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Colombie : des milliers de migrants bloqués près de la frontière avec le Panama

Entre 10 000 et 15 000 migrants, pour la plupart originaires d’Haïti, se sont retrouvés bloqués ces derniers jours à Necoclí, une petite ville dans le nord-ouest de la Colombie, près de la frontière avec le Panama. Pourtant, cette localité n’est généralement qu’une simple étape pour les migrants qui souhaitent ensuite traverser l’Amérique centrale, dans l’espoir d’atteindre l’Amérique du Nord. Notre rédaction a échangé avec deux d’entre eux. 

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La plupart des 10 000 à 15 000 migrants présents à Necoclí sont haïtiens, mais certains sont aussi cubains, vénézuéliens ou encore originaires de pays africains et asiatiques.


Vidéo tournée à Necoclí fin juillet.

Depuis plusieurs années, cette petite ville portuaire constituait une simple étape pour ceux qui souhaitaient rejoindre l’Amérique du Nord, empruntant une route migratoire bien connue. 

À Necoclí, les migrants peuvent ainsi prendre le bateau pour traverser le golfe d’Urabá et arriver à Capurganá, une localité colombienne située à la frontière panaméenne. À partir de là, ils peuvent ensuite traverser la jungle du Darién, particulièrement dangereuse, puis l’Amérique centrale et le Mexique, dans l’espoir d’atteindre la frontière des États-Unis, où ils rêvent d’un avenir meilleur.

Deux gros points rouges : Necoclí et Capurganá. Trait bleu : traversée du golfe d’Urabá. Zone délimitée en vert : jungle du Darién. Traits noirs et petits points rouges (en dézoomant dans la carte) : trajets de Wansche Gourdet et Rosa (pseudonyme), les deux Observateurs de cet article, avant d’atteindre Necoclí. 

>> À RELIRE SUR LES OBSERVATEURS : Des Caraïbes aux États-Unis, via l’Amérique latine : l’interminable périple des migrants haïtiens et cubains (article en deux parties)

Mais fin juillet, les mauvaises conditions météorologiques ont empêché les bateaux de quitter le port de Necoclí, obligeant les migrants à patienter sur place, tandis que d’autres continuaient d’affluer dans la localité.

Les traversées de l’unique compagnie opérant légalement à Necoclí ont ensuite repris, mais en nombre insuffisant face au flux de migrants : quelques 800 personnes partent ainsi chaque jour en bateau, tandis qu’environ un millier de personnes arrivent chaque jour dans la ville. Du jamais-vu.


Vidéo tournée à Necoclí le 17 juillet.

“Certains vendent ou revendent les tickets de bateau à 100 dollars, au lieu de 50”

Wansche Gourdet est un Haïtien de 26 ans arrivé à Necoclí le 22 juillet, après avoir quitté São Paulo, au Brésil, où il vivait, avec un groupe de 47 personnes. Il a traversé la Bolivie, le Pérou et l’Équateur (voir diaporama ci-dessous), essentiellement en bus et en voiture, avant d’arriver en Colombie. Il a déjà dépensé plus de 600 dollars depuis le début de son périple, pour payer des passeurs et traverser les frontières. Il explique qu’il n’avait pas pu quitter le Brésil plus tôt en raison de la quarantaine liée à la pandémie de Covid-19, et par manque d’argent.





Je connais quelqu’un qui est arrivé à Necoclí un mois plus tôt : la situation était différente, les gens ne restaient pas bloqués sur place… 

Pour ma part, j’ai réussi à acheter un ticket de bateau la semaine dernière, pour partir le 3 août [l’interview a été réalisée le 2 août, NDLR], mais cela a été compliqué. J’ai eu de la chance car je l’ai acheté à 50 dollars, alors que certains vendent ou revendent les tickets à 100 dollars. 

Bateaux à Necoclí.
Bateaux à Necoclí. © Wansche Gourdet.

Cela dit, certains préfèrent acheter un ticket à 100 dollars plutôt que de rester des jours et des jours à Necoclí, car cela revient cher : moi, je paie 12 dollars par nuit pour dormir dans une maison. Heureusement, les habitants sont accueillants. 

Le lit où a dormi Wansche Gourdet à Necoclí.
Le lit où a dormi Wansche Gourdet à Necoclí. © Wansche Gourdet.

Ici, il y a surtout des Haïtiens, partis du Brésil ou du Chili en général. [Nombre d’entre eux étaient allés chercher du travail là-bas, après avoir fui Haïti à la suite du tremblement de terre de 2010, NDLR.] 

Par contre, pour acheter les tickets de bateau, les Vénézuéliens ne font pas la même queue que nous.

Des migrants patientent pour acheter un ticket de bateau, à Necoclí.
Des migrants patientent pour acheter un ticket de bateau, à Necoclí. © Wansche Gourdet.

“À Necoclí, nous avons dormi sur la plage, dans nos tentes”

Rosa (pseudonyme) est vénézuélienne. Elle est arrivée à Necoclí le 30 juillet, après être partie de Chimbote, au Pérou, où elle vivait. Elle aussi a dû traverser l’Équateur pour arriver en Colombie.

Quand nous sommes arrivés à Necoclí, nous avons immédiatement pu acheter des tickets de bateau pour aller à Capurganá, où nous sommes arrivés le 1er août [interviewée le 2 août, elle a indiqué qu’elle comptait entamer la traversée de la jungle du Darién le 3 août, NDLR].

J’ai l’impression qu’il est plus facile pour les Vénézuéliens d’acheter des tickets de bateau, car nous pouvons obtenir un “permis” de la part des autorités colombiennes [il s’agit du “permis de transit”, qui leur permet de transiter légalement en Colombie, NDLR], contrairement aux autres nationalités. Donc on nous vend les tickets comme si nous étions colombiens. Cela dit, quand nous les avons achetés, ils n’en vendaient qu’une douzaine par jour aux Vénézuéliens. 

Durant nos deux jours à Necoclí, nous avons dormi sur la plage, dans nos tentes.


Vidéo tournée à Necoclí fin juillet.

État de “calamité publique” déclaré à Necoclí

Bien que cette arrivée massive de migrants soit bénéfique pour l’économie locale, les autorités de Necoclí ont déclaré l’état de “calamité publique” fin juillet. En pleine pandémie de Covid-19, elles craignent les conséquences sanitaires liées à l’entassement des migrants sur les plages, dans les parcs, les hôtels et les maisons des particuliers. Sans compter que de nombreux services sont saturés – accès à l’eau, aux denrées alimentaires ou encore aux services bancaires – dans cette ville qui ne compte qu’environ 40 000 habitants en temps normal.

Ces arrivées de migrants pourraient découler, en partie, de la pandémie de Covid-19 et de ses implications politiques et économiques. Dans de nombreux pays d’Amérique latine où ils résidaient, l’économie a ainsi été durement touchée par les mesures de confinement et d’autres restrictions. Alors que les frontières ont rouvert graduellement, après avoir été fermées pendant des mois, nombre d’entre eux ont alors souhaité partir pour tenter leur chance en Amérique du nord. 

Selon Juan Francisco Espinosa, directeur du service des migrations en Colombie, seules 4 000 personnes ont transité dans cette zone en 2020, en raison du Covid-19, alors qu’il y avait eu des pics de 30 000 personnes dans le passé : “Mais cette année, les chiffres sont absolument alarmants. Plus de 25 000 migrants en situation irrégulière sont déjà passés dans cette zone du pays.” 

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