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Sandrine Rousseau, la surprise radicale et féministe de la primaire écologiste

Arrivée deuxième avec 25,14 % des voix derrière Yannick Jadot à la primaire écologiste, dimanche, Sandrine Rousseau conjugue au même temps écologie et féminisme. Pour gagner au second tour, elle revendique sa “radicalité.” 

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“Elle pourrait bien remporter la primaire et même dépasser le score d’Eva Joly à l’élection présidentielle de 2012”, se risque à prédire Daniel Boy, directeur de recherche émérite au Sciences Po – Cevipof, dans un entretien à France 24. Pourtant, le nom de Sandrine Rousseau est assez mal connu du grand public. Pour se distinguer de ses médiatiques concurrents à la primaire écologiste, la candidate prône depuis le début de la campagne une écologie sans concession. Cheveux courts et grisonnants, lunettes à fine monture, costumes sombres et stricts, la vice-présidente de l’université de Lille, et économiste de métier, incarne la radicalité dans son style comme dans ses idées. Revenu d’insertion pour les sans-emplois dès 18 ans, augmentation de la progressivité de l’impôt sur le revenu, interdiction des pesticides, la Lilloise ne plaide pas pour des demi-mesures. “À l’inverse de Yannick Jadot qui milite pour une écologie de gouvernement, Sandrine Rousseau endosse, elle, les idées chères à la France insoumise en répétant à l’envi qu’il faut faire payer les riches”, poursuit le politologue.  

Combattive et stratège, l’outsider du scrutin se présente aussi comme une “écoféministe”. “Longtemps, j’ai été féministe et écologiste, mais je menais ces deux combats de manière séparée, sans faire la jonction. Or, ce qui les réunit est pourtant fondamental : c’est le refus de la prédation”, expliquait l’économiste à Politis en mai 2021 pour expliquer ce concept. Son discours plaît. Celle que personne ne voyait venir a remporté le 19 septembre son ticket pour le second tour de la primaire. “Sandrine Rousseau a su tirer parti de son parcours en incarnant le féminisme, car elle a compris que ce n’était plus seulement un positionnement politique, mais un véritable tournant majeur de notre société”, souligne le spécialiste de l’écologie politique Daniel Boy. 

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Militante de la première heure 

L’économiste de 49 ans n’est pas non plus une débutante en politique. Née le 8 mars 1972, de parents contrôleurs des impôts et militants de gauche, elle est entrée en politique en 2009. Le tout jeune parti Europe Écologie-Les Verts (EELV) de Daniel Cohn-Bendit cherche à recruter des profils issus de la société civile en vue des élections européennes. Son statut de maître de conférences en économie à l’université de Lille, spécialiste en économie de l’environnement, développement durable et précarité professionnelle, en fait une recrue idéale. La jeune enseignante se lance alors dans le grand bain politique. Son nom apparaît en cinquième position sur la liste EELV portée par Hélène Flautre dans le Nord. Elle n’est pas élue, mais la femme politique est née.  


De nouveau candidate en 2010, aux élections régionales dans le Nord-Pas-de-Calais, elle devient conseillère régionale et vice-présidente de la région Hauts-de-France, chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle accède l’année suivante au bureau exécutif d’EELV où elle deviendra numéro 2. Elle essuie un échec majeur aux élections régionales de 2015 : tête de liste EELV au sein d’une gauche pulvérisée, elle ne franchit pas la barre des 5 % nécessaire au remboursement des frais de campagne.  

