Le premier jour du procès de “l’affaire de la sextape” a été marqué par le témoignage de la victime, le footballeur Mathieu Valbuena, qui dit avoir “eu peur pour sa carrière” lorsque Karim Benzema est venu le voir en prétendant l’aider à se débarrasser de ce problème de vidéo intime.
“Apeuré”, “bouleversé”, “en danger” : au premier jour du procès de “l’affaire de la sextape” mercredi 20 octobre, le footballeur Mathieu Valbuena a longuement décrit comment il avait accueilli la tentative de chantage dont il affirme avoir été la victime, en l’absence du principal prévenu, Karim Benzema.
“Ca fait six ans qu’on a cette affaire, tout le monde est là ou presque, il manque Karim”, a regretté Mathieu Valbuena devant la presse, avant d’évoquer à la barre leur fameuse conversation du 6 octobre 2015 au centre d’entrainement de l’équipe de France à Clairefontaine.
Ce soir-là, les deux joueurs échangent pendant moins d’une demi-heure dans la chambre de l’attaquant du Real Madrid. Le plaignant a déclaré être sorti “apeuré” et “bouleversé” de cette conversation. Karim Benzema, qui avait été missionné par un intermédiaire des maîtres-chanteurs présumés, était “insistant pour me faire rencontrer quelqu’un”, précise Mathieu Valbuena, 37 ans.
“J’ai eu peur pour ma carrière sportive”
Son coéquipier en sélection n’était pas agressif et n’a pas fait mention d’argent, reconnait le plaignant, qui cependant ajoute que “quand on règle un problème comme ça (…) c’est pas en échange de places de football”.
“On est coéquipier en équipe de France, c’est le Graal pour les footballeurs, je n’aurais jamais pensé qu’on aurait pu en arriver là”, regrette-t-il. “J’ai eu peur pour ma carrière sportive, pour l’équipe de France. Je savais que si la vidéo sortait, ça allait être compliqué pour moi en équipe de France, comme on l’a vu par la suite”, poursuit le milieu de terrain qui évolue désormais à l’Olympiakos, en Grèce.
Un ressenti auquel n’a pas pu répondre Karim Benzema à l’audience. Son avocat, Antoine Vey, a expliqué l’absence de l’attaquant star du Real Madrid, candidat au Ballon d’or, par des raisons “professionnelles” : le joueur de 33 ans, qui encourt théoriquement 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende, a disputé mardi soir un match en Ukraine et doit préparer le “Clasico” contre le FC Barcelone dimanche.
“J’espère que le tribunal tirera les conséquences”, de cette absence, a lancé l’avocat du plaignant, Me Paul-Albert Iweins.
À la barre, Mathieu Valbuena remonte le fil de cette histoire quelque peu nébuleuse. C’est Djibril Cissé, son ancien coéquipier à Marseille, qui le premier lui parle de cette vidéo intime, lui en faisant une description précise après en avoir visionné un extrait.
“Je me suis senti en danger, mon premier réflexe a été de porter plainte”, détaille Mathieu Valbuena, qui précise n’avoir jamais eu “l’idée de payer”.
De l’autre côté de la barre, les mis en cause se défendent de tout chantage. Axel Angot, qui a trouvé la vidéo tant convoitée lorsque Mathieu Valbuena lui a donné son téléphone, avant de la copier sur son ordinateur, souligne “ne pas avoir entendu parler d’argent”.
Il explique avoir voulu rendre service, même gratuitement, en espérant que le joueur lui renvoie un jour l’ascenseur. À peine reconnait-il du bout des lèvres que cette entreprise revenait “indirectement à la même chose qu’un chantage”.
Son ami Mustapha Zouaoui, considéré comme l’autre “cerveau” de cette affaire, admet lui qu’Axel Angot “n’aurait pas dit non” si Valbuena s’était montré généreux.
“Nous, on ne voulait pas le saigner, on ne voulait pas qu’elle sorte cette vidéo”, a-t-il promis.
“Je ne suis pas mère Teresa”
Younes Houass, qu’Axel Angot et Mustapha Zouaoui avaient contacté pour servir d’intermédiaire dans leur entreprise, s’avance à son tour.
Cet homme qui gravitait dans le monde du football, le seul excepté Karim Benzema à avoir parlé directement à Mathieu Valbuena lors de cette affaire, rappelle ne pas avoir demandé d’argent lorsque les deux hommes ont échangé au téléphone.
“Je lui ai conseillé de se tourner vers un homme de confiance, quelqu’un qui peut avoir la tête froide face à ce genre de situation”, déclare-t-il au tribunal.
“Arrêtez de faire croire que vous êtes mère Teresa, vous êtes intéressé par l’argent”, interrompt le président du tribunal, Christophe Morvan.
“Je ne suis pas mère Teresa”, reconnait l’intéressé.
Constatant que Younes Houass, qui avait été mis en contact par Mathieu Valbuena avec un policier sous couverture, “patinait” dans ses négociations, selon les termes du président du tribunal, Axel Angot et Mustapha Zouaoui ont alors “l’idée lumineuse” de se tourner vers Karim Zenati, ami d’enfance de Benzema.
Ce dernier entre alors dans la danse à Clairefontaine. Depuis cette affaire, Mathieu Valbuena n’a plus été appelé chez les Bleus, à la différence de l’attaquant du Real Madrid. Karim Benzema est resté éloigné plus de cinq ans avant de faire un retour surprise avant l’Euro en juin.