Publié le : 10/08/2021
Si cette année encore l’équipe olympique des réfugiés n’a récolté aucune médaille, certains athlètes signent tout de même de belles performances. De bonne augure pour la suite, en 2024 à Paris.
Yusra Mardini a vite séché ses larmes. Ce 24 juillet 2021, la jeune nageuse de 24 ans termine à la dernière place des qualifications du 100m papillon. “Je pense que j’ai besoin d’une pause […] Je ne suis pas satisfaite de ma performance”, avoue-t-elle au micro d’Eurosport, à la sortie du bassin. Mais la jeune Syrienne, qui a failli mourir noyée sur la route de l’exil dans la mer Égée, change rapidement de sujet. Et préfère parler de l’équipe olympique des réfugiés dont elle fait partie pour la seconde fois.
“Dans cette équipe, chaque personne a sa propre histoire, ses propres combats, et poursuit ses rêves, même après avoir beaucoup perdu, assure-t-elle. “C’est pour cela que cette équipe est vraiment spéciale. Elle est la preuve que vous pouvez traverser quelque chose de vraiment difficile et continuer à aller de l’avant”. Voici le message qu’ont voulu faire passer, tout au long de ces quinze jours de compétition, les 29 membres de la “Refugee Olympic Team”, qui pour certains rentrent tout de même avec de beaux résultats.
De bonnes performances dans les sports de combat
Tout en prouvant au monde que “les réfugiés ne sont pas de mauvaises personnes”, Aker El Obaidi, athlète de lutte gréco-romaine échoue en quart de finale mais signe une belle 8e place, sur 17 participants, dans la catégorie des moins de 67 kg. Avec ce classement, le jeune Irakien de 21 ans, originaire de Mossoul et installé en Autriche depuis six ans, a gagné son pari : “Montrer que les personnes étrangères peuvent faire de belles choses, même être bonnes en sport”, assure-t-il au site Olympics.
En karaté, l’athlète Hamoon Derafshipour peut également être satisfait de ses Jeux. Le jeune homme de 28 ans, né dans la province iranienne du Kermanshah près de la frontière avec l’Irak, a remporté plusieurs combats, avant d’échouer aux portes des demi-finales contre le Français Steven Da Costa, qui remportera la médaille d’or le soir même. Il termine 5e de sa catégorie, celle des moins de 67 kg.
Une place similaire à celle obtenue par la championne de Taekwondo Kimia Alizadeh. L’Iranienne de 23 ans échoue lors du combat pour la médaille de bronze face à la Turque Hatice Kubra Ilgun, mais a réussi l’exploit d’éliminer la double championne olympique britannique et grande favorite de la compétition, Jade Jones avant les quarts de finale. “À chaud, c’est vrai que c’est difficile à accepter d’échouer si près du podium, mais avec un peu de recul, je suis vraiment satisfaite de mon parcours sur ce tournoi, a-t-elle confié à InfoMigrants au lendemain de son élimination. Je reviens de loin […] et je montre à toutes les femmes d’Iran qu’il faut toujours se battre, malgré les vents contraires”.
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L’autre taekwondoïste Dina Pouryounes, qui elle aussi a fuit l’Iran, termine à la 11e place de sa catégorie des moins de 49 kilos. Après avoir passé les qualifications, elle a finalement perdu contre la Chinoise Wu Jingyu.
Les athlètes de fond en progrès
En athlétisme, même si aucune médaille n’est venue récompenser leurs efforts, les membres de l’équipe olympique des réfugiés ont amélioré leurs temps. Le coureur sud-soudanais Jamal Abdelmaji Eisa Mohammed, 13e sur 18 du 5 000 mètres, a établi à Tokyo son record personnel avec un chronomètre à 13:42.98.
Tachlowini Gabriyesos, lui, a bouclé le marathon des Jeux de Tokyo en 2:14.02. Une belle performance pour le coureur érythréen installé à Tel Aviv en Israël, qui a pris la 16e place de l’épreuve, sur 76 partants. Un soulagement aussi, pour l’athlète qui, à cause d’un problème de visa, avait été empêché de participer aux Championnats du Monde de Semi-Marathon à Gdynia, en Pologne, en octobre dernier.
Paulo Amotun Lokoro, ancien éleveur de bétail au Soudan du Sud, a également beaucoup progressé cette année. À Tokyo, il a couru le 1 500 mètres en 3:51,78, soit le meilleur chronomètre de la saison pour l’athlète réfugié. C’est même douze secondes de moins qu’il y a cinq ans, à Rio.
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Dans un tout autre sport, l’haltérophilie, Cyrille Tchatchet s’adjuge la 10e place de sa catégorie, celle des moins de 96 kg. “Je n’ai pas réussi la performance que j’espérais, mais la 10e place aux JO est tout de même incroyable”, a-t-il commenté après ses épreuves. Pour ce réfugié camerounais de 26 ans, participer aux Jeux Olympiques était un rêve presque hors d’atteinte il y a encore quelques années.
Après son installation à Brighton, au Royaume-Uni, en 2014, Cyrille Tchatchet a été contraint de dormir à la rue durant de longs mois. À cette époque, il souffre d’une grave dépression, au point de penser au suicide. Mais grâce aux entraînements d’haltérophilie et au soutien des associations sur place, le sportif a repris sa vie en main. Jusqu’au Jeux Olympiques de Tokyo.
Ces résultats encourageants sont de bon augure pour Paris 2024, où l’équipe viendra, pour la troisième fois, se battre aussi contre l’image négative dont souffrent les réfugiés. Des personnes qui, pour Yusra Madrini “ne sont que gens qui cherchent un refuge et un endroit sûr où rester”.