression de l’aide internationale en rétorsion, dit encore Achraf Abdelaziz, “l’appareil sécuritaire l’a emporté sur les institutions politiques. Or, pour mener une transition démocratique, il faut que le politique soit le moteur.”
Cinq millions d’armes aux mains de civils
Si l’armée a bien rétabli le Premier ministre civil, Abdallah Hamdok, et promis des élections libres en juillet 2023, elle n’a toujours pas formé de gouvernement. En face, les pro-gouvernement civil, qui accusent Abdallah Hamdok de “trahison”, peinent à émerger politiquement : profondément divisés avant le coup d’État, ils continuent à ne pas s’entendre.
Pour Khaled Omer, ministre évincé lors du putsch et cadre des Forces de la liberté et du changement (FLC), le fer de lance civil de la “révolution”, ce coup d’État donne “l’occasion de corriger les défauts du système d’avant”. Cet attelage avait rallié en 2019, sous une même bannière anti-Béchir, civils, militaires et paramilitaires, rejoints en 2020 par les rebelles de régions reculées du pays.
Mais si l’union sacrée a fait long feu – les civils entendaient récupérer seuls le pouvoir sous peu, les militaires ont imposé la prorogation pour deux ans du mandat du général Burhane à la tête de facto du pays –, les civils n’ont pas jusqu’ici présenté de plan d’action, ne cessent de répéter les diplomates qui les rencontrent régulièrement.
Au Soudan où, depuis des décennies, des conflits ont fait des centaines de milliers de morts, le scénario du pire pourrait déjà être enclenché, préviennent les observateurs, avec, officiellement selon Khartoum, cinq millions d’armes aux mains de civils.
Avec AFP
