Soixante ans avant Fukushima, le Japon a connu une catastrophe écologique dans la petite ville portuaire de Minamata. Dans les années 1950, ses habitants sont touchés par une grave intoxication au mercure. Avec la sortie d’un film sur le sujet, les Japonais redécouvrent cette tragédie. Un reportage de Louis Belin et Ryusuke Murata.
Dans les années 1950, des médecins commencent à donner l’alerte quand ils observent des chats qui se mettent à tourner en rond puis à convulser avant de mourir. Parlant tout d’abord de “la maladie du chat qui danse”, ils constatent peu à peu que d’autres espèces sont touchées.
Rapidement les premiers cas humains apparaissent. Ce sont les familles de pêcheurs qui sont le plus touchées avec des pertes du langage, de la vue ou de l’ouïe, accompagnées de mouvements désordonnés et de convulsions.
Une pollution au mercure responsable de centaines de morts
Les morts se multiplient et les scientifiques finissent par comprendre que la contamination vient des poissons, dont la chair est bourrée de mercure. Il faudra encore des mois pour remonter la piste jusqu’à une usine chimique, celle de Chisso, qui depuis 1932 rejette dans la baie un dérivé du mercure.
L’activité de l’usine ayant fortement augmenté dans les années 1950, et les quantités rejetées étaient devenues mortelles. Et pourtant l’usine a continué à produire et à polluer les eaux jusqu’en 1968, quand les autorités ont reconnu la responsabilité de la compagnie.
Du déni des autorités à la reconnaissance médiatique
Cette pollution est à l’origine de centaines de morts, de très lourds handicaps et de graves malformations congénitales au sein de la population de Minamata. En 1971, un photojournaliste américain, Eugene Smith, et sa compagne Aileen, découvrent cette histoire. Et ils publient les premières photos des victimes dans le magazine Life.
Cet automne, un film américain, basé sur l’enquête du couple Smith est sorti au Japon avec Johnny Depp dans le rôle du photographe, alors que des milliers d’habitants de la région attendent toujours réparation et la reconnaissance de leur statut de victimes.
Utilisation de photographies tirées du livre “Minamata” de W. Eugene Smith et Aileen M. Smith (Crevis – édition japonaise).