Le chaos à l’aéroport de Kaboul, où des milliers de personnes se pressent depuis la prise de pouvoir par les Taliban, a fait ses premiers morts, samedi. Au moins trois personnes sont décédées.
Plusieurs personnes sont mortes, samedi 21 août, alors qu’elles tentaient de monter dans un avion pour fuir l’Afghanistan, une semaine après la prise de pouvoir par les Taliban. Au même moment, la direction des Taliban se réunissait pour définir les contours d’un gouvernement “inclusif”.
Des images tournées par Sky News montrent les corps d’au moins trois personnes, vraisemblablement écrasées par la foule qui se presse contre les portes de l’aéroport, pris entre les soldats américains d’un côté et les combattants islamistes de l’autre.
Les personnes à l’avant de la foule ont été “écrasées” et les médecins se sont précipités d’un blessé à l’autre, a dit Stuart Ramsay, journaliste de cette chaîne d’information britannique qui se trouvait à l’aéroport. Les images montrent aussi de nombreux blessés.
Samedi, les routes menant à l’aéroport de Kaboul continuaient d’être congestionnées. Des milliers de familles se massaient encore devant l’aérodrome, espérant monter par miracle dans un avion. Devant elles, des militaires américains et une brigade des forces spéciales afghanes se tenaient aux aguets pour les dissuader d’envahir les lieux.
Derrière eux, des Taliban, désormais accusés de traquer des Afghans ayant travaillé pour l’Otan pour les arrêter et de restreindre l’accès à l’aéroport, observaient la scène.
“De potentielles menaces”
Samedi, l’ambassade américaine à Kaboul a par ailleurs appelé ses ressortissants à éviter de s’approcher de l’aéroport pour cause de “potentielles menaces de sécurité”.
La nature de ces menaces n’a pas été précisée, mais un responsable de la Maison Blanche a fait savoir que Joe Biden avait discuté samedi matin avec de hauts responsables de son gouvernement “de la situation sécuritaire en Afghanistan et des opérations de contre-terrorisme, y compris l’EI”, le groupe État islamique.
“Nous conseillons aux citoyens américains d’éviter de se déplacer vers l’aéroport et d’éviter les portes de l’aéroport pour le moment, à moins que vous ne receviez des instructions individuelles d’un représentant du gouvernement américain pour ce faire”, détaille le bulletin publié sur le site internet de l’ambassade.
Pour le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, il sera “impossible” d’évacuer tous les collaborateurs afghans des pouvoirs occidentaux avant le 31 août.
L’administration américaine a fixé à cette date le retrait définitif de ses forces d’Afghanistan, et espère évacuer d’ici là tous les Américains (entre 10 000 et 15 000 personnes), et faire de même pour leurs alliés Afghans et leurs familles (entre 50 000 et 65 000 personnes).
“Nous nous battons à la fois contre le temps et l’espace”, a reconnu samedi le porte-parole du Pentagone, John Kirby.
Depuis le 14 août, quelque 17 000 personnes ont été évacuées par les États-Unis, dont 2 500 Américains. Des milliers d’autres ont été exfiltrées à bord d’avions militaires étrangers.
En France, “toutes les demandes d’exfiltration des Afghans “instruites”
Les cas de tous les Afghans qui sollicitent les autorités françaises pour demander à être exfiltrés de leur pays tombé aux mains des talibans sont examinés, a quant à lui assuré le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
“Tous les cas qui se sont manifestés, et leur nombre s’allonge de jour en jour avec des centaines de noms, sont instruits”, a déclaré le ministre dans le Journal du Dimanche.
L’Armée de l’Air a déjà transporté jusqu’à Paris plus de 600 personnes sur quatre vols, dont une très large majorité d’Afghans, auxquels s’ajoutent 625 personnes qui avaient été transférés entre mai et juillet en prévision de la prise de pouvoir des Taliban.
“Notre seul problème, c’est l’accès jusqu’à l’aéroport, avec les check-points Taliban, puis l’entrée dans l’aéroport où c’est le chaos avec plus d’une dizaine de milliers de personnes qui se pressent à ses portes”, a déclaré le ministre.
