À l’image d’Israël, de l’Allemagne ou encore du Royaume-Uni, la France envisage d’administrer une troisième dose de vaccin contre le Covid-19 aux populations les plus vulnérables à partir de l’automne. Le gouvernement écarte pour l’instant une campagne de rappel pour l’ensemble de la population.
Jamais deux sans trois ? Si certaines personnes, poussées par la mise en place du passe sanitaire, passent tout juste le cap de la première injection de vaccin contre le Covid-19, d’autres sont déjà entièrement vaccinées depuis huit mois. Pour ces derniers, une nouvelle question se pose quant à leur immunité : faudra-t-il bientôt prendre rendez-vous pour recevoir une troisième dose de sérum ?
Lors d’une allocution le 12 juillet dernier, Emmanuel Macron avait évoqué “une campagne de rappel, dès la rentrée, pour les premiers vaccinés en janvier-février”. Il n’avait toutefois pas précisé si cela concernerait les personnes fragiles ou toute la population.
Interrogé sur RTL lundi 2 août, Alain Fischer, le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, a, à son tour, préconisé l’administration, “dès le début de l’automne, d’une troisième dose de vaccin, se cantonnant cette fois aux personnes fragiles” et “les plus âgées”. Une position qui rejoint l’avis rendu par le Conseil scientifique le 6 juillet dernier. Cet organe consultatif avait en effet conseillé “d’anticiper dès maintenant un rappel de vaccination chez les personnes de plus de 80 ans résidant en Ehpad ou à domicile, ainsi que chez les patients immunodéprimés au sens large.”
“Un boost immunitaire” pour les personnes vulnérables
“Dans le cas de certains vaccins, il est nécessaire d’effectuer régulièrement des rappels car notre immunité s’affaiblit au fil du temps. C’est pour cela, par exemple, que l’on doit se faire vacciner contre la grippe tous les ans”, rappelle, auprès de France 24, Daniel Floret, spécialiste en vaccinologie et vice-président de la commission technique des vaccinations à la Haute Autorité de Santé, interrogé par France 24.
“Mais pour le moment, nous manquons de données pour déterminer la durée de protection des vaccins contre le Covid-19”, poursuit-il. “Aujourd’hui, ce dont nous sommes sûrs c’est qu’une troisième injection provoquerait un boost immunitaire. Mais est-ce que cela est utile dans l’immédiat ? Rien ne nous permet de l’assurer.”
“En revanche, dans le cas des personnes immunodépressives, par exemple, qui souffrent d’un cancer ou greffées, plusieurs études ont démontré que la durée de vie de leurs anticorps développés après vaccination était courte”, continue Daniel Floret.
Une étude allemande, publiée fin juillet dans la revue scientifique “The Lancet”, a ainsi mis en avant que des personnes ayant subi une greffe de rein, et totalement vaccinées, avaient un taux d’anticorps plus de deux fois inférieur à un groupe témoin, vacciné lui aussi. Même constat dans une autre étude, menée sur 20 patients sous traitement immunosuppresseur.
“Pour ces personnes très vulnérables, ce boost immunitaire peut donc se justifier”, estime Daniel Floret. “C’est d’ailleurs dans ce genre de cas que la France a déjà recommandé une troisième dose.” En France, certaines personnes immunodéprimées ont en effet déjà reçu deux doses plus un rappel.
Dans le cas des personnes âgées, une étude publiée dans la revue “Clinical Infectious Disease” en avril montre, de la même façon, une baisse drastique de l’immunité au bout de quelques semaines chez un groupe de personnes de plus de 80 ans vaccinées, à l’inverse d’un groupe plus jeune. “Une stratégie de rappel par une troisième dose ARNm chez cette population semble donc justifiée, tranche ainsi le Conseil scientifique.
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L’exemple d’Israël scruté de près
Se basant notamment sur ces études, plusieurs pays ont d’ores et déjà annoncé la mise en place d’une campagne de rappel pour les publics vulnérables. En Hongrie, une troisième dose peut ainsi être administrée depuis le 1er août. L’Allemagne a annoncé qu’elle la proposerait à partir du 1er septembre. Outre-Manche, le Royaume-Uni ouvrira l’accès à un rappel dès le 6 septembre.
Pour le moment, seul Israël, où 62 % de la population est complètement vaccinée, a déjà passé le cap. Depuis le 1er août, toutes les personnes de plus de 60 ans vaccinées “avant le mois de février” sont invitées à recevoir une troisième dose. “Les vaccins protègent de la mortalité tout comme le vaccin contre la grippe, qu’il faut refaire de temps en temps”, a plaidé le Premier ministre, Naftali Bennett.
Une troisième dose pour l’ensemble de la population ?
En revanche, hors de question pour les autorités sanitaires de généraliser cette troisième dose à l’ensemble de la population. “Pour les plus jeunes, il faut voir quelles seront les données de la persistance de l’immunité. Pour l’instant, celles dont nous disposons aujourd’hui sont assez bonnes”, assurait, lundi, Alain Fischer.
De son côté, Pfizer/BioNtech plaide pour une troisième dose. Dans un communiqué publié jeudi 8 juillet, le laboratoire expliquait qu’une dose de rappel administrée six mois après la deuxième dose susciterait des niveaux d’anticorps “cinq à dix fois supérieurs” à ceux observés après seulement deux injections.
“Même si la protection contre les cas graves de la maladie reste haute durant six mois, un déclin dans son efficacité contre les cas symptomatiques au cours du temps et de l’émergence de variants est attendu”, expliquait le groupe.
Et c’est effectivement les variants, notamment le Delta, jugé plus contagieux, qui pourraient changer la donne. “L’émergence des variants ajoute beaucoup de complexité. Mais pour l’instant, une troisième dose pour l’ensemble de la population resterait une décision prématurée”, juge Daniel Floret.
Un autre signe pourrait par ailleurs inciter le gouvernement à changer d’avis : une montée en puissance de l’épidémie chez les personnes vaccinées. Or pour le moment, selon la Drees, le service statistique des ministères sociaux, pour la période allant du 31 mai au 11 juillet, les personnes non vaccinées représentaient 85 % des malades hospitalisés en France. En outre, 78 % des décès dus au virus concernaient des personnes non vaccinées et 11 % d’entre eux des personnes ayant reçu une seule dose de vaccin.
“Ce n’est pas la priorité”
D’autres scientifiques arguent, de leur côté, la nécessité de continuer à vacciner massivement la population pour atteindre l’immunité collective avant d’envisager l’administration d’une dose supplémentaire. “Ce n’est vraiment pas la priorité”, juge ainsi l’épidémiologiste Catherine Hill, auprès de France 24.
“Pour l’instant, nous avons encore une grande part de la population qui n’est pas vaccinée alors que nous faisons face à une vague importante de contaminations, notamment aux Antilles. La vraie priorité, c’est d’améliorer la couverture vaccinale de la population.”
Un constat partagé par l’OMS qui craint que cela ne renforce encore l’inégalité dans l’accès aux vaccins, alors que le programme Covax patine. “La priorité doit être de vacciner ceux qui n’ont reçu aucune dose et protection”, a ainsi imploré Didier Houssin, président du Comité d’urgence de l’organisation.