Le ZyCoV-D est le tout premier vaccin à ADN qui se révèle efficace sur l’homme, à en croire les déclarations du groupe indien qui l’a développé. Il va être utilisé par l’Inde à partir de septembre pour lutter contre le Covid-19. Une percée scientifique majeure, pour laquelle il manque – cependant – des données scientifiques.
L’Inde s’apprête à combattre le Covid-19 avec le premier vaccin au monde à ADN pour l’homme. Le ZyCoV-D, dont la distribution a été autorisée en urgence par les autorités sanitaires indiennes le 20 août, doit commencer à être administré à la population dès septembre.
Une campagne de vaccination qui sera suivie de près, tant la technologie des vaccins à ADN est, à l’image de ceux à ARN messager de Pfizer ou Moderna, considérée comme un espoir pour traiter ou protéger contre une large gamme de maladies graves.
Efficace à 66 %
Le ZyCoV-D vient renforcer l’arsenal vaccinal du pays – en plus de l’AstraZeneca, du Covaxin indien et du Sputnik V russe – à un moment où l’Inde commence à entrapercevoir la fin d’une année catastrophique sur le plan sanitaire. Le nombre de nouveaux cas est passé à environ 40 000 par jour contre plus de 400 000 nouvelles contaminations quotidiennes en mai, et le nombre de décès a également été divisé par dix par rapport au pic de l’épidémie.
Les ravages de la deuxième vague de Covid-19 en Inde, due en partie au fameux variant Delta qui y a vu le jour, ont poussé New Delhi à allouer autant de moyens que possible au développement des vaccins locaux. Et le ZyCoV-D en est la principale illustration.
Il se révèle efficace à 66 % pour protéger contre les formes graves du Covid-19, a annoncé le groupe pharmaceutique indien Cadila Healthcare dans le communiqué présentant les résultats de ses essais cliniques menés sur 28 000 participants depuis janvier. Un taux qui semble modeste comparé aux plus de 90 % d’efficacité des vaccins à ARN messager de Pfizer ou de Moderna. Cependant, le ZyCoV-D a été testé alors que le variant Delta sévissait, tandis que les autres vaccins ont été développé lorsqu’il n’était encore question que de la souche originelle du Sars-CoV-2, moins résistante aux traitements vaccinaux, rappelle le groupe pharmaceutique.
Il n’empêche que ce premier vaccin à ADN n’échappera pas à la comparaison avec ses cousins à ARN messager puisque “c’est d’eux qu’il est le plus proche dans son fonctionnement”, souligne Al Edwards, immunologue et spécialiste des vaccins à l’université de Reading (Angleterre), contacté par France 24.
Ces deux familles de vaccins utilisent, respectivement, un bout d’ARN ou d’ADN de synthèse qui contient les “instructions permettant au corps de fabriquer la fameuse protéine Spike du virus Sars-CoV-2 afin que le système immunitaire puisse développer des anticorps”, détaille Pierre Saliou, professeur agrégé du Val-de-Grâce et spécialiste de vaccinologie, contacté par France 24.
Plus abordable et facile à conserver
La grande différence est que le bout d’ADN de synthèse doit être injecté “au plus profond du noyau cellulaire afin de pouvoir être décodé alors que l’ARN messager peut rester en surface de la cellule”, résume Al Edwards.
Le chemin à parcourir est donc plus long et plus compliqué, et c’est la principale raison pour laquelle aucun vaccin à ADN ne s’était montré efficace chez l’homme jusqu’à présent. Plusieurs ont pu, en revanche, être mis au point pour les animaux, dont un vaccin qui protège les chevaux contre le virus du Nil occidental.
Le ZyCoV-D nécessite, en outre, d’être administré en trois fois, contrairement à la plupart des autres vaccins, prévus pour être pleinement efficaces après deux injections au maximum.
Les vaccins à ADN semblent ainsi plus complexes à mettre au point tout en offrant une protection potentiellement moins bonne contre le Covid-19 que ceux à ARN messager. Pourquoi alors ne pas se concentrer sur ces derniers ? Il y a, en effet, encore onze autres vaccins à ADN en cours de développement, d’après la liste établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
D’abord, parier sur l’ADN semblait plus prometteur. “Il y a environ un an et demi à deux ans [c’est-à-dire au début de la pandémie], on n’était même pas sûrs que les vaccins à ARN messager pouvaient fonctionner, alors que les travaux en laboratoires menés depuis au moins vingt ans ont démontré la faisabilité des vaccins à ADN”, souligne Al Edwards, de l’université de Reading.
ZyCoV-D et consorts posent aussi un défi logistique beaucoup moins important que celui des vaccins à ARN messager. Ils peuvent être conservés pendant plusieurs mois à des températures comprises en -2 °C et 8 °C, tandis que les vaccins à ARN messager doivent être placés dans des congélateurs à des températures beaucoup plus basses. “C’est parce que l’ADN est extrêmement stable alors que les brins d’ARN sont, eux, particulièrement fragiles”, explique Pierre Saliou.
Ce qui les rend aussi, potentiellement, moins chers. “Pas la peine, en effet, de payer pour des solutions de stockage spécifique”, souligne Al Edwards. Plus faciles à transporter et entreposer, et moins chers à déployer : ces vaccins pourraient être une solution idéale pour les pays en voie de développement.
En outre, petit bonus pour les bélonéphobes (ceux qui ont peur des aiguilles), le ZyCoV-D ne requiert par de piqûre puisqu’il est administré grâce à un système d’injection sans aiguille.
Où sont les données scientifiques ?
Ces vaccins à ADN partagent une qualité centrale avec ceux à ARN qui fait dire à une partie de la communauté scientifique qu’il s’agit des technologies vaccinales du futur : ils sont très adaptables. La même plateforme technologique qui a permis de mettre au point le premier vaccin à ADN contre le Covid-19 peut dorénavant servir à développer des molécules pour combattre d’autres affections. De tels vaccins sont d’ailleurs actuellement testés contre le virus Zika (maladie transmise par piqûre de moustique), ou contre le HIV.
Mais il est peut-être encore un peu tôt pour crier victoire. ZyCoV-D semble, certes, avoir convaincu les autorités sanitaires indiennes, mais les scientifiques aimeraient cependant bien savoir pourquoi. Le laboratoire Cadila Healthcare n’a pas publié les données précises permettant de corroborer scientifiquement les allégations contenues dans le communiqué de presse.
“ZyCoV-D est potentiellement un très bon vaccin, mais le manque de transparence est préoccupant”, écrit Jammi Nagaraj Rao, un immunologue indien, dans une tribune publiée par le site d’information indien The Wire. “Les sociétés indiennes de biotech ont le savoir-faire nécessaire pour réussir des percées médicales du calibre d’un premier vaccin à ADN, mais il est clair qu’avoir accès aux données scientifiques complètes serait plus rassurant”, reconnaît Al Edwards.
C’est pourquoi la suite de la campagne de vaccination en Inde – où 17 % seulement de la population est entièrement vaccinée – va être suivie de très près. Ce sera le premier test grandeur nature pour une toute nouvelle famille de vaccins. Pour Al Edwards, “il ne faut jamais oublier qu’avant l’apparition de ce virus, on manquait d’outils vaccinaux, et cette pandémie a permis de prouver la validité médicale de technologies novatrices” et qui pourraient faire une différence au-delà de la pandémie de Sars-CoV-2.