L’arrivée de la légende vivante argentine Lionel Messi au PSG relève davantage du coup marketing que de la logique sportive. Avec le sextuple ballon d’Or dans leur effectif, les propriétaires qataris font rayonner leur club et prépare la Coupe du monde 2022.
Lionel Messi n’est pas qu’un joueur de foot et le PSG l’a bien compris. Dans une des vidéos promotionnelles annonçant l’arrivée de la superstar argentine dans la capitale, le club parisien l’assimile davantage à une œuvre d’art, une Joconde du football, destinée à être exhibée dans un musée. Entre les lignes se lit une évidence : le départ de Lionel Messi du FC Barcelone vers le Paris SG n’est pas une question sportive mais bien une question d’influence et de gros sous.
“Le PSG voulait avant tout faire un gros coup en terme de soft-power”, analyse Hubert Artus, journaliste, auteur de “Galaxie Foot – Dictionnaire rock, historique et politique du football”, interrogé par France 24. “Messi à Paris, c’est aussi bien pour le PSG que de remporter la Ligue des champions”
Un homme sandwich pour vendre des maillots
“Messi, c’est du sûr. Dès que vous le recrutez, vous avez un nombre de revenus additionnels presque mécanique : produits dérivés, billetterie, partenaires. C’est une occasion immanquable”, renchérit Virgile Caillet, délégué général de l’Union Sport et Cycle, première organisation professionnelle de la filière sport et loisirs, interrogé par l’AFP.
À la différence de Neymar et Kylian Mbappé, achetés pour plus de 400 millions d’euros à l’été 2017, le PSG n’aurait pas à verser d’indemnité de transfert au FC Barcelone : le joueur est libre.
“Pour la question de l’amortissement, il n’y a que le salaire, c’est beaucoup plus abordable, si j’ose dire”, sourit l’expert du marché qui estime que l’Argentin peut faire vendre “200 à 300 000 maillots supplémentaires.”
Même son de cloche du côté de Jérôme Jessel, journaliste sportif indépendant, interrogé par France 24 : “Messi rapportait à lui tout seul un tiers des revenus du FC Barcelone. On peut imaginer un déferlement au niveau de la vente des maillots dans les prochaines semaines.”
“Ça peut être paradoxal au vu de son âge (34 ans), mais Messi incarne l’avenir du PSG, à la fois économique et sportif”, poursuit Virgile Caillet. “Son arrivée associerait trois marques iconiques : Paris, Jordan (l’équipementier du PSG, sous-marque de Nike, NDLR) et Messi.”
Aujourd’hui, le club parisien, qui se targue d’être celui de la nouvelle génération, fait partie des 50 marques sportives professionnelles les mieux valorisées du monde, selon Forbes, qui place encore devant lui le Real, le Barça, le Bayern ou Manchester City malgré le travail lent et patient des propriétaires qataris depuis le rachat du club il y a 10 ans. Messi pourrait permettre de passer un palier supplémentaire et dépasser les mastodontes historiques avant la Coupe du monde au Qatar.
Préparer le Coupe du monde au Qatar
Pour Michel Denisot, l’ex-président (1991-1998) du PSG sous l’ère Canal+, interrogé par Le Monde, “tout est fait par le Qatar pour éblouir le monde en 2022 avec la Coupe du monde et cette équipe fantastique.”
Depuis plusieurs années, le Qatar voit dans cette Coupe du monde qui doit avoir lieu en 2022, le point d’orgue de sa politique de “soft-power” acquis par le sport, initié par le rachat du PSG il y a 10 ans.
Un Mondial-2022 qui est l’obsession de “la Pulga” à en croire la presse argentine : “Messi est dans la fleur de l’âge et a les yeux rivés sur la Coupe du monde au Qatar, c’est pourquoi il continuera à parier sur le football européen. Et c’est pourquoi l’équipe qui apparaît à l’horizon est celle qui le drague depuis plusieurs années : le Paris Saint-Germain”, explique le quotidien local Clarin.
“Messi sera ambassadeur de la Coupe du monde 2022, c’est évident. Le PSG ne peut pas, à l’heure actuelle avec ses finances, assurer seul le financement du salaire et de tous les à-côtés, sachant que le club a quasiment 200 millions de pertes et qu’il faut vendre pour 180 millions de joueurs. Et il ne va pas vendre Mbappé là, ce n’est pas possible. Messi va forcément être associé à la Coupe du monde 2022”, analyse Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport et du football, dans Ouest-France.
