Une image censée montrer le nouveau directeur de la banque centrale afghane, Haji Mohammad Idris, assis à un bureau avec un fusil d’assaut, est en réalité une ancienne photo d’un Taliban non identifié prise vraisemblablement en dehors de Kaboul, dans un bâtiment du Département général du revenu afghan.
La photo supposée de Haji Mohammad Idris, le nouveau directeur de la banque centrale afghane nommé par le régime des Taliban, circule depuis le 17 août dernier sur les réseaux sociaux. Elle a été reprise par plusieurs médias indiens, dont la chaîne de télévision India Today avec pour légende “Haji Mohammad Idris, le nouveau gouverneur de la banque centrale afghane”.
En France, un tweet d’un journaliste du Point publié le 9 septembre et reprenant la photo et l’affirmation erronée a été “likée” plus de 5 100 fois.
La photo n’est pas celle de Mohammad Idris et n’a vraisemblablement pas été prise dans la Banque centrale
Une comparaison de la photo supposée du directeur avec les photosofficielles publiées par la Banque centrale d’Afghanistan sur Facebook le 23 août montre que les visages des deux hommes ne correspondent pas.
Sur les photos officielles prises à la Banque centrale afghane, on voit une réunion de présentation de la direction de l’administration. Mohammad Idris est assis en tête de table. La photo est accompagnée de la légende “M. Maulvi Abdul Qahir, connu sous le nom de Haji Mohammad Idris, en tant que gouverneur de l’Afghanistan Bank, [s’est] adressé à l’assemblée”.
Une autre photo de Mohammad Idris, portant les mêmes vêtements – chemise blanche et turban noir –, a été publiée le 6 septembre sur Twitter par le compte de la banque centrale afghane. Les deux hommes ne correspondent pas.
Des recherches supplémentaires montrent que la photo du Taliban armé n’a pas été prise au siège de la banque centrale à Kaboul, la capitale du pays, mais plutôt dans un bureau situé dans une autre province afghane, potentiellement à Laghman, une province de l’est de l’Afghanistan.
En effet, sur la photo qui est devenue virale sur les réseaux sociaux, on peut apercevoir en arrière-plan un drapeau bleu sur lequel sont inscrits des mots en langue pachto, l’une des deux langues officielles du pays. Ces mots font référence au Département général du revenu afghan.
Lorsque l’on regarde le compte Facebook du Département général, on peut reconnaître l’endroit où a été prise la photo du Taliban : des photos publiées le 10 octobre 2020 montrent une vidéoconférence entre la direction générale des revenus et ses bureaux en dehors de la capitale, lors de laquelle on reconnaît dans l’arrière-plan d’une participante le bureau où le Taliban armé a été photographié. On retrouve le même drapeau bleu avec les inscriptions, ainsi que les rangements muraux en forme d’étoile à huit branches.
Sur une autre photo publiée le 9 novembre 2020 par le Département général du revenu à l’occasion d’une autre vidéoconférence, on note le même arrière-plan sur la webcam d’un homme enregistré dans la vidéoconférence sous le nom de “Laghman”.
Ces indices visuels, aussi proches de la photo initiale soient-ils, ne permettent cependant pas d’affirmer avec certitude que la photo aurait été prise dans un bâtiment précis. Néanmoins, les inscriptions en pachto laissent supposer que la photo du Taliban armé aurait été prise dans un bâtiment du Département général du revenu afghan, et non au siège de la banque centrale afghane à Kaboul.
Qui est le nouveau directeur de la banque centrale ?
Une photo de Mohammad Idris a été confirmée par un journaliste afghan interrogé par l’organisation de fact-checking indienne Boom, et qui souhaite rester anonyme.
Les Taliban ont nommé Mohammad Idris comme nouveau directeur de la banque centrale afghane le 23 août dernier. Selon Reuters, Mohammad Idris n’a pas de formation financière officielle, bien qu’il était auparavant à la tête de la section des finances du mouvement des Taliban. Il succède à Ajmal Ahmady, qui a quitté le pays après la prise de la capitale Kaboul par les Taliban en août.
Les Taliban ont annoncé le 7 septembre une partie de leur futur gouvernement, dont certains des membres figurent sur la liste noire de l’ONU.