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Au Bénin, un directeur prend service dans une école fantôme, sans salle de classe… ni élève

Alors que la rentrée scolaire avait lieu lundi au Bénin, des images publiées sur les réseaux sociaux montrant une cérémonie de passation de charge entre un ancien et un nouveau directeur d’une école primaire sans aucune infrastructure mettent en lumière les failles du système scolaire dans certaines villes du pays. 

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Sur les images postées le 15 septembre et qui ont été partagées plus d’une centaine de fois sur Facebook, on voit deux hommes tenant des documents en pleine brousse.

La scène s’est déroulée la veille à Egbédjè, un village de la commune de Kétou dans le sud-est du Bénin. D’après nos informations, il s’agit d’une cérémonie de passation de charge entre l’ancien directeur de l’école primaire publique du village et son successeur, qui venait d’être nommé par le ministère des Enseignements maternel et primaire. 

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Dans une vidéo de cette cérémonie qui a également circulé sur Facebook, on peut entendre une voix dire en fon, la principale langue du Bénin : “Voici des tables et bancs dans la brousse et on dit que c’est une école”.

“Des directeurs refusent de faire passer les enfants en classe supérieure parce qu’ils n’ont pas assez de salles”

Mais Thierry Dovonou, secrétaire général du Syndicat national des professeurs permanents et contractuels du Bénin (Synappec) qui a été alerté par ses collègues, estime que ce n’est pas un cas isolé.

Ces directeurs se sont pris en photo pour dénoncer le manque d’infrastructures scolaires dont souffre le secteur de l’éducation. Cette école manque de tout, il n’y a pas de salles de classe, il n’y a pas de tables-bancs, pas de commodités et pourtant les autorités y ont envoyé des directeurs. Pour quoi faire ? Nous ne pouvons que nous indigner devant une telle situation.

Aujourd’hui, il manque encore des milliers de salles de classes dans l’enseignement primaire et secondaire. Dans certaines localités, pour pallier à ce manque d’infrastructures scolaires, des élèves de différents niveaux sont regroupés dans une même salle avec des effectifs pléthoriques : les écoliers du cours initial (CI) avec ceux en cours préparatoire (CP) ou des écoliers de cours moyen 1 (CM1) avec ceux du cours moyen 2 (CM2).  Et des fois, les directeurs refusent même de faire passer les enfants en classe supérieure parce qu’ils n’ont pas assez de salles. 

Travailler dans ces conditions impacte beaucoup sur l’évolution des écoliers. Le manque d’infrastructures est un véritable problème au Bénin. Le travail est encore colossal.

Contactée par la rédaction des Observateurs de France 24, Aminata Dia, chargée de communication du ministère des Enseignements maternel et primaire, évoque un dysfonctionnement au sein des services du ministère : 

Il y a bien une école qui existe dans ce village. Elle a été créée en 2014 en suivant la procédure de création d’une école en vigueur et le ministère a pris toutes les dispositions pour y nommer un directeur. Mais il faut rappeler qu’après un conflit entre éleveurs et agriculteurs, il y a trois ans, les populations ont fui la zone. Elle n’était donc plus viable et l’école n’a pas vraiment évolué.

Mais les autorités locales et le chef régional pédagogique devraient remonter l’information selon laquelle les populations ne sont pas encore là ou qu’elles reviennent petit-à-petit. Auquel cas, il faut réhabiliter l’école. Cela n’a pas été fait. Mais vu que l’école existe bien dans les fichiers, il est normal qu’un directeur y soit affecté.

C’est  un dysfonctionnement tant au niveau des services déconcentrés du ministère qu’au niveau des autorités locales et communales. La responsabilité doit être partagée.

Notre rédaction n’a pas pu joindre l’un des directeurs qu’on aperçoit sur les images. 

“Dans les villages, les salles de classe sont en terre battue et s’écroulent très rapidement”

Jean-Damascène Fagnihoun, directeur exécutif de l’ONG Regard fraternel – qui intervient dans la rénovation de salles de classe dans les milieux ruraux –, s’étonne lui de l’état de délabrement très avancé de cette école.

Nous avons rénové plusieurs salles de classe dans différents départements du Bénin. Mais c’est la première fois que je vois une école avec ce niveau de dégradation. Il faut questionner les services décentralisés du ministère de l’Enseignement primaire qui ont permis à ce qu’on affecte des enseignants dans cet établissement. 

Le Bénin manque beaucoup d’infrastructures scolaires dans les villes mais surtout dans les milieux ruraux. À Cotonou, vous pouvez trouver des écoles qui sont inondées toute l’année. Mais dans les villages, les salles de classe sont construites en terre battue et s’écroulent très rapidement en raison d’un manque d’entretien. 

Certaines écoles n’ont même pas de tables et bancs. Et les enseignants qu’on y affecte des fois ne savent pas où dormir. Comment peut-on leur demander d’avoir des résultats ? Toute la politique éducative est à repenser au Bénin.

En 2019, au Bénin, plus de deux millions d’écoliers étaient inscrits en primaire, selon la Banque mondiale. En 2017, Salimane Karimou, le ministre de l’Enseignement maternel et primaire, estimait à 6 000 le nombre de salles de classe que le gouvernement envisage de construire et de rénover d’ici 2021. “Cet objectif a été atteint. Nous avons eu un taux de réalisation de 100 %. Mais il manque encore un peu plus de 8 000 salles de classe à construire et réhabiliter. Le Programme d’action du gouvernement 2021-2026, qui est en cours d’élaboration, prendra cela en compte”, affirme Aminata Dia.

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