Sur le plan sportif, des interrogations subsistent
Reste qu’en dehors de ces considérations purement marketing, quid de la réalité du terrain ? Si la perspective d’une attaque MNM, comprendre Messi-Neymar-Mbappé, fait saliver les fans du PSG, ce trident d’attaque est-il viable sportivement ? Les trois hommes, s’ils font incontestablement partie des meilleurs attaquants de la planète, restent peu connus pour leur participation à l’effort défensif, ce qui pourrait être rédhibitoire pour gagner la Ligue des champions, graal du PSG et objectif affiché de Lionel Messi.
“Une équipe n’est pas qu’une accumulation de talents. Il faut qu’une alchimie se crée entre Neymar, Messi et Mbappé”, rappelle Jerome Jessel, soulignant l’évidence.
Si, entre Neymar et Messi, il y a peu d’inquiétudes à avoir, les deux hommes étant amis dans la vraie vie et anciens coéquipiers à Barcelone, l’association avec Mbappé pourrait être plus compliqué. Si “Ney” a joué un rôle actif dans la venue de l’Argentin, Mbappé s’est montré peu loquace quant à l’arrivée de la superstar. De plus, en refusant de renouveler son contrat avec le PSG qui expire en 2022, le Français laisse planer le doute sur un éventuel départ.
Le temps presse : sans prolongation ces prochaines semaines, Mbappé pourra quitter la France gratuitement en juin, et même formaliser dès le 1er janvier 2022 son contrat avec un futur club.
“Kylian est Parisien, très compétiteur. Il a dit qu’il voulait une équipe compétitive, maintenant il n’y a pas plus compétitif (que le PSG). Il n’a pas d’excuse pour faire quelque chose d’autre (que rester)”, a fermement recadré Nasser Al-Khelaïfi, le président du club parisien, en marge de la présentation de Messi.
Le mercato XXL du PSG, avec, en plus de Messi, Georginio Wijnaldum, Gianluigi Donnarumma, Achraf Hakimi et Sergio Ramos, est de nature à le satisfaire. Même si quelques interrogations demeurent : Paris doit se renforcer en matière de latéraux et milieux de terrain depuis plusieurs années afin d’être concurrentiel en Ligue des champions. Or les seuls Wijnaldum et Hakimi suffiront-ils à à pallier les insuffisances à ses postes ?
La Ligue 1 s’excite mais le ruissellement est une fable
Du côté de la Ligue 1, le monde du football français loue unanimement l’arrivée du prodige argentin. Le président de la Ligue de football professionnel (LFP), Vincent Labrune, a salué “une nouvelle extraordinaire pour l’exposition de la Ligue 1 à l’international”.
“L’arrivée de Lionel Messi va accroître l’attractivité et la visibilité de notre championnat sur tous les continents”, a-t-il également dit, rendant hommage à “la stratégie des dirigeants du Paris Saint-Germain, qui ont permis au club parisien de devenir en dix ans une des plus grandes franchises dans le sport mondial”.
Le football français espère que les bénéfices du PSG à l’arrivée de Messi vont ruisseler sur le reste des clubs. Surtout que sa signature intervient alors que les acteurs de la Ligue 1 sont depuis plusieurs mois confronté à une baisse drastique de leurs revenus sous l’effet combiné de la crise sanitaire et de la baisse des droits télévisés qu’ils perçoivent, après la défaillance du diffuseur sino-espagnol Mediapro. Il a été remplacé par Amazon Prime, mais pour un montant réduit de moitié. Et les autres diffuseurs, Canal + et beIN Sports, contestent devant les tribunaux le montant de ce qu’ils doivent verser pour la diffusion de deux matches par journée.
Pour les droits à l’international, le championnat français est un nain comparé aux autres grands championnats européens. Ces droits sont évalués autour des 80 millions d’euros par an jusqu’en 2024, très loin du 1,5 milliard d’euros que touchent les clubs de la Premier League, le Championnat qui génère le plus d’argent, ou même des 139 millions d’euros de la Serie A italienne (hors États-Unis et Moyen-Orient).
Espérer que la présence de Lionel Messi dope ces droits TV semble toutefois un vœu pieux. Les dirigeants et entraîneurs de la Ligue 1 oublient un peu vite que les droits domestiques et internationaux sont déjà tous négociés jusqu’en 2024. Date à laquelle aura expiré le contrat de la “Pulga”. De quoi mettre à mal la théorie du ruissellement en Ligue 1. L’arrivée de Messi constitue avant tout une bonne nouvelle marketing pour le PSG et le Qatar et tant pis pour les autres.