Des femmes afghanes du monde entier ont participé à une campagne sur les réseaux sociaux pour protester contre le nouveau code vestimentaire imposé aux étudiantes par les Taliban. Elles ont partagé des photos d’elles-mêmes portant des robes traditionnelles afghanes colorées en utilisant des hashtags tels que #DoNotTouchMyClothes (Ne touche aps à mes vêtements) et #AfghanistanCulture.
Des femmes afghanes du monde entier ont participé à une campagne sur les réseaux sociaux pour protester contre le nouveau code vestimentaire imposé aux étudiantes par les Taliban. Elles ont partagé des photos d’elles-mêmes portant des robes traditionnelles afghanes colorées en utilisant des hashtags tels que #DoNotTouchMyClothes (Ne touche aps à mes vêtements) et #AfghanistanCulture.
Les robes traditionnelles bariolées que les femmes ont affichées contrastent pour le moins avec la blouse portée de la tête aux pieds par les femmes qui se sont rassemblées le samedi 11 septembre à Kaboul, un regroupement présenté par le régime comme étant destiné à soutenir la politique des Taliban en matière de rapports femmes/hommes. Alors que les Taliban s’étaient jusque-là contentés de dire que les étudiantes devaient porter le hijab, sans donner de détails, ces tenues noires ont fait craindre qu’ils ne réintroduisent le port obligatoire de vêtements de la tête aux pieds.
La rédaction des Observateurs s’est entretenue avec Bahar Jalali, ancien professeur d’histoire à l’Université américaine d’Afghanistan, qui a lancé la campagne #DoNotTouchMyClothes, ainsi qu’avec d’autres femmes afghanes qui ont rejoint la mobilisation sur les tenues vestimentaires.
“La prise de pouvoir par les Talibans est une attaque contre notre identité nationale”
J’ai posté une photo de moi portant des vêtements traditionnels afghans et j’ai encouragé d’autres Afghans dans le monde à faire de même, car je sais que les images sont très puissantes. Le mouvement a été très vite suivi. Beaucoup de gens ont participé, ce qui, je pense, témoigne de l’urgence de ce qui se passe en Afghanistan.
La prise du pouvoir par les Taliban est une attaque contre notre identité nationale. Je m’inquiète vraiment de ce qui va arriver à la culture afghane. Donc, lorsque j’ai vu ces femmes [au rassemblement pro-Taliban] porter des vêtements que je n’avais jamais vus auparavant en Afghanistan, je me suis dit que je ne voulais pas que le monde pense que c’est ce que nous sommes, que c’est notre culture, que cela représente l’Afghanistan de quelque manière que ce soit.
Au cours des quatre dernières décennies, de nombreuses personnes instruites ont quitté l’Afghanistan. Nous tous, qui sommes à l’extérieur du pays, devons donc assumer la responsabilité d’informer, d’éduquer et de combattre la déssinformation sur ce qu’est la culture afghane. Nous poursuivrons notre campagne de sauvegarde de la culture afghane, mais elle ne se limitera pas à des robes et sera menée à une échelle beaucoup plus vaste.
Les divers groupes ethniques d’Afghanistan “ont tous [leurs] propres vêtements et tenues traditionnelles”
Chaque groupe ethnique et chaque région d’Afghanistan possède ses propres vêtements traditionnels. Malgré cette diversité, ils ont tous un thème commun : beaucoup de couleurs. Homira Rezai, militante pour les droits de la minorité chiite hazara, persécutée, a fui l’Afghanistan avec sa famille à l’âge de 13 ans et vit aujourd’hui à Londres.
“L’Afghanistan est un pays très diversifié qui compte plus de 14 groupes ethniques. Nous avons tous nos propres vêtements et tenues traditionnelles, et aucun d’entre eux ne correspond à ce que les Taliban veulent que les femmes portent.
This is #hazaragi traditional clothes. It has been passed through generations. The colourful Hazaragi dresses are from my culture!
The long black hijab attire doesn’t represent all women of Afghanistan.
We shall never let them colonise our culture and identity again. pic.twitter.com/NoclG1rrDc
— Homira (@TheHomira) September 12, 2021
Les vêtements portés par les femmes Hazara sont très colorés. Nos couleurs sont le bleu, le vert, le jaune et le blanc. Ils sont cousus à la main et transmis de génération en génération. Nous portons généralement ces vêtements pour des occasions spéciales, car leur fabrication prend beaucoup de temps. J’ai participé à la campagne pour dire que ce sont nos vêtements traditionnels et que c’est par eux que nous voulons être représentés, et non par des vêtements noirs.
