Min Aung Hlaing, le chef de la junte birmane, sera exclu du prochain sommet de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), a annoncé samedi l’organisation. Une mesure forte à l’encontre du pouvoir militaire qui s’est dit “extrêmement déçu”.
Les ministres des Affaires étrangères de l’Asean, réunis virtuellement vendredi 15 octobre, ont décidé que Min Aung Hlaing ne serait pas invité au sommet qui se tiendra du 26 au 28 octobre, a déclaré samedi 16 octobre le Brunei, qui assure actuellement la présidence tournante de l’association. À la place, il a été décidé “d’inviter un représentant apolitique birman”.
“La Birmanie est extrêmement déçue et s’oppose fermement aux conclusions de la réunion des ministres des Affaires étrangères (de l’Asean)”, a déclaré, dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères de la junte, estimant que “les discussions et la décision sur la question de la représentation de la Birmanie ont eu lieu sans consensus, et sont contraires aux objectifs de l’Asean“.
La Birmanie dénonce “l’ingérence” de pays non membres de l’Asean
Plus tôt, la junte birmane avait critiqué cette décision, accusant l’Asean d’avoir enfreint la règle de non-ingérence dans la politique intérieure de ses États membres. “Nous pouvons également voir l’ingérence des autres pays (non membres de l’Asean)”, a déclaré le porte-parole de la junte, le général de brigade Zaw Min Tun, à l’équipe locale de la BBC.
Il faisait allusion aux pourparlers entre le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et l’émissaire de l’Asean pour la Birmanie, le vice-ministre des Affaires étrangères du Brunei Erywan Yusof, organisés avant la réunion, et à la pression de l’Union européenne.
L’organisation, qui regroupe dix pays d’Asie du Sud-Est, a pris cette mesure exceptionnelle après que la junte a rejeté les demandes d’envoi d’un représentant spécial pour dialoguer “avec toutes les parties prenantes”, dont l’ex-dirigeante Aung San Suu Kyi, renversée par l’armée en février. Le communiqué fait état de “progrès insuffisants” dans la mise en œuvre d’un plan en cinq points, adopté en avril, qui devait contribuer à rétablir le dialogue en Birmanie et faciliter l’arrivée de l’aide humanitaire.
“Difficile mais nécessaire”
Pour l’Asean, la situation en Birmanie “a un impact sur la sécurité régionale, ainsi que sur l’unité, la crédibilité et la centralité de (l’organisation)”. Pour le ministère des affaires étrangères de Singapour, cette décision était “difficile mais nécessaire pour maintenir la crédibilité de l’Asean”.
L’exclusion du chef de la junte birmane “assoit la réputation (de l’Asean) en tant qu’organisation qui peut encore jouer un rôle actif en Asie du Sud-Est”, a relevé, auprès de l’AFP, Mustafa Izzuddin, spécialiste des relations internationales au sein du cabinet de conseil Solaris Strategies à Singapour. Elle envoie un “signal politique” à la junte, selon lequel l’Asean ne se laisse pas faire et que la Birmanie doit montrer son sérieux et son engagement à mettre en œuvre le plan en cinq points, a-t-il ajouté.
La Birmanie, essentiellement dirigée par des militaires depuis un coup d’État en 1962, est une épine dans le pied de l’Asean depuis son adhésion à l’organisation en 1997. Un coup d’État a mis fin, le 1er février, à une parenthèse démocratique de dix ans. La répression militaire est sanglante contre les opposants, avec plus de 1 100 civils tués et 8 400 emprisonnés, selon une ONG locale, l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP).
Parmi les emprisonnés, Aung San Suu Kyi, 76 ans, lauréate du prix Nobel de la paix 1991, est poursuivie notamment pour avoir violé des restrictions liées au Covid-19 lors des élections de l’an passé, que son parti avait remportées largement, et pour importation illégale de talkie-walkies. Elle encourt des décennies de prison.
Les États-Unis approuvent l’Asean
Un haut responsable de l’administration américaine, a qualifié de “parfaitement appropriée” et “complètement justifiée” la décision de l’Asean, avant même son annonce officielle. Aung Myo Min, ministre des droits de l’Homme au sein du gouvernement d’unité nationale (NUG), formé par d’ex-députés du parti d’Aung San Suu Kyi, a salué cette exclusion comme “une mesure très forte” et dit espérer que l’Asean reconnaisse le NUG comme le gouvernement légitime. Les principaux partenaires de l’Asean ont soutenu l’appel pour que l’envoyé spécial rencontre Aung San Suu Kyi.
Dans un communiqué conjoint, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande, la Norvège et le Timor-Oriental ont fait part de leur “profonde préoccupation face à la situation critique en Birmanie”, appelant la junte à “participer de manière constructive” au dialogue avec l’envoyé spécial de l’Asean.
La junte a promis d’organiser des élections et de lever l’état d’urgence en 2023.
Avec AFP