Le Congrès mondial de la nature de l’IUCN réunit, à partir de vendredi et jusqu’au 11 septembre, États, ONG, scientifiques et acteurs économiques à Marseille. Ce sommet, inédit en France, attire de nombreuses associations de protection de l’environnement, bien décidées à sensibiliser la société pour qu’elle pousse les États à agir pour la biodiversité, alors que les COP15 et COP26 approchent.
Après un été marqué par la sortie du dernier rapport alarmant du Giec et par de violents événements climatiques, le Congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) s’ouvre vendredi 3 septembre à Marseille. L’événement réunira des représentants de gouvernements, d’agences publiques, d’ONG, du monde scientifique, des collectivités locales, des peuples autochtones et des entreprises.
Pendant ces huit jours, les participants devront identifier des problématiques liées à la dégradation de la nature et de la biodiversité et faire émerger des solutions. De nombreuses ONG de défense de l’environnement seront présentes pour demander des mesures concrètes et tenter de faire pression sur les décideurs.
La plupart d’entre elles participeront à des conférences et proposeront des activités pour sensibiliser les citoyens à la préservation de la biodiversité, car cette année le Congrès a décidé de s’ouvrir au grand public. “Nos associations membres seront présentes sur notre stand pour présenter des actions de sensibilisation. Nous allons aussi mener une action sur une plage pour alerter sur la dégradation des océans et des mers”, explique, à France 24, Maxime Paquin, chargé de mission sur la biodiversité chez France nature environnement.
Au cours de cet échange avec @EmmanuelMacron, nous avons insisté sur 3 évidences :
1⃣ La protection de l’environnement nécessite des moyens financiers et humains #PLF2022
👉La moitié de nos activités économiques dépendent de la nature : il faut la protéger “quoi qu’il en coûte” ! https://t.co/iKSHwmPsJv— France Nature Environnement (@FNEasso) September 1, 2021
Mais l’enjeu le plus stratégique pour les associations est d’abord de se servir du Congrès comme d’une “tribune pour envoyer des messages politiques”, selon Maxime Paquin. Comme d’autres ONG, l’association française va participer au vote de 19 motions qui seront débattues à Marseille. Parmi elles figurent la protection des mammifères marins, des forêts anciennes en Europe ou encore la réduction de l’impact de l’industrie minière sur la biodiversité.
“L’ensemble de ces recommandations contribueront à définir les prochains objectifs pour la protection de la biodiversité à 2030, qui seront établis à la COP15 Biodiversité de l’ONU”, précise l’UICN. Ces recommandations ne sont pas contraignantes mais permettront notamment aux ONG d’influer sur les discussions lors de la COP15 sur la biodiversité, qui aura lieu en octobre en Chine, et lors de la COP26 sur le changement climatique, prévue en novembre, en Écosse. Sur ces 128 recommandations, 109 ont déjà été adoptées par les États, agences gouvernementales, ONG, associations et peuples indigènes membres de l’IUCN.
Une liste rouge des espèces menacées
“Nous menons un travail d’influence au sein de l’UICN pour nous assurer que ces motions soient votées et qu’elles soient ensuite mises en œuvre à l’échelle mondiale”, explique Pierre Cannet, directeur du plaidoyer de WWF France, contacté par France 24. Les ONG se servent aussi de ces textes comme documents de travail pour dialoguer avec les États et avec les grandes organisations internationales, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
La nature s’effondre autour de nous 🐾🪲 !
Voici nos 10 urgences pour que le Congrès mondial de la nature de l’#UICN serve vraiment à protéger la biodiversité.
Nous serons présents au congrès dès vendredi à Marseille. #TheRaceIsOnhttps://t.co/UkF962BtMg
— WWF France 🐼 (@WWFFrance) August 31, 2021
Un des temps forts du congrès sera également la mise à jour de la liste des espèces menacées de l’UICN, qui classe les espèces en danger en sept catégories, de “préoccupation mineure” au définitif “éteinte”. Véritable référence scientifique, cette liste rouge “constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation global des espèces végétales et animales”, précise l’UICN. Actuellement, environ un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction, selon la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes).
Depuis 1900, l’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d’au moins 20 % en moyenne, d’après cette même source. Et les scientifiques sont unanimes : la disparition des espèces et des écosystèmes est une conséquence directe de l’activité humaine (surpêche, pollution, déforestation, etc.) et menace le bien-être de l’humanité.
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Face à ces chiffres alarmants, “le congrès de l’IUCN est un bon moyen de se ressaisir et de voir comment on peut prendre des décisions, dans un contexte où les plans de relance établis au niveau mondial et les budgets nationaux consacrent très peu à la biodiversité”, explique Pierre Cannet. “Nous cherchons à nous assurer que la France, derrière le discours d’ouverture d’Emmanuel Macron prévu vendredi et l’accueil du congrès sur son sol, est aussi en mesure d’agir pour la biodiversité”, poursuit-il, dénonçant en France “un contexte d’inaction en matière de transition agricole et de retour en arrière, par exemple sur les néonicotinoïdes et le glyphosate“.
Un “marche-pied vers des mesures contraignantes”
Bien qu’elles ne soient pas autorisées à voter des motions, les associations non membres de l’UICN, comme l’ONG Surfrider Foundation Europe, spécialisée dans la préservation des océans, des mers et de leurs écosystèmes, comptent tout de même pousser les États à agir. Contactée par France 24, Antidia Citores, responsable du plaidoyer et porte-parole de Surfrider Foundation Europe, considère le congrès “comme une potentielle ‘session de rattrapage’ tant pour les politiques que pour les médias”.
Pour sa part, Maxime Paquin espère que ce congrès mettra l’épineuse question des financements sur la table. “Il existe pléthore de rapports dans lesquels on étudie les possibilités d’améliorer les financements. Mais dans les faits, sur le terrain, on manque de moyens. Il faut donc les augmenter, mieux les répartir et réorienter certaines taxes”, propose-t-il. Les associations comptent donc s’appuyer sur les acteurs économiques, comme les entreprises ou les banques de développement, pour financer la transition écologique.
WWF France souhaite, par exemple, mettre en avant l’initiative de l’International Development Finance Club, une union de banques de développement pilotée par l’Agence française de développement (AFD) et qui engage 630 milliards de dollars de financement par an pour une économie mondiale plus juste et équitable, dont 100 milliards uniquement pour le climat.
Loin de voir ce congrès comme une réponse miracle, Pierre Cannet le conçoit comme un “marche-pied vers des mesures contraignantes en matière de préservation de la biodiversité”. Antidia Citores rappelle, elle, que “les mesures fortes ne sont pas nécessairement l’objectif du congrès de l’UICN et que le congrès est plutôt une occasion d’adopter des motions cadres”. Mais la présence d’Emmanuel Macron et de plusieurs membres du gouvernement au congrès suscite tout de même des espoirs. “On attend des annonces du président sur la biodiversité, même si, finalement, ce n’est même pas sûr qu’il en fasse”, admet Maxime Paquin.