Le secrétaire d’État Antony Blinken a défendu lundi le retrait des troupes américaines d’Afghanistan devant une commission parlementaire hostile en rendant l’ex-président Donald Trump en grande partie responsable de la situation.
“Désastre cuisant”, “trahison”, “reddition inconditionnelle” face aux Taliban : vivement critiqué par les élus républicains, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a défendu, lundi 13 septembre, le retrait chaotique d’Afghanistan mis en œuvre par Joe Biden devant un Congrès très remonté.
Avec plus de fermeté qu’il ne l’avait fait jusqu’ici, le très affable diplomate a contesté les accusations d’impréparation formulées jusqu’au sein de son camp démocrate. Et a contre-attaqué en rendant l’ex-président Donald Trump en grande partie responsable de la situation.
“Les Taliban étaient plus forts militairement que jamais”
“Nous avons hérité d’une date butoir, nous n’avons pas hérité d’un plan”, a-t-il lancé lors d’une audition à la Chambre des représentants.
Il a estimé que lorsque le président Biden est entré à la Maison Blanche début 2021, il n’avait d’autre choix que “mettre fin à la guerre ou engager une escalade” : “Les Taliban étaient plus forts militairement que jamais” depuis les attentats du 11 septembre 2001 qui avaient déclenché l’intervention occidentale, tandis que l’armée américaine n’avait jamais eu aussi peu d’hommes sur le sol afghan.
En cause, l’accord conclu par l’administration Trump avec les Taliban, gravant dans le marbre le retrait total des forces étrangères d’Afghanistan – et permettant au passage la libération de 5 000 insurgés.
Décidé depuis longtemps à mettre fin à la plus longue guerre de l’histoire américaine, le président démocrate a confirmé ce retrait total initié par son prédécesseur républicain. Mais sans cet accord, il ne l’aurait “pas nécessairement fait selon ce calendrier” ni “de cette manière”, a assuré Antony Blinken.
Si le désengagement d’Afghanistan était défendu par une grande part de la classe politique américaine, sa mise en œuvre est critiquée de toutes parts.
Car le départ a tourné au scénario catastrophe : les Taliban, chassés il y a 20 ans, ont repris le pouvoir avant même que le dernier soldat américain ait quitté Kaboul.
Antony Blinken piqué au vif
À la hâte, les États-Unis ont dû monter un gigantesque pont aérien pour évacuer les étrangers et les Afghans susceptibles de représailles des nouveaux maîtres islamistes du pays. Et 13 militaires américains ont été tués lors d’un attentat jihadiste visant cette opération.
“Le président a refusé d’écouter ses propres généraux et les responsables du renseignement, qui l’avaient prévenu précisément de ce qui se passerait lors de notre retrait”, a affirmé l’élu républicain Michael McCaul, dénonçant un “désastre cuisant” et une “reddition inconditionnelle face aux Taliban”. Il a accusé le duo Biden-Blinken d’avoir “rompu la promesse” de n’abandonner aucun Américain sur place.
“Vous rendez tout le monde responsable de ce désastre sauf vous-mêmes et les Taliban”, a ironisé son collègue Dan Meuser.
Si la plupart des démocrates avaient mis en sourdine les critiques émises depuis août, les républicains ont eux multiplié les attaques pendant plus de cinq heures, certains allant jusqu’à réclamer la démission du secrétaire d’État.
“Vous avez manipulé les renseignements”, a scandé ainsi à plusieurs reprises Brian Mast, en brandissant les portraits de militaires tués fin août à Kaboul.
“Ce que vous avez dit est tout simplement faux”, a répondu Antony Blinken, qui a brièvement perdu son calme habituel lorsque le député Ronny Jackson l’a accusé d’exploiter le décès de ces Marines.
“Je rends des comptes”, a-t-il aussi répliqué à une élue qui l’accusait de “trahison”. “Nous avons fait ce qu’il fallait”, a-t-il martelé, visiblement piqué au vif.
“Nous nous sommes préparés à un grand nombre de scénarios”
Sur le fond, le chef de la diplomatie américaine a expliqué que “même les analyses les plus pessimistes n’avaient pas prévu l’effondrement des forces gouvernementales à Kaboul avant le retrait des forces américaines”. Mais “rien ne montre que rester plus longtemps aurait rendu les forces de sécurité afghanes plus résilientes ou autonomes”.
“Pour autant, a-t-il plaidé, nous nous sommes préparés à un grand nombre de scénarios”, ce qui a permis selon lui d’évacuer 124 000 personnes.
C’est le point faible d’Antony Blinken, accusé de n’avoir pas fait suffisamment, dans les mois avant la date butoir du 31 août, pour évacuer les ressortissants américains et les Afghans ayant travaillé pour les États-Unis.
Le ministre a, là aussi, affirmé avoir relancé l’attribution de visas spéciaux aux interprètes et autres auxiliaires afghans de Washington, laissée “au point mort” par l’administration Trump. Mais ce processus très bureaucratique est resté extrêmement poussif jusqu’au sauve-qui-peut final.
Avec AFP