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Les peuples autochtones, des pionniers de l'écologie en quête de légitimité

Plusieurs organisations des peuples autochtones sont présentes au congrès de la nature à Marseille. Venus de différentes régions du monde, ces peuples, dotés d’un savoir écologique notable, se battent pour défendre leurs terres et promouvoir leur modèle de défense de l’environnement. 

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Le congrès mondial de la nature, qui réunit États, acteurs économiques, scientifiques, membres de la société civile et citoyens pour lutter contre l’effondrement de la biodiversité, se termine samedi 11 septembre. Parmi les 1 400 membres de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui organisent cet événement, des représentants de peuples autochtones du monde entier ont fait le déplacement jusqu’à Marseille. Qu’ils viennent d’Amazonie, d’Afrique ou d’Asie, ces peuples réclament une meilleure prise en compte de leur opinion sur les questions environnementales, à l’échelle internationale.

Grâce à leur mode de vie, leur histoire et leur culture, les peuples autochtones peuvent apporter leur pierre à l’édifice dans la lutte contre le dérèglement climatique. “Les peuples autochtones sont en relation avec le vivant et ont un savoir écologique traditionnel basé notamment sur l’observation et sur des connaissances transmises de génération en génération”, décrit à France 24 Eugénie Clément Picos, doctorante à l’EHESS en anthropologie sociale.

>> À lire aussi : Sommet pour le climat : après le Covid, “les pays doivent s’assurer d’une reprise économique bien verte”

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“Beaucoup de peuples autochtones d’Amazonie, par exemple, régulent leur pratique de la chasse et de la pêche et se soignent avec les plantes”, explique à France 24 Fiore Longo, chargée de plaidoyer France chez Survival International, une ONG qui défend les droits des peuples autochtones. Ces populations se distinguent par leur lien fort, parfois même sacré, à la nature. “Leur manière de vivre n’est pas fondée sur l’accumulation mais plutôt sur la réciprocité. Pour eux, quand on prend quelque chose à la nature, on doit le lui rendre. Cette façon de penser permet de préserver les ressources naturelles pour les générations futures”, poursuit Fiore Longo. 

Selon l’ONU, les peuples autochtones, dont le nombre d’individus est estimé de 370 à 500 millions, détiennent, occupent ou utilisent 22 % des terres de la planète. Ils vivent généralement sur des aires protégées et sur des terres qui ont été très peu investies par l’activité humaine. “Une grande partie des zones de grande biodiversité sur Terre sont gouvernées par des peuples autochtones”, ajoute Jenny Springer, directrice du programme mondial de l’UICN sur la gouvernance et les droits, contactée par France 24.

Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, l’économiste Peter Seligmann, cofondateur de l’ONG Nia Tero menée par des dirigeants autochtones, va même plus loin en évoquant le cas des forêts, indispensables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. “Celles qui sont occupées par les peuples autochtones – soit la moitié des grandes forêts mondiales – connaissent le taux de déforestation le plus faible de la planète. Et pour cela, ces peuples ne bénéficient que de 2 % des fonds mondiaux alloués à la protection des forêts !”, écrit-il.

Une victoire pour l’Amazonie 

Au congrès de Marseille, les peuples autochtones ont défendu leur relation pacifique avec la nature. Vendredi, une motion d’urgence sur la protection de l’Amazonie, proposée dimanche par des organisations de peuples autochtones, a été adoptée. Alors que plus de 11 000 m² de la plus grande forêt du monde ont été détruits en 2020, les membres de l’UICN ont accepté d'”appuyer les objectifs de conservation par zone, dans le but de protéger, conserver et gérer durablement au moins 80 % de l’Amazonie d’ici à 2025″, en coopération avec les peuples autochtones. Ils ont également réclamé la reconnaissance de leurs droits sur ces terres et la suspension des activités industrielles dans ces zones. 


