L’interdiction de voyager en vigueur depuis mars 2020 aux États-Unis liée à la pandémie de Covid-19 sera levée dès le 1er novembre. Un soulagement pour les expatriés privés de leurs proches et pour tout le secteur du tourisme.
À l’origine, la fermeture des frontières américaines ne devait durer que trente jours, avait assuré Donald Trump afin de freiner la pandémie de Covid-19. Les restrictions auront finalement duré près de vingt mois. Il faut dire que ces dernières semaines, le maintien du “travel ban” (interdiction de voyager) devenait de plus en plus difficile à justifier : les Européens sont davantage vaccinés que les Américains. Pire, certains États qui subissent de plein fouet la crise sanitaire ne font l’objet d’aucune restriction de Washington. Lundi 20 septembre, les autorités américaines ont donc annoncé qu’elles lèveraient à compter du 1er novembre les restrictions en place depuis mars 2020 pour les voyageurs en provenance notamment de l’Union européenne, du Royaume-Uni ou de Chine, puis dans un second temps d’Inde ou du Brésil.
Pour se rendre aux États-Unis, quelques conditions demeurent : les voyageurs devront être “vaccinés, présenter un test négatif réalisé dans les trois jours avant leur déplacement, accepter le traçage des compagnies aériennes et porter un masque. En revanche, pas de quarantaine à l’arrivée. “C’est une approche basée sur les individus plutôt que sur les pays”, a expliqué lors d’un point presse Jeff Zients, le coordinateur Covid à la Maison Blanche. Des règles claires qui mettent fin à la confusion et aux régimes d’exception qui régnaient jusque-là. Auparavant, seuls les heureux détenteurs de la carte verte, le titre de séjour permanent, et les étudiants pouvaient aller et venir librement. Quelques chanceux pouvaient décrocher une exemption d’intérêt national (NIE, pour national interest exception) à condition que leur travail puisse créer des emplois américains. D’autres étaient autorisés à revoir un parent en cas d’incident familial grave. Les plus pugnaces pouvaient enfin passer deux semaines en quarantaine au Mexique avant de regagner les États-Unis. Désormais, les voyageurs doublement vaccinés pourront eux aussi se rendre au pays de l’oncle Sam.
Champagne et larmes de joie
Une bonne nouvelle à plus d’un titre. “Il s’agit d’une mesure attendue depuis longtemps par les familles et les amis séparés, et d’une bonne nouvelle pour les entreprises”, s’est félicitée la Commission européenne sur Twitter. Sur le même réseau social, de très nombreux messages de soulagement et de joie postés sous le mot dièse #LoveIsNotTourism ont afflué quelques minutes après l’annonce. Des photos d’expatriés en pleurs. Des émoticônes de champagne débouché. “Je retiens mes larmes dans le métro. Énorme excitation dans la communauté française aux US, je reçois beaucoup de messages, explique Marie Gentric, correspondante permanente aux USA qui désespérait de ne plus revoir ses proches. […] Des grands-parents qui vont enfin voir leurs petits-enfants (certains pour la première fois). Des jeunes mariés qui vont rencontrer leur belle-famille. Des amoureux qui vont se serrer dans les bras.”
C’est aussi un grand soulagement pour les professionnels du tourisme. “On n’osait plus y croire, confie Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage (EdV), contacté par France 24. Nous avions entamé depuis de longs mois des démarches auprès de la diplomatie française pour qu’elle appuie nos demandes auprès de Washington. C’est une grande satisfaction pour les particuliers comme pour les professionnels, car les États-Unis sont le premier axe de transport aérien avec la France”. En moyenne, plus de 8 millions de voyageurs par an transitent entre la France et les États-Unis pour le tourisme et les voyages d’affaires. En 2020, seulement un million de voyageurs ont emprunté cet axe.
This is how happy I am with this news, this is all the pent up emotion of dealing with forced separation for 2 years, this is the effect these kinda inhumane measures have.
But yes, they’re happy tears, I still can’t believe it.
Booking my flights right now. #LoveIsNotTourism pic.twitter.com/pTwBE9EVVK— Genky🇧🇪❤️🇺🇸 (@Genkenaarke) September 20, 2021
Bouffée d’air pour le transport et le tourisme
Le ciel se dégage donc pour les compagnies aériennes. Le groupe franco-néerlandais Air France-KLM s’est lui aussi invité au concert de louanges, jugeant cette nouvelle “formidable” alors que les vols transatlantiques représentent une part substantielle de ses revenus. Avant la pandémie, il réalisait 40 % de son chiffre d’affaires sur ces liaisons. Les fédérations du secteur aérien, Airlines for Europe et Airlines for America, ont elles aussi “applaudi” l’annonce. Pour la Chambre de commerce américaine, cette mesure “contribuera à favoriser une reprise robuste et durable de l’économie américaine”.
Même si le président de EdV reconnaît qu’il y eut “très peu de fermetures d’entreprises françaises, grâce aux aides de l’État, l’activité quasiment nulle de certaines sociétés devenait tout de même très compliquée à gérer.” Maintenant, les professionnels du tourisme “espèrent que cette décision aura un effet de contagion sur d’autres pays et que cette décision américaine entraînera dans son sillage des levées de restrictions d’autres pays”, poursuit Jean-Pierre Mas.
Vers un alignement mondial des règles ?
Car ce secteur en crise peine à se relancer en raison des disparités des règles propres à chaque État. C’est la raison pour laquelle, des organismes de défense du tourisme plaident depuis de longs mois pour un alignement des règles. Les associations de représentation des agences de voyages et activités connexes de l’Europe (Ectaa), des États-Unis (The American Society of Travel Advisors (ASTA), Association of British Travel Agents – ABTA) ou encore du Royaume-Uni, appellent ainsi les dirigeants gouvernementaux du monde entier à s’aligner sur des décisions communes. Elles estiment que la situation actuelle est “un fouillis de règles qui provoque la confusion, étouffe le tourisme et laisse les entreprises en difficulté pour déterminer qui peut faire quoi et aller où”, souligne-t-on dans The Economist. Problème, pour un alignement des règles : il faut que les pays puissent être massivement vaccinés. Or ce n’est pas le cas des pays les plus pauvres qui subissent déjà de plein fouet la crise économique.
Quant au calendrier de levée de restrictions, chacun se perd en conjectures. Les crises liées au départ américain d’Afghanistan, puis celle de l’annulation des contrats de sous-marins australiens ont-ils pesé dans la balance ? Les États-Unis assurent pour leur part que la levée de restriction n’a été guidée que par des raisons sanitaires. Chacun se forgera son opinion.