L’exposition de la dépouille d’Abdelaziz Bouteflika au Palais du peuple à Alger, annoncée initialement, a été annulée. Les corps de ses prédécesseurs et même son ex-chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah, ont tous été exposés dans ce palais avant d’être enterrés.
La gêne et la nervosité des autorités sont palpables en Algérie depuis l’annonce du décès de l’ex-président. Abdelaziz Bouteflika sera inhumé dimanche 19 septembre au carré des martyrs du cimetière d’El Alia à Alger, réservé aux héros de la guerre d’indépendance, mais il aura droit à moins d’honneurs que ses prédécesseurs.
Chassé du pouvoir en 2019 après vingt ans à la tête de l’Algérie, Abdelaziz Bouteflika s’est éteint vendredi à l’âge de 84 ans dans sa résidence médicalisée à Zeralda (ouest d’Alger).
Celui qui fut aussi pendant 14 ans chef de la diplomatie algérienne dans les années 1970 doit être inhumé après la prière de midi, selon la télévision d’État.
L’exposition de sa dépouille au Palais du peuple à Alger, annoncée initialement, a été annulée, selon des sources concordantes. Pourtant, ce bâtiment d’apparat avait fait l’objet de préparatifs pour un tel recueillement en présence de hauts dignitaires du pays.
Les corps des prédécesseurs de Bouteflika et même de son ex-chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah ont tous été exposés dans ce Palais avant d’être enterrés.
Selon la radio privée M, le cortège funèbre partira directement de Zeralda, où vivait l’ex-président depuis un accident vasculaire cérébral en 2013, vers le cimetière d’El Alia, à une dizaine de km de là. L’accès a été limité aux médias nationaux publics.
Ce sera “un cortège funèbre officiel, avec un déploiement protocolaire et sécuritaire” d’usage et “la dépouille mortelle de l’ancien chef d’État sera portée par un char militaire”, a précisé la radio. Le président Abdelmadjid Tebboune, les membres du gouvernement et des diplomates étrangers seront présents au cimetière.
Ensuite, Abdelaziz Bouteflika sera enterré au carré des martyrs où reposent ses prédécesseurs, aux côtés des figures de la guerre d’indépendance (1954-1962).
Crainte de manifestations
Affaibli et aphasique depuis son AVC, l’ex-président avait été contraint à la démission le 2 avril 2019, après près de deux mois de manifestations massives du mouvement pro-démocratie Hirak contre son intention de briguer un 5e mandat consécutif.
Au terme de plusieurs heures de flottement sans réaction officielle au décès de l’ex-président, le président Abdelmadjid Tebboune, qui fut Premier ministre sous Bouteflika, a décrété la mise en berne du drapeau national “pendant trois jours”, pour honorer “le moudjahid (combattant de l’indépendance, NDLR) Abdelaziz Bouteflika”.
Ces atermoiements illustrent, selon les observateurs, des craintes de manifestations hostiles contre un ex-président à l’image ternie.
“J’imagine que les décideurs sont nerveux car il y a énormément de haine autour de la figure de Bouteflika sur les réseaux sociaux”, explique à l’AFP Isabelle Werenfels, chercheuse suisse spécialiste du Maghreb à l’institut allemand SWP.
“Ils ne savent pas trop quoi faire puisque parmi les élites politiques, économiques et administratives, il y a un nombre assez important de personnes qui sont des produits ou des profiteurs de l’ère Bouteflika”, ajoute-t-elle.
Selon la professeure, les dirigeants actuels “cherchent à se démarquer de lui mais ils ne peuvent ou ne veulent pas non plus le passer aux oubliettes de l’histoire”.
Message du roi du Maroc
Les anciens chefs d’État ont été enterrés avec les plus grands honneurs, à l’instar du premier président de l’Algérie indépendante Ahmed Ben Bella (1963-1965) qui eut droit à des funérailles solennelles en avril 2012.
Bouteflika, qui avait alors décrété un deuil national de huit jours, avait personnellement accompagné le cercueil du Palais du peuple jusqu’au cimetière d’El Alia, en présence de toute la classe politique et de hauts dirigeants du Maghreb.
Le décès du troisième président d’Algérie (de 1979 à 1992), Chadli Bendjedid, à l’origine d’une démocratisation des institutions, avait également été suivi d’obsèques nationales et d’un deuil de huit jours, en 2012.
Signe de l’embarras des autorités, les médias officiels ont évoqué par des brèves le décès du président déchu. Et la télévision d’État a attendu 24 heures pour mentionner dans son journal les grandes étapes d’un parcours politique de près de 60 ans, sans s’y attarder outre mesure.
À l’étranger, le roi du Maroc Mohammed VI a adressé un message de “condoléances et de compassion” au président algérien après de le décès de Bouteflika, en pleines fortes tensions entre Alger et Rabat.
Avec AFP