La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) s’est opposée, vendredi, à l’extradition de François Compaoré, frère de l’ancien président Blaise Compaoré mis en cause dans le meurtre du journaliste d’investigation Norbert Zongo. Les avocats de François Compaoré avaient saisi la CEDH après la validation, il y a une semaine, de son extradition vers le Burkina Faso par le Conseil d’État français.
La Cour européenne des droits de l’Homme a suspendu, vendredi 6 août, l’extradition de la France vers le Burkina Faso de François Compaoré, frère du président déchu Blaise Compaoré et mis en cause dans l’assassinat en 1998 d’un journaliste d’investigation, Norbert Zongo, a annoncé la CEDH.
“La Cour a décidé d’indiquer au gouvernement français, en vertu de l’article 39” du règlement de la CEDH qui régit les “mesures provisoires”, que François Compaoré “ne devrait pas être extradé vers le Burkina Faso pendant la durée de la procédure devant la Cour”, a indiqué dans un communiqué laconique le bras juridique du Conseil de l’Europe.
La CEDH avait été saisie par les avocats du requérant après la validation vendredi dernier de l’extradition par le Conseil d’État français. Les mesures provisoires de la Cour “ne s’appliquent que lorsqu’il y a un risque imminent de dommage irréparable”, souligne la CEDH, qui insiste sur le fait qu’elles “ne présagent pas de ses décisions ultérieures sur la recevabilité ou sur le fond des affaires en question”.
Les avocats de François Compaoré, François-Henri Briard et Pierre-Olivier Sur, ont salué dans un communiqué une “décision indépendante et impartiale”.
“La position de la Cour, qui protège désormais Paul François Compaoré des traitements inhumains et dégradants auxquels il était exposé et lui assure un procès équitable, contredit avec éclat les déclarations du Président de la République française, l’avis de la Cour d’appel de Paris, l’arrêt de la Cour de cassation et l’arrêt du Conseil d’État français, (…) hélas unanimes pour approuver cette mesure d’extradition”, ajoutent-ils.
La saisine de la CEDH visait à faire “échec à l’extradition envisagée”
Cette décision “n’est pas surprenante puisque la France elle-même s’était imposée la suspension de l’extradition en attendant que la Cour se prononce sur le recours”, a réagi auprès de l’AFP Safériba Issa Fayama, directeur du cabinet du ministre de la Justice du Burkina Faso.
“Il ne s’agit donc (pas) d’une victoire d’une partie mais d’une position sage d’un pays respectueux des droits des parties à faire valoir leur cause partout où c’est possible”, a-t-il ajouté.
Le Conseil d’État français avait validé vendredi dernier l’extradition de François Compaoré, 67 ans, vers le Burkina Faso mais ses avocats avaient saisi la CEDH “afin qu’elle fasse échec à l’extradition envisagée”.
La Cour, basée à Strasbourg, avait donné jusqu’à mardi 18 h (16 h GMT) à Paris pour fournir des garanties sur le fait qu’il ne risquait pas d’être torturé, notamment.
François Compaoré est le frère cadet de Blaise Compaoré, chassé par la rue en octobre 2014 après 27 ans à la tête du Burkina Faso.
Journaliste d’investigation reconnu et directeur de l’hebdomadaire “L’indépendant”, Norbert Zongo, 49 ans, avait été assassiné le 13 décembre 1998, alors qu’il enquêtait sur le meurtre du chauffeur de François Compaoré. Sa mort avait provoqué une profonde crise politique.
François Compaoré visé par un mandat d’arrêt lancé par le Burkina Faso
Norbert Zongo, auteur de plusieurs enquêtes retentissantes dénonçant une mauvaise gouvernance sous le régime Compaoré, avait été tué avec trois de ses compagnons. Les quatre dépouilles avaient été retrouvées calcinées dans le sud du Burkina.
En juin 2019, la Cour de cassation française avait rejeté le pourvoi de François Compaoré contre son extradition vers Ouagadougou, où le dossier de l’assassinat du journaliste, classé en 2006 après un “non-lieu” en faveur du seul inculpé, a été rouvert à la faveur de la chute de Blaise Compaoré.
François Compaoré avait été arrêté à l’aéroport parisien de Roissy en octobre 2017, en exécution d’un mandat d’arrêt émis par les autorités de Ouagadougou.
À ce jour, il n’est pas inculpé dans son pays, à la différence de trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RAP), l’ancienne garde prétorienne du président bukinabè déchu.
Avec AFP