Le laboratoire AstraZeneca a affirmé, vendredi, que son traitement à base d’anticorps de synthèse permet de réduire de 77 % le risque de développer une forme grave du Covid-19. Mais pourquoi opter pour ce genre de traitement alors que les vaccins se montrent efficaces ?
Un espoir pour ceux qui réagissent mal aux vaccins et une alternative acceptable pour les “antivax” ? Le laboratoire anglo-suédois AstraZeneca a publié, vendredi 20 août, des résultats très prometteurs concernant son traitement préventif du Covid-19, baptisé AZD7442. Dans la foulée, le groupe a annoncé son intention de déposer, d’abord aux États-Unis, une demande d’autorisation pour commercialiser ce remède d’ici la fin de l’année.
Les résultats préliminaires d’un essai de phase III – le dernier maillon du processus de développement d’un médicament – indiquent que l’AZD7442 permet de réduire de 77 % le risque de développer une forme symptomatique du Covid-19.
Dans la même cour que les vaccins
Aucun des 5 200 volontaires français, nord-américains, britanniques, espagnols et belges ayant reçu une dose du traitement d’AstraZeneca (un tiers a obtenu un placébo) dans le cadre de l’étude n’a présenté de signes de la maladie durant toute la durée du test.
C’est un soulagement pour le laboratoire qui, par ailleurs, commercialise l’un des principaux vaccins utilisés pour lutter contre la pandémie de Covid-19. En juin dernier, leur traitement AZD7442 avait échoué à convaincre lors d’une précédente étude visant à évaluer, cette fois-ci, son efficacité pour soigner les personnes déjà contaminées par le virus.
C’est cette déconvenue qui a poussé AstraZeneca à privilégier la piste du traitement préventif pour son médicament. En ce sens, il joue dans la même cour que les vaccins puisque “les deux poursuivent le même but : protéger contre les formes graves de la maladie”, souligne Penny Ward, professeure invitée en médecine pharmaceutique au King’s College de Londres, interrogée par France 24.
Il se distingue de la plupart des autres remèdes similaires – développés par Regeneron, GlaxoSmithKline ou encore Eli Lilly – qui visent à guérir plutôt qu’à prévenir. Le médicament de Regeneron, par exemple, avait été utilisé pour soigner l’ex-président américain Donald Trump après sa contamination au Covid-19.
Tous ces traitements sont à base d’anticorps monoclonaux. C’est-à-dire qu’il s’agit d’un cocktail d’anticorps de synthèse – deux dans le cas de l’AZD7442 –conçus spécifiquement pour lutter contre une maladie déterminée.
“C’est la grande différence avec les vaccins qui, eux, cherchent à stimuler le système immunitaire pour qu’il fabrique lui-même ses anticorps, alors que ces traitements permettent d’injecter directement les anticorps jugés efficaces en laboratoire”, résume Penny Ward.
Une comparaison qui semble, a priori, flatteuse pour les traitements à base d’anticorps monoclonaux puisqu’ils sont “prêts à l’emploi”, ne nécessitent qu’une injection et ont un effet immédiat – il ne faut pas attendre que le système immunitaire se mette à travailler pour être protégé, comme dans le cas des vaccins.
Pour ceux qui ont besoin de plus qu’un vaccin
L’AZD7442 dispose même de deux atouts supplémentaires puisqu’il “semblerait que les anticorps ont été spécialement modifiés pour protéger très longtemps – jusqu’à un an d’après AstraZeneca – et qu’ils sont efficaces contre le variant Delta”, précise Penny Ward.
Il n’aurait pas à rougir face à certains vaccins contre le Covid-19, dont la protection s’estomperait bien avant un an, à en croire les données collectées en Israël qui suscitent actuellement un vif débat.
Pourtant, “il faut toujours préférer la vaccination au traitement à base d’anticorps monoclonaux quand c’est possible”, assure Penny Ward. C’est dû au double effet des vaccins. Ils poussent le système immunitaire à fabriquer des anticorps, mais aussi à développer des cellules T, responsables de la mémoire immunitaire qui doit permettre aux corps de reconnaître le virus SARS-COV-2 pour se défendre, même lorsqu’il n’y a plus d’anticorps. Un deuxième bénéfice que ne procure pas les traitements comme l’AZD7442.
C’est pourquoi la plupart des laboratoires qui développent des traitements à base d’anticorps de synthèse cherchent en priorité à en faire des remèdes pour des patients déjà malades. C’est un créneau sur lequel ils n’ont pas à rivaliser avec les vaccins.
Pour autant, l’AZD7442 pourrait changer la donne pour des millions de personnes. Les vaccins ne produisent, en effet, pas toujours la réponse immunitaire souhaitée. C’est particulièrement vrai chez “les personnes atteintes de certaines comorbidités qui affectent leur système immunitaire, comme les patients atteints de cancer, du virus du sida ou qui prennent des médicaments qui fragilisent leur système immunitaire”, résume Penny Ward.
AstraZeneca est conscient des attentes de ces millions de patients. Le laboratoire a précisé que 75 % des volontaires qui ont participé à son étude avaient des maladies chroniques qui limitaient la réponse immunitaire induite par l’injection d’un vaccin.
Dans ces cas-là, le traitement pourrait devenir “un complément thérapeutique qui serait administré après le parcours vaccinal normal”, résume Penny Ward.
Il pourrait même servir à convaincre les réfractaires à la vaccination du mouvement “antivax” à se soumettre à un traitement protecteur, note le Washington Post. À ce détail près qu’ils risquent de faire grise mine en découvrant la douloureuse facture puisque les traitements à base d’anticorps monoclonaux sont, en général, bien plus chers que les vaccins.