J’espère que les femmes en Afghanistan s’opposeront aux vêtements étrangers introduits par les Taliban. Je n’ai vu aucune de mes proches porter ces vêtements noirs, mais je ne sais pas combien de temps cela va durer, car nous savons pertinemment que les Taliban vont recourir à la violence pour mettre en œuvre leurs lois et leurs règlements.
Attan is #Afghanistan’s national dance performed in group circles.
I painted this Attan as this is how I remember Afghan women while growing up.
This is us, not being lashed or stoned. We will remain poets. We will remain artists. We will preserver.
#WorldArtDay2021 pic.twitter.com/l7VQCRiVIF— Malali Bashir (@MalaliBashir) April 15, 2021
“Nous essayons d’amplifier les besoins des femmes locales autant que nous le pouvons”
La plupart des femmes qui ont participé à la campagne en ligne n’habitent pas en Afghanistan. Layma Murtaza, une Afghano-Américaine travaillant dans l’aide humanitaire, explique à notre rédaction qu’elle fait de son mieux pour défendre les droits des femmes locales et amplifier leur voix, malgré la confusion qui peut régner dans la population locale quant à l’objectif de la campagne :
“À travers cette campagne, nous disons : “Ne nous enlevez pas notre culture que nous avons depuis des milliers d’années”. C’est très important. Ce n’est pas toujours facile pour les gens sur le terrain de faire cela.
Je suis sûre qu’il y a des critiques de la part des habitants qui se demandent quel est l’intérêt de cette action alors qu’il y a une situation d’aide humanitaire en cours. Mais en plus d’essayer de collecter des fonds et d’apporter de l’aide, nous nous battons pour le droit des femmes à s’exprimer.
Il n’y a rien de mal à ce que nous montrions au monde que nous voulons conserver notre identité singulière. Nous n’avons pas besoin de suivre l’école de pensée musulmane deobandi que suivent les Taliban, car ce n’est pas nous. Nous sommes à l’extérieur du pays et nous essayons de représenter les femmes locales et d’amplifier leurs besoins autant que nous le pouvons.
“Les femmes n’ont plus le choix, c’est le principal problème”
Frishta Kargar est une ancienne fonctionnaire du ministère des finances qui a fui en Pologne le 20 août 2021. Elle explique que si la pression sociétale obligeait déjà les femmes à s’habiller de manière conservatrice en Afghanistan avant la prise de pouvoir des Taliban, elles avaient encore le choix, notamment dans les grandes villes comme Kaboul ou Herat.
Nous luttions pour les droits des femmes en Afghanistan avant que les Taliban ne prennent le pouvoir. Nous voulions être libres, nous ne voulions pas nous couvrir, nous voulions parler. Nous nous battions encore. À Kaboul, il y avait des femmes très modernes. Mais dans les campagnes, il y avait encore beaucoup de femmes qui ne pouvaient pas parler et qui n’avaient pas le droit de sortir. En un instant, nous avons tout perdu, nous avons perdu le combat.
La burqa bleue traditionnelle, également appelée tchadri, est portée depuis des centaines d’années dans les régions et même à Kaboul. Il s’agit d’un vêtement originaire du Pakistan et de l’Inde. Certaines femmes se sentaient protégées par ce vêtement, qui les aidait à se sentir anonymes dans les rues. C’était soit un choix, soit quelque chose qui était normalisé dans leurs familles. Mais imposer le tchadri est le principal problème, car les femmes n’ont plus le choix. C’est pour cette raison que cette campagne, qui montre nos couleurs et se bat pour notre choix, est si importante.
Nous, les Afghanes, ne savons pas qui sont ces femmes [présentes au rassemblement pro-taliban], nous ne savons pas d’où elles viennent et pourquoi elles portent ces vêtements.
Dimanche 12 septembre, des responsables Taliban ont déclaré que les universités seraient séparées et que des règles vestimentaires s’appliqueraient aux étudiantes. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Abdul Baqi Haqqani, a déclaré que “conformément à la charia, elles doivent observer le voile”, sans préciser s’il s’agit d’un foulard ou d’un voile couvrant le visage obligatoire.