Dans ces conditions, “tant que l’aéroport reste ouvert, tant que nos personnels y sont en sécurité, nous restons. Notre responsabilité morale collective est de faire en sorte que les Afghans menacés en raison de leurs engagements antérieurs soient évacués”, a-t-il estimé.
À cet égard, il a exhorté les Etats-Unis, qui tiennent l’aéroport, à poursuivre leur opération. “Je leur ai demandé, avec beaucoup de mes collègues, qu’ils prennent leurs responsabilités en faisant en sorte de permettre et de faciliter l’évacuation de l’ensemble des ressortissants et des auxiliaires afghans mais aussi, au même niveau, de l’ensemble des Afghans dont la vie est menacée. Et que la coordination avec les alliés s’opère de façon plus efficace et plus renforcée. Ceci suppose que l’opération en cours se poursuive le temps nécessaire”.
Vers une gouvernement “inclusif” ?
Pendant que les évacuations se poursuivent, le cofondateur et numéro deux des Taliban, Abdul Ghani Baradar, est arrivé samedi à Kaboul après avoir passé deux jours à Kandahar, berceau du mouvement.
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Ce mollah, qui dirigeait jusque là le bureau politique des Taliban au Qatar, va “rencontrer des responsables jihadistes et des responsables politiques pour l’établissement d’un gouvernement inclusif”, a déclaré à l’AFP un haut responsable taliban.
D’autres dirigeants du mouvement ont été aperçus dans la capitale afghane ces derniers jours, dont Khalil Haqqani, l’un des terroristes les plus recherchés au monde par les Etats-Unis, qui ont promis une récompense de 5 millions de dollars contre des informations permettant sa capture.
Des réseaux sociaux pro-Taliban ont montré Khalil Haqqani rencontrant Gulbuddin Hekmatyar, considéré comme l’un des chefs de guerre les plus cruels du pays pour avoir notamment bombardé Kaboul durant la guerre civile (1992-96). Gulbuddin Hekmatyar, surnommé “le boucher de Kaboul”, était un rival des Taliban avant que ceux-ci ne prennent le pouvoir entre 1996 et 2001.
Ces mêmes réseaux ont annoncé quelques heures plus tard “l’allégeance” à leur mouvement d’Ahmad Massoud, le fils du défunt commandant Ahmad Shah Massoud, connu pour son opposition au groupe fondamentaliste.
Ahmad Massoud, qui plus tôt cette semaine avait demandé des armes aux États-Unis pour se défendre contre le nouveau pouvoir dans sa vallée du Panchir au nord-est de Kaboul, n’a pas officiellement réagi à ces allégations.
Un règne “différent”
Depuis l’arrivée d’Abdul Ghani Baradar sur le sol afghan, les Taliban ont assuré que leur règne serait “différent” du précédent (1996-2001), marqué par son extrême cruauté notamment à l’égard des femmes. Ils ont répété vouloir former un gouvernement “inclusif”, sans toutefois l’expliciter.
Les Taliban ont dit vouloir établir de “bonnes relations diplomatiques” avec tous les pays, mais prévenu qu’ils ne feraient aucun compromis sur leurs principes religieux. La Chine, la Russie, la Turquie et l’Iran ont émis des signaux d’ouverture, les pays occidentaux restant méfiants.
L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui a engagé la Grande-Bretagne dans la guerre en Afghanistan en 2001 aux côtés des États-Unis, a critiqué samedi “l’abandon” du pays par les Occidentaux, qu’il a jugé “dangereux et inutile”.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a quant à lui averti samedi que son pays ne pourrait supporter “un fardeau migratoire supplémentaire” provenant de l’Afghanistan.
“Une nouvelle vague migratoire est inévitable si les mesures nécessaires ne sont pas prises en Afghanistan et en Iran. La Turquie, qui accueille déjà 5 millions de réfugiés, ne peut supporter un fardeau migratoire supplémentaire”, a-t-il affirmé lors d’une conversation téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel.
Avec AFP