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Afrique du Sud : discorde historico-culturelle autour du projet de siège africain d'Amazon

La résistance s’organise en Afrique du Sud contre le choix du premier siège social africain d’Amazon. Le projet du géant américain du e-commerce est accusé de bafouer l’un des sites les plus sacrés des populations indigènes sud-africaines.

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Ce devait être le symbole de la montée en puissance d’Amazon sur le continent africain. Mais le projet du géant américain du e-commerce d’installer son premier siège social pour tout le continent en Afrique du Sud près du Cap s’est transformé en bataille économique, culturelle, historique et politique de grande envergure.

“Ce sont 5 000 emplois qui sont en jeu si le projet ne voit pas le jour”, a déclaré Dan Plato, le maire du Cap, lundi 13 septembre. L’édile de la capitale législative du pays s’est rangé du côté d’Amazon depuis avril dernier, lorsque la star du commerce en ligne a rendu publique son intention de s’implanter sur place.

Des emplois très attendus

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Il faut dire que la perspective d’accueillir le QG africain de l’une des plus grandes entreprises au monde a de quoi susciter l’intérêt de n’importe quel responsable politique sud-africain sensible à l’aspect purement économique du projet – qui coûtera 300 millions de dollars à construire. L’Afrique du Sud a connu une flambée du chômage depuis le début de la pandémie de Covid-19 et près de 35 % de sa population est actuellement sans emploi. “C’est le plus haut niveau de chômage depuis que le pays publie des statistiques trimestrielles sur l’emploi”, précise l’agence de presse Reuters.

L’arrivée d’Amazon au Cap est censée donner un coup de fouet économique à la ville. Ce n’est, en effet, pas seulement un siège social qui doit voir le jour, mais tout un quartier grand de 15 000 m², comprenant des commerces, un hôtel, des logements, une salle de sport et même une école.  

En tout, c’est la promesse de 6 000 emplois directs et plus de 15 000 emplois indirects qui fait saliver Dan Plato et les milieux d’affaires du Cap. Sans compter l’impact sur le rayonnement économique de la ville. Liesbeek Leisure Properties, le promoteur immobilier en charge du chantier, soutient qu’un tel site attirerait nombre d’investisseurs étrangers, permettant ainsi au Cap de diversifier une économie locale très dépendante du tourisme, un secteur durement touché par la crise sanitaire, souligne la BBC.

Mais ces intérêts économiques se heurtent à la sensibilité d’une partie de la population indigène, bien décidée à faire capoter le projet depuis le début de l’été. Leur grief est lié au site choisi par Amazon. Le QG du géant américain doit être construit sur un terrain considéré comme sacré par les Khoekhoe et les San, deux peuples qui forment les “premières nations” d’Afrique du Sud. 

Site sacré pour les premiers peuples autochtones

Amazon pouvait, en effet, difficilement tomber plus mal en choisissant  les 15 000 m² de terrain situés entre les rivières Liesbeek et Swart Rivier. “Ce projet revient à vendre notre héritage le plus sacré à l’entreprise la plus riche du monde”, répète à longueur d’interviews Tauriq Jenkins, le porte-parole d’un des principaux groupes traditionnels Khoï d’Afrique du Sud.

C’est, en effet, là que les aborigènes sud-africains ont, pour la première fois, eu un contact avec une puissance étrangère en 1510. Les Khoekhoe avaient, alors, réussi à repousser les Portugais à l’occasion d’une bataille qui est devenue pour ces populations le symbole de la résistance victorieuse contre le colonisateur.

C’est, encore, à cet endroit que près de cent ans plus tard, les Néerlandais ont débarqué. Et cette fois-ci, les Khoï et San ont été vaincus. Les Pays-Bas ont, par la suite, décidé d’implanter sur ce site le siège de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales qui va procéder aux premières confiscations de terres au profit des colons européens. 

En un sens, les prémices de la politique raciste d’apartheid qui a marqué pendant presque 45 ans l’histoire sud-africaine du XXe siècle ont débuté à cet endroit. Ce qui en fait également un symbole politique important aux yeux des Khoekhoe et San. 

“Une partie de notre identité est née ici, et c’est un haut lieu de notre lutte contre toutes les formes de colonialisme”, a affirmé Tauriq Jenkins, interrogé par le site spécialisé dans l’économie africaine Weetracker.

Les populations indigènes ne sont pas les seules à protester contre ce vaste projet d’aménagement des berges des deux rivières. Des militants de la cause environnementale, regroupés au sein de l’Observatory Civic Association, ne veulent pas non plus en entendre parler. Ils rappellent que l’immense QG d’Amazon doit être érigé au milieu d’une zone inondable et que les constructions risquent d’aggraver encore la situation.

Cette ONG s’est d’ailleurs associée aux collectifs Khoï et San pour demander, mi-août, à un tribunal du Cap de bloquer le chantier. Ils ont aussi lancé une pétition en ligne qui a déjà recueilli plus de 55 000 signatures.

Des autochtones divisés ?

Mais pour Liesbeek Leisure Properties, toutes ces critiques sont loin de représenter l’opinion majoritaire. Le promoteur immobilier rappelle que la ville a déjà mené une étude d’impact environnemental (contestée par l’Observatory Civic Association) et n’a rien trouvé à redire au projet. Il souligne aussi qu’il n’y a pas la moindre trace d’un quelconque vestige dans cette zone rattachée à la longue histoire des Khoekhoe et San et que le chantier ne risque pas de détruire cet héritage.

Au contraire, Liesbeek Leisure Properties assure que son projet permettrait de mieux valoriser ce passé plutôt qu’un terrain à l’abandon. Certains Khoekhoe et San – regroupés au sein du “First Nations Collective” – partagent d’ailleurs cet avis et se sont réjouis que le projet comprenne la construction d’une médiathèque dédiée à leur culture, qu’un jardin indigène soit érigé et que plusieurs rues du futur quartier portent le nom de personnalités importantes de l’histoire de ces premiers Sud-Africains.

Mais pour les détracteurs de ce projet, ce ne sont là que quelques miettes opportunément dispersées dans le but de diviser la communauté des populations indigènes.

Amazon ne s’est pas encore prononcé sur cette bataille culturelle, environnementale et judiciaire, et leur gène se comprend aisément. En effet, si le géant américain sort vainqueur de ce bras de fer, sa conquête de l’Afrique – dernier continent sur lequel le groupe ne livre pas encore – sera partie d’un lieu qui symbolise le colonialisme dans le sud de l’Afrique.

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