Des mois après leur contamination, de nombreux malades continuent à se battre contre des symptômes provoqués par le virus. Nos reporters ont rencontré une athlète de haut niveau, une famille ainsi qu’une petite fille de 7 ans. Tous souffrent d’une forme longue du Covid-19. Alors qu’il est urgent de mieux comprendre cette nouvelle forme complexe de la maladie, les scientifiques français ont les plus grandes difficultés à obtenir les fonds publics nécessaires pour mener à bien leurs recherches.
“Ce n’est pas du tout un exercice cardio, pourtant je ressens un saut au niveau du rythme cardiaque, c’est pas très agréable”, confie Anne-Laure Florentin, en plein exercice de musculation dans son club à Évry.
La triple championne d’Europe de karaté, qui devait représenter la France aux Jeux olympiques de Tokyo, a dû abandonner son rêve après avoir contracté le Covid-19 en octobre 2020. Au début, ses symptômes étaient légers. Elle a ensuite développé une maladie cardiaque appelée myocardite, une séquelle courante du virus chez les malades du Covid long. Depuis, le moindre exercice physique peut s’avérer douloureux.
Atteinte d’une myocardite survenue en fin d’année 2020, la triple championne d’Europe et de France #AnneLaureFlorentin est contrainte de prendre sa retraite prématurément à l’âge de 29 ans.
Elle se livre dans un entretien touchant 👇@AL_Florentin1
— FFKarate (@ffkarate) April 27, 2021
Au début de la pandémie, les scientifiques ont d’abord analysé le Covid-19 comme une maladie uniquement respiratoire qui n’affectait que légèrement les personnes en bonne santé. On a d’ailleurs longtemps entendu dire que les jeunes étaient épargnés par les formes graves. Pourtant, plus d’un an et demi après l’apparition du coronavirus, un certain nombre d’enfants et d’adolescents vivent avec de graves symptômes persistants, qui peuvent toucher de très nombreux organes.
Karyne Peters et ses deux enfants, Meïly, 18 ans, et Mànoa, 12 ans, souffrent d’une forme longue du Covid-19. “Pour Meïly, ça a été un amaigrissement de près de 17 kg avec une hospitalisation de près de trois mois. Pour Mànoa, le plus handicapant, c’est son hypersomnie (le fait de trop dormir) et son brouillard cérébral. Et pour moi, ça va être une fatigue à l’effort.”
Karyne a dû se battre pour que le monde médical prenne au sérieux les symptômes de ses enfants. En début d’année, les autorités françaises ont officiellement reconnu le Covid long et a mis en place un groupe de travail pour produire des recommandations dans la prise en charge. “J’ai un sentiment de colère de ne pas du tout être écoutée par le corps médical. Je vois que ça change un peu pour les adultes, mais pas du tout pour les enfants.”
Une frustration partagée par Marie Valdes, la mère d’Emma, 7 ans, qui a été touchée par une forme rare du Covid long, le PIMS (sigle en anglais pour Paediatric Inflammatory Multisystem Syndrome, soit syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant).
Il y a huit mois, le virus s’est attaqué aux organes vitaux d’Emma et l’a envoyée en réanimation. “J’ai encore des séquelles. J’ai encore mal aux jambes. Marcher dix minutes, ça me fait mal, je dois aller dans le fauteuil roulant.”
Marie Valdes a créé l’association Familles des enfants victimes du PIMS Covid, avec l’objectif de se soutenir entre familles, mais aussi de réunir des informations sur la maladie et de la faire connaître au plus grand nombre – notamment au sein du monde médical.
Pourquoi le Covid long affecte certaines personnes et pas d’autres ? Comment expliquer la multitude de symptômes et de séquelles ? Améliorer la connaissance sur ces sujets pourraient aider les médecins à proposer des traitements plus adéquats aux malades. Mais pour avancer, la recherche a besoin de financements. Le Royaume-Uni l’a bien compris en mettant 18,5 millions de livres (soit 21,5 millions d’euros) sur la table. En France, le budget du gouvernement pour la recherche sur le Covid long est seulement de 2,2 millions d’euros.
Avec son équipe, la professeure Dominique Salmon-Ceron, une infectiologue qui a ouvert à Paris la première consultation dédiée au Covid long en France, a proposé cette année quatre projets de recherche – et a essuyé autant de refus. Son expertise est pourtant reconnue au Royaume-Uni, où on lui a proposé de participer au comité d’experts responsable de distribuer les financements publics pour la recherche sur le Covid long.
Pour le ministère français de la Santé, la différence dans les montants des investissements français et britanniques s’explique ainsi : “Si l’effort de recherche peut paraître encore modeste, c’est uniquement parce que trop peu de projets de qualité ont sollicité un soutien.”