Une proposition de loi de La République en marche pour interdire spécifiquement les “thérapies de conversion”, destinées à modifier l’orientation sexuelle, a été adoptée à l’unanimité, mardi, par l’Assemblée nationale. Le texte a été transmis au Sénat.
Après l’Équateur, Malte, l’Allemagne, le Brésil ou encore Porto Rico qui ont légiféré pour interdire les “thérapies de conversion”, la France fait un pas en ce sens. L’Assemblée nationale a adopté, mardi 5 octobre au soir, à l’unanimité une proposition de loi La République en marche (LREM) visant à créer un délit spécifique interdisant ces pratiques qui visent à imposer l’hétérosexualité aux personnes lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT).
Voté en première lecture et transmis au Sénat, le texte prévoit une infraction spécifique contre les prétendus “thérapeutes” ou religieux qui revendiquent “guérir” les homosexuels.
Sont punis de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende les “pratiques comportements ou propos répétés visant à modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre” d’une personne et “ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale”.
La sanction est portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes, notamment lorsque la victime est mineure, dépendante ou que l’auteur est un ascendant.
Un soutien aux victimes
Venues des États-Unis, ces pratiques “moyenâgeuses” sont peu connues en France et difficilement quantifiables. Lors d’une mission parlementaire de 2019, Laurence Vanceunebrock et l’Insoumis Bastien Lachaud ont évoqué une “centaine de cas récents”, s’alarmant de “l’augmentation des signalements”.
Ils décrivent des traitements par “hypnose”, “hormones” voire “électrochocs”, des dérives “religieuses” entre “appels à l’abstinence” et séances “d’exorcisme”, ou le recours aux “mariages forcés” hétérosexuels.
De tels actes peuvent déjà tomber sous le coup de la loi, via les violences volontaires, l’abus de faiblesse, l’exercice illégal de la médecine, le harcèlement ou la discrimination… Mais Laurence Vanceunebrock juge nécessaire un délit spécifique pour soutenir les victimes face à la difficulté de porter plainte et mieux prendre la mesure du phénomène.
Cette proposition de loi peut permettre de “sauver des vies”, a appuyé la ministre déléguée à l’Égalité, Elisabeth Moreno. “Il n’y a rien à guérir. Être soi n’est pas un crime, on ne doit pas chercher à modifier l’identité de genre ou l’orientation sexuelle” des personnes.
Reste à savoir si le texte pourra aboutir, puisque le Parlement achève ses travaux fin février, en raison de l’élection présidentielle d’avril.
Des cas recensés par la Miviludes
Chez les associations LGBT et dans la société civile, la mobilisation s’intensifie. Les messages se multiplient sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #RienAGuerir, du nom d’un collectif de victimes lancé en 2020 par Benoit Berthe Siward, présent en tribune mardi. Et le chanteur Eddy de Pretto soutient la proposition de loi.
“Des dizaines et des dizaines de témoignages sont sortis”, assurait récemment à l’AFP Timothée de Rauglaudre, coauteur du livre “Dieu est amour” et du documentaire “Homothérapies, conversion forcée”.
Mi-septembre, la ministre chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa, a confié une mission sur cette “pratique indigne” à la Miviludes, l’organe de lutte contre les dérives sectaires rattaché au ministère de l’Intérieur. Elle devra “quantifier” le phénomène et “analyser en particulier sa dimension de dérive sectaire”, alors que plusieurs organisations “spirituelles” ont été pointées du doigt lors des auditions parlementaires.
En juillet, la Miviludes indiquait toutefois n’avoir “réceptionné” de 2018 à 2020 que “très peu de signalements sur les thérapies de conversion alors que la mission parlementaire a permis de libérer la parole et de mettre au jour leur existence sur le territoire français”. L’Association Le Refuge avait expliqué recevoir une dizaine d’appels par mois à ce sujet.
En Europe, Malte et l’Allemagne ont déjà interdit les “thérapies” de conversion. Des démarches similaires sont engagées aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni. Au Canada, les députés ont adopté un projet de loi fin juin.
Avec AFP