Pionnière de #MeToo et démission d’EELV

Ce n’est qu’en 2016 que son nom commence à circuler dans les médias. Un an avant le début du mouvement #MeToo, Mediapart et France Inter révèlent dans une enquête commune que huit femmes accusent Denis Baupin, vice-président (EELV) de l’Assemblée nationale, de harcèlement et d’agressions sexuelles. Parmi les victimes, il y a Sandrine Rousseau. Celle qui est alors porte-parole du parti témoigne à visage découvert. Quelques larmes versées sur le plateau de l’émission “On n’est pas couché”, face aux propos virulents de Christine Angot, la font définitivement sortir de l’ombre. L’écologiste ne se contente pas de dénoncer. Elle porte plainte contre le cadre du parti. Ses “déclarations” sont jugées “mesurées” et “corroborées” par le parquet de Paris. Mais les faits qui se sont déroulés en 2011 sont prescrits : la plainte est classée sans suite. L’affaire ne s’arrête pourtant pas là. Denis Baupin contre-attaque et intente à son tour un procès en diffamation. Sans succès. Le plaignant est condamné en avril 2019 pour procédure abusive. 


Cette toute nouvelle exposition médiatique lui vaut des encouragements. Mais aussi des critiques jusque dans les rangs de son parti. Aujourd’hui encore, Sandrine Rousseau se dit marquée par la “violence” qui s’est déchargée contre sa parole. “Des gens refusaient de me dire bonjour. Il y a quelque chose d’indescriptible qui se coalise contre vous, vous marginalise : je n’étais plus une femme politique, ni une économiste, mais simplement une victime”. Chez les Verts, “l’événement a été vécu de manière très douloureuse, car ils se croyaient prémunis de ce genre de problèmes dans leur rang, abonde Daniel Boy. Il y a eu un traumatisme interne. Certains auraient peut-être préféré que l’affaire ne soit pas ébruitée.”  

Ses détracteurs finissent par avoir raison de son engagement : la militante démissionne du parti en septembre 2017. Dans un entretien accordé au journal L’Humanité, elle avoue ne plus réussir à “militer dans un parti où il s’est passé ça”. Après la publication de son livre “Parler” dans lequel elle retrace l’affaire Denis Baupin, elle crée une association du même nom qui a pour objectif d’encourager les victimes de violences sexuelles à porter plainte. Des antennes sont ouvertes dans dix villes françaises. Une fierté, assure la militante.  

Retour gagnant ?  

La politique ne lui manquait-elle pas ? Il faut le croire. Car le 5 septembre 2020, Sandrine Rousseau annonce sa ré-adhésion à EELV et se déclare candidate à la primaire dès le 26 octobre suivant. Elle justifie son retour par la nomination de Gérald Darmanin comme ministre de l’Intérieur, en juillet 2020, alors qu’il est accusé de viol. 

À peine revenue sur le devant de la scène politique, les attaques repartent. Sous couvert d’anonymat, un cadre EELV commente son retour auprès de l’AFP : “Elle fait des pieds et des mains pour être tête de liste [lors des élections régionales de 2015, NDLR], la stratégie est contestée au niveau local, ça se passe mal, on doit tous se cotiser pour rembourser, elle disparaît de la vie politique et plusieurs années après elle revient pour dire ‘Je veux être présidente de la République'”. 

Elle connaît aussi ses premiers dérapages médiatiques. Fin août 2021, à quelques semaines du premier tour de la primaire, la candidate favorable à l’accueil des réfugiés afghans déclare au micro de BFMTV que si des terroristes se trouvaient parmi eux, “les avoir en France nous permet[trait] aussi de les surveiller.” Une formulation “maladroite”, reconnaît-elle plus tard, qui la place sous le feu des critiques.  

Or, les écologistes n’ont pas le droit à l’erreur pour cette présidentielle. Ils ont deux objectifs : d’abord passer la barre des 5 % pour éviter la catastrophe financière du parti et peser sur l’échiquier politique en dépassant les socialistes, estime le chercheur du Cevipof. La tâche n’est pas facile. “Sandrine Rousseau est combattive, assure Daniel Boy, mais a-t-elle assez d’expérience pour relever ce défi ?” En attendant, il lui faudra déjà l’emporter face au favori, Yannick Jadot, rompu au débat et aux médias. “Et dans ce domaine, il faudra déjà qu’elle fasse la preuve de sa capacité au combat politique.”

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