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RD Congo : face à la situation “tragique” dans l'Est, Denis Mukwege en appelle à l'ONU

Le docteur congolais Denis Mukwege a appelé jeudi les Nations unies à envoyer des enquêteurs et à établir un Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo, alors que l’Ituri et le Nord-Kivu sont en proie à des violences terribles et persistantes malgré l’état de siège en vigueur depuis mai 2021.

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“Effroi”, “atrocités”, “peur et horreur”… Le lexique employé par Denis Mukwege est révélateur de la situation dans le Nord-Kivu et en Ituri, dans l’est de la République démocratique du Congo.

Le célèbre docteur, prix Nobel de la paix en 2018 pour sa lutte contre les violences sexuelles, dresse un portrait terrible de cette région meurtrie depuis la fin des années 1990 par des violences armées. L’état de siège instauré le 6 mai par le président Félix Tshisekedi, couplé à la présence des forces onusiennes de la Monusco, n’a pas mis fin aux violences. Au contraire.

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De possibles crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide

“La situation sécuritaire ne semble pas s’améliorer dans ces provinces”, constate Denis Mukwege, pour qui les tueries et les viols ayant conduit à la fuite de plus de cinq millions de personnes selon les Nations unies forment “une situation tragique, scandaleuse, plus supportable”. Constatant “l’échec des solutions politiques et sécuritaires”, le gynécologue nobélisé exhorte l’ONU à s’engager davantage.

Il l’appelle à “mettre en place sans tarder une équipe d’enquêteurs” qui aura pour mission d’”exhumer les nombreuses fosses communes” et de “collecter et préserver les éléments de preuve d’actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide perpétrés en République démocratique du Congo”.

Denis Mukwege, à la tête de la Fondation Panzi, réclame aussi “l’établissement d’un Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo et le soutien à la mise en place de chambres spécialisées mixtes pour rendre justice aux victimes des crimes les plus graves”. Et il y en a beaucoup.

Plus de 1 200 civils tués depuis le début de l’année

Les groupes armés dans l’Est, au nombre de 122 en 2020 et avec des revendications hétérogènes d’après un rapport du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST en anglais), n’ont pas faibli. Les massacres se succèdent dans la région de façon endémique, contraignant toujours plus d’habitants à la fuite. Les 4 et 5 septembre, encore, une trentaine de villageois ont été tués en Ituri, dans une attaque attribuée au groupe des Forces démocratiques alliées. Ces nouvelles victimes s’ajoutent à une interminable série.

Le KST collecte faits et chiffres, et son bilan est dramatique : depuis 2017, il a recensé plus de 4 200 incidents, plus de 6 100 enlèvements et plus de 5 000 morts violentes. Depuis le début de l’année 2021, plus de 1 200 civils congolais ont été tués dans l’Est, confirme le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui fait aussi état de plus de 1 100 viols. Selon le décompte du KST, près de 600 personnes sont mortes depuis l’instauration de l’état de siège. D’où les critiques récurrentes quant à son efficacité.

La presse n’est pas épargnée. Rien qu’en août 2021, le journaliste Héritier Magayane a été égorgé, puis son confrère Joël Musavuli et son épouse ont été poignardés à mort. En mai, c’est Barthélemy Kubanabandu Changamuka, âgé de seulement 23 ans, qui a été abattu devant son domicile. Reporters sans frontières s’est ému de ces meurtres et des multiples violences recensées en République démocratique du Congo à l’encontre des journalistes. En juin, l’ONG s’insurgeait contre des militaires congolais qui auraient menacé de mort le journaliste Daniel Michombero, brutalisé son épouse, vandalisé son domicile et volé son matériel.

Les crises sanitaires ont aussi ravivé ces violences

Ces deux dernières années, les groupes armés de l’est de la République démocratique du Congo se sont livrés à un nombre croissant d’exactions violentes. Chef de l’État depuis janvier 2019, après 18 années de présidence de Joseph Kabila, Félix Tshisekedi n’a pas trouvé de terrain d’entente avec ces groupes, qui avaient pourtant déposé les armes dans un premier temps.

“Faute d’un solide programme national de démobilisation, un grand nombre d’ex-combattants reprennent déjà le maquis”, analysait le chercheur Christoph Vogel dans les colonnes du quotidien Le Monde en février, après l’assassinat de l’ambassadeur italien près de Goma (Nord-Kivu).

La dégradation de la situation sanitaire a aussi, malgré elle, contribué à l’augmentation des actions violentes dans le pays. “Les pouvoirs publics étant concentrés sur la lutte contre la pandémie de Covid-19 et d’autres maladies, ils ont réduit leurs efforts de désarmement, de démobilisation et de réintégration”, indique Amnesty International.

C’est pour restaurer la paix dans ces provinces que le président Tshisekedi a décrété l’état de siège au printemps : des gouverneurs militaires ont été nommés et les forces de sécurité ont pris le pouvoir dans l’Est le 6 mai. Et alors qu’il ne devait durer qu’un mois, les députés l’ont prolongé le 30 août pour la septième fois, malgré le scepticisme d’une part de la société congolaise.

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