Après le vote, Gregorio Diaz Mirabal, de la Coordination des organisations indigènes du bassin de l’Amazonie (COICA), qui est à l’origine de cette motion, a dédié cette victoire à “ceux qui sont partis, ceux qui ont été tués, ceux qui continuent à être persécutés dans la défense de notre territoire”. Selon les défenseurs de l’environnement, les violences contre les populations autochtones en Amazonie et les expropriations de leurs terres se sont multipliées depuis l’arrivée au pouvoir du président brésilien Jair Bolsonaro. 

L’adoption de cette motion n’aurait pas pu voir le jour sans un changement du système de vote au sein de l’UICN. Cette année, les peuples autochtones, qui votaient auparavant dans la catégorie des ONG, ont pu voter en leur nom et déposer cette motion d’urgence. Ce système permet d’assurer un équilibre entre les voix des États et celles des membres non étatiques, ONG et organisations de peuples autochtones, ces dernières étant minoritaires. En outre, pour qu’une motion soit acceptée, elle doit être adoptée par les deux chambres.

>> À lire aussi : Au Brésil, l’Amazonie brûle dans l’indifférence générale

Même si l’UICN s’est engagée à réduire les obstacles financiers à l’adhésion pour les organisations des peuples autochtones, celle-ci coûte cher à de nombreuses organisations. Les cotisations à l’UICN varient de 300 francs suisses (276 euros) jusqu’à 20 000 francs suisses (18 500 euros) annuellement, selon des critères précis, notamment de revenus. “Les droits d’entrée sont tellement élevés pour nous. D’où pensent-ils que les peuples autochtones tirent leur argent ?”, a déclaré à l’AFP Victoria Tauli-Corpuz, ancienne rapporteure spéciale sur les droits des peuples autochtones à l’ONU.  

Pour la première fois, un Sommet mondial des peuples autochtones et de la nature a été organisé par des organisations des peuples autochtones membres de l’UICN. Cet événement parallèle visait à “faire prendre conscience que des mesures renforcées sont nécessaires pour protéger les droits des peuples autochtones et leur rôle de gardiens de la nature”, explique Jenny Springer. À l’issue de ce rendez-vous, elles ont élaboré un agenda mondial, contenant notamment un volet sur le respect des droits et de la gouvernance des autochtones sur leurs terres. 

Les voix des autochtones “ignorées pendant les sommets officiels”

Mais certaines organisations font preuve de défiance à l’égard du congrès de Marseille. Plusieurs d’entre elles ont mis en place un “contre-sommet pour faire entendre des voix qui sont ignorées pendant les sommets officiels”, explique Fiore Longo, dont l’ONG a participé à son organisation. Selon elle, le congrès officiel ne s’inspire pas du mode de vie des autochtones, pourtant reconnu comme efficace pour préserver la biodiversité. “Il ne remet pas en question notre modèle de vie et notre système de consommation”, poursuit-elle, en soulignant que “ce congrès est sponsorisé par des multinationales très polluantes”.

Le contre-sommet s’attaque aussi à une motion, soutenue par la France, réclamant la protection d’au moins 30 % des zones terrestres et maritimes d’ici 2030. “Les peuples autochtones protestent contre les aires protégées depuis des années car quand leurs territoires sont situés dans ces zones, les autochtones sont chassés et ne peuvent plus accéder à leurs terres”, proteste-t-elle. 

Eugénie Clément Picos regrette, elle aussi, un manque de prise en compte des populations autochtones sur le plan environnemental. “Ces peuples travaillent beaucoup ensemble et s’unissent pour être plus forts mais leur poids au niveau international dans les instances est très anecdotique. Ils sont plus utilisés comme faire valoir que considérés comme des acteurs de la préservation de l’environnement”, déplore-t-elle.

Au total, 16 de ces 23 organisations participent au vote des motions. Ces textes ne sont pas contraignants mais permettront de donner des grandes orientations et priorités en vue des prochaines conférences internationales sur le climat : la COP26 en novembre et la COP15 sur la biodiversité en avril 2022. 

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