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“Une nuit cauchemardesque” : un quartier de Syriens attaqué à Ankara après une bagarre meurtrière

Dans la soirée du 11 août, une centaine d’hommes turcs ont attaqué des logements et des magasins appartenant à des Syriens dans l’est de la capitale Ankara, où vit une grande communauté de réfugiés syriens. À l’origine, une bagarre opposant Syriens et Turcs dans un parc de la ville, après laquelle un adolescent turc a trouvé la mort. Nos Observateurs dénoncent une instrumentalisation de la communauté syrienne alimentée par l’opposition.   

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Des vidéos largement diffusées sur Twitter racontent les événements de la soirée du 11 août à Altındağ, un district à l’est de la capitale turque, Ankara. Une centaine de jeunes hommes turcs, juchés sur des camionnettes, ont envahi les quartiers de Altındağ et Hüseyingazi, baptisé “Petit Alep”, qui accueille environ 10 000 Syriens. Entonnant des cris xénophobes, ils ont tabassé des habitants syriens du quartier et saccagé plusieurs magasins appartenant à des Syriens.

Au moins six Syriens ont été blessés selon des témoins sur place. Soixante-seize suspects parmi les assaillants ont été interpellés le matin du 12 août, selon la police. Trente-huit de ces mêmes suspects sont connus des services de police pour des faits de coups et blessures, et trafic de stupéfiants. 

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Dans cette vidéo filmée par un résident, la foule matraque, en poussant des cris religieux, la devanture d’un magasin. 


Une foule tente de détruire une devanture de magasin appartenant supposément à des Syriens dans le quartier de Hüseyingazi, dans l’est d’Ankara, le soir du 11 août. “Regarde, même la police n’intervient pas,” commente une personne hors champ.

À l’origine de l’attaque, une bagarre a éclaté vers 21h30 dans un parc public entre deux groupes d’adolescents de Hüseyingazi, turc, et syrien, pendant laquelle deux Turcs de 16 et 18 ans ont été poignardés. Le jeune de 18 ans est décédé le soir même à l’hôpital. Deux suspects d’origine syrienne ont été arrêtés selon la presse locale.  


Des internautes turcs partagent la photo de la victime décédée, un adolescent de 18 ans. 

Malgré le déploiement des forces anti-émeutes d’Ankara, les tentatives de la police pour instaurer le calme ont été vaines. Des résidents syriens ont dû se barricader ou fuir leurs maisons dans la nuit, de peur des représailles. 

Le président du Croissant-Rouge turc, Kerem Kinik, a affirmé sur Twitter qu’un enfant syrien avait été hospitalisé après avoir été blessé à la tête par une pierre lancée contre la maison de sa famille.


Dans cette vidéo du média indépendant turc Artı Gerçek, on voit une famille syrienne barricadée chez elle. “Il y a une femme enceinte ici. Qu’allons-nous faire ?”, lance l’un des hommes à la journaliste à travers la fenêtre.

“Le voisinage est resté en alerte toute la nuit”

Yusuf Molla, un activiste syrien habitant Altındağ, relate les événements de la nuit du 11 août sur sa page Facebook. 

Il raconte : 

Les résidents du quartier ont garé le maximum de véhicules appartenant à des Syriens à l’abri des assaillants, pour assurer leur protection. Mais quelques voitures sont restées dans le quartier. Vu que le quartier était barricadé, nous pensions que cela suffirait à contenir l’assaut. Mais ce qui s’est passé dépasse l’imagination : saccage de maisons, pillage de magasins, des foules de gens marchaient dans les rues, criant des insultes…

Ils ont retourné des voitures, arraché des fenêtres. J’étais avec mon voisin dans la rue lorsque sa voiture neuve a été fracassée vers 5 heures du matin, avant que la police n’arrive.

Cette vidéo, tournée par un résident du quartier Hüseyingazi, montre la foule retourner et fracasser une voiture censée appartenir à des réfugiés syriens. Les assaillants identifient les véhicules appartenant à des Syriens grâce aux plaques d’immatriculation avec la mention “MA” (visiteur).

Ma mère habite dans ce même quartier. Mes frères et moi sommes restés chez elle jusqu’à l’aube afin de la protéger. Le voisinage est resté en alerte toute la nuit. Les Syriens ont passé une soirée cauchemardesque. Ils se déplaçaient en groupe : ils sortaient par quinze d’une ruelle, par dix d’une autre. La réaction [des Turcs] était tellement disproportionnée ! Il y a beaucoup d’images sur les réseaux sociaux ou grâce aux caméras de surveillance qui appuient notre plainte auprès de la police. Nous ne nous tairons pas sur nos droits.


D’autres images indiquent que l’assaut s’est propagé jusqu’au quartier avoisinant d’Önder selon le journaliste Alican Uludag. 

“Les Syriens sont les premières victimes de ce discours de haine en Turquie” 

Ces violences sont le résultat direct d’une xénophobie régnante depuis quelques années en Turquie, assure l’avocat et activiste syrien Ghazwan Kronfol de l’ONG Free Syrian Lawyers.

Ce genre de réactions xénophobes est dû à une tension générale causée par une campagne dénigrante propagée depuis deux ans par des membres de l’opposition turque, notamment le Parti républicain du peuple (CHP). Bien que plusieurs communautés de réfugiés vivent en Turquie, elle vise essentiellement la communauté syrienne, peut-être parce que c’est la plus importante [plus de 3 millions de Syriens sont réfugiés en Turquie, sur un total de plus de 5 millions de réfugiés syriens dans le monde, NDLR]. Cette campagne, sans subtilité aucune, a pour but d’engrainer les partisans de l’opposition afin de pousser pour des élections législatives prématurées, normalement prévues pour 2023.

Dans le quartier de Hüseyingazi, la marchandise de magasins pillés, brûlée dans la rue.

Il est naturel qu’un sentiment de haine se répande lorsque des Syriens commettent des crimes ou si les Turcs ne comprennent pas la position légale des réfugiés. Le gouvernement turc devrait communiquer de manière plus efficace sur les aides dont bénéficient les Syriens : par exemple, une petite proportion de Syriens vit dans des camps en Turquie [96% des Syriens enregistrés au régime “protection temporaire” (TP) auprès des autorités turques vivent maintenant en milieu urbain, NDLR], donc la grande majorité tient des commerces et paie des impôts depuis des années. La Turquie a également reçu une enveloppe européenne de 6 milliards d’euros en faveur des réfugiés, notamment syriens, mais beaucoup de citoyens turcs pensent que c’est de l’argent de l’État turc qui leur est dédié.


Sur fond de sifflements, la foule chante “Syriens, fils de p*te, mort aux Syriens” devant des marchandises pillées incediées.

Même si le gouvernement dédommage les victimes de Altındağ, les Syriens restent en danger : comment peuvent-ils créer une harmonie dans un pays hôte qui leur est déjà hostile ? Si des mesures judiciaires ne sont pas prises à l’encontre des assaillants, ces vagues d’agressions continueront de se produire.

L’assaut xénophobe d’Altindağ fait miroir aux violences contre des réfugiés syriens à Istanbul en juin 2019, entraînant la destruction des magasins syriens et l’agression de civils.

>> À LIRE SUR LES OBSERVATEURS : Une rumeur d’agression sexuelle provoque une flambée de violences contre les Syriens de Turquie

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