Le 15 août, des Sénégalais en colère ont vandalisé une dizaine de “camions maliens” après qu’une collision entre un poids lourd immatriculé au Mali et un taxi a causé la mort de quatre personnes à Kaolack, dans le centre du Sénégal. Alors que des représailles ont été enregistrées de l’autre côté de la frontière, au Mali, les autorités des deux pays sont montées rapidement au créneau pour appeler “au calme”, l’axe Dakar-Bamako étant stratégique pour les deux pays.
Plusieurs vidéos partagées sur Facebook témoignent des scènes de violence survenues à Kaolack, après le drame du 15 août. Des jeunes en colère ont vandalisé une dizaine de “camions maliens” stationnés non loin du lieu de l’accident.
“C’est la première fois qu’un accident de la route dégénère en émeute”
Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, Moustapha Mbow, rédacteur en chef de Kaolack Infos, un média local dont les bureaux se situent juste en face du lieu de l’incident, raconte :
Nous avons compté douze camions qui ont été saccagés : des pneus ont été percés, les pare-brises cassés à l’aide de pierres et de briques et les moteurs de certains camions ont été endommagés.
Kaolack est une ville carrefour où stationnent beaucoup de transporteurs qui quittent le Mali pour aller vers le port de Dakar. Il y a donc régulièrement des accidents qui impliquent des poids lourds venus du Mali ici, et qui sont pour la plupart vétustes. Mais cette fois, c’est la violence du choc qui a révolté les gens. C’est un peu un ras-le-bol. C’est la première fois qu’un accident de la route dégénère en émeute. Le camion avait littéralement roulé sur le véhicule.
Les chauffeurs sont souvent indisciplinés, ils ne respectent pas le code de la route. Les routes aussi ne sont pas de la meilleure qualité. Elles ne sont pas assez larges et adaptées à la circulation de poids lourds.
Le chauffeur du camion “en état d’ivresse”, selon plusieurs médias, a été arrêté et placé sous mandat de dépôt.
Mais des représailles ont eu lieu le même jour dans les villes frontalières, côté malien, comme à Diboli ou Kéniéba où plusieurs camions sénégalais qui attendaient de faire des formalités douanières ont été pris à partie par des locaux. Selon un agent douanier, à Diboli, “presque tous les camions qui étaient stationnés au niveau du poste de péage ont été saccagés par des chauffeurs maliens mais aussi par la population”.
Au lendemain des scènes de violence, les autorités maliennes et sénégalaises ont appelé “au calme et à la raison” et promis de “faire toute la lumière sur ces incidents”. Si le trafic entre les deux pays a été suspendu dans la foulée, il a depuis repris, alors que 80 % des exportations maliennes passent par la route vers Dakar.
“L’indiscipline de certains chauffeurs n’est pas excusable”
Chaque jour, 300 à 400 camions quittent le port de Dakar pour le Mali. En sens inverse, c’est “environ 1 000 camions maliens qui viennent par jour au Sénégal. Ce sont 253 milliards de francs CFA qui rentrent chaque année dans l’économie du Sénégal”, explique Mamadou Corsène Sarr, le secrétaire général des acteurs portuaires du Sénégal, selon des propos rapportés par le site SeneNews.
Chaka Coulibaly, secrétaire national du Syndicat des entreprises de transport du Mali, explique :
Certains chauffeurs voulaient interrompre le trafic. Mais nous ne pouvons pas nous permettre de le faire parce que le Mali est un pays enclavé.
Les autorités ont appelé au calme et nous ne cessons de sensibiliser et former nos conducteurs quant au respect du code de la route. Les chauffeurs doivent conduire en tenant compte de l’état de la route. Si elle est étroite ou de mauvaise qualité, il y a souvent des limitations de vitesse qu’il faut respecter. Mais malheureusement, dans le travail, il peut arriver des erreurs, dues à l’indiscipline de certains chauffeurs, qui ne sont pas excusables.
Dembélé Madina Sissoko, la ministre malienne des Transports et des Infrastructures, s’est rendue lundi 24 août au Sénégal pour tenter d’apaiser les tensions et présenter les condoléances du “peuple malien” aux familles des victimes.
Selon l’Agence Ecofin, qui cite un rapport de l’ONG Partners West Africa (PWA) basée à Dakar, plus de 600 personnes meurent chaque année sur les routes du Sénégal. Et 80 % de ces accidents seraient liés aux comportements humains (excès de vitesse, téléphone au volant, effets des stupéfiants et de l’alcool).
Toutefois, Moustapha Mbow, le rédacteur en chef de Kaolack Infos, rappelle que la réhabilitation du chemin de fer entre le Sénégal et le Mali permettra de réduire de manière conséquente les accidents causés par les poids lourds sur l’axe Dakar-Bamako.
La mise en service de la ligne entre Dakar et Tambacounda, financée à hauteur de 20 milliards de francs CFA (30,5 millions d’euros), est prévue pour décembre. Elle permettra de réduire de 500 km le trajet routier entre les deux pays.