Sept médailles en individuel, un sacre historique par équipe. La moisson de l’équipe de France de judo aux JO de Tokyo est impressionnante et consacre le statut à part du pays dans cette discipline née au Japon.
Né au Japon, le judo a comme fervent ambassadeur la France depuis des années. Aux Jeux olympiques de Tokyo, les Français ont encore prouvé l’importance de leur pays dans la discipline en se classant deuxième en nombre de médailles, derrière les hôtes japonais.
Dans l’enceinte mythique du Nippon Budokan, les judokas – et surtout judokates – tricolores se sont illustrés dans la discipline. En individuelle, Luka Mkheidze, Amandine Buchard, Sarah-Léonie Cysique, Clarisse Agbégnénou, Madeleine Malonga, Romane Dicko et Teddy Riner ont rapporté sept médailles à la France avant d’être sacré de manière historique face au Japon lors de la compétition par équipe mixte. Tout sauf un hasard au vu de la place de la discipline en France.
Des générations de champions qui en inspirent d’autres
La France fut l’un des premiers pays en Europe où le judo s’est implanté. Dès 1933, Jigoro Kano, le fondateur de la discipline vient donner des conférences en France sur cette pratique. Sous l’impulsion de Moshe Feldenkrais et du Japonais Mikinosuke Kawaishi, le sport se développe dans l’Hexagone. À Paris d’abord, puis il essaime en province après la Seconde Guerre mondiale.
Les premiers JO de Tokyo, en 1964, introduisent le judo en sport olympique. Dès Munich en 1972, le judo français remporte ses premières médailles grâce aux pionniers Jean-Jacques Mounier, Jean-Paul Coche et Jean-Claude Brondani. Trois ans plus tard, Jean-Luc Rougé devient le premier champion du monde français.
Le début d’un joli cercle vertueux en France où une génération de champions inspire les suivantes. Catherine Fleury et Cécile Nowak deviennent les premières championnes olympiques françaises, en 1992, à Barcelone avec l’introduction du judo féminin. David Douillet est premier judoka français double champion olympique à Sydney, en 2000. Cette année-là, Séverine Vandenhende, Marie-Claire Restoux et Larbi Benboudaoud, entre autres, se médaillent à ses côtés.
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Succèderont Émilie Andéol, Audrey Tcheuméo, Lucie Décosse, Antomne Pavia, Gévrise Émane, Priscilla Gneto et bien sûr Teddy Riner et Clarisse Agbegnénou qui inspireront bientôt de nouvelles vocations. Et tout ces anciens champions continuent de participer au rayonnement de leur sport.
“Tous ceux qui passent par l’équipe de France, ils vont ensuite ouvrir un petit dojo dans leur province ou leur banlieue. S’il n’y avait pas ça non plus, on ne serait pas là aujourd’hui en train de faire péter des Marseillaise”, explique Larbi Benboudaoud, directeur de la haute performance au sein de l’équipe de France, dans Libération.
Un système éducatif
Avant la crise sanitaire, le judo se targuait de près de 563 000 licenciés, ce qui en faisait le quatrième sport le plus pratiqué en France. Le tout avec un maillage serré de plus de 5 700 clubs. Avec un tel réservoir de judokas, la probabilité de l’apparition de grands champions augmente.
“Le judo ne s’est pas tant développé comme un sport que comme un système éducatif. La Fédération française de judo a toujours fait en sorte que les professeurs soient des professionnels. Nous avons la confiance des parents”, souligne Jean-Luc Rougé, qui a été après sa carrière quinze ans à la tête de la fédération française, interrogé en 2018 par Business Standard.
La fédération insiste ainsi sur le code moral du judo qui repose sur huit valeurs que tout jeune judoka doit retenir au même titre que les différentes prises. Et David Douillet, double champion olympique, souligne avec humour un des avantages du judo par rapport à d’autres sports pouvant jouer ce rôle de canalisateur, comme la boxe :
“Une mère, quand elle inscrit le petit, elle a un peu peur des coups de pied et des coups de poing. Au judo, non. On lutte, on prend le kimono, on se roule par terre, tout va bien”, explique David Douillet sur RMC Sports. “Jigoro Kano a créé un sport, certes, mais il a surtout créé un système d’éducation à travers une discipline physique. C’est assez étonnant.”
L’Insep, cœur du réacteur de la performance française
L’excellence française tient aussi au système de détection mis en place. Avec des compétitions officielles dès les benjamins (11-12 ans), tout est fait pour que les talents soient repérés par les structures de haut niveau et soient incités à rejoindre une section sport-études – le Pôle espoir local et, pour les meilleurs, l’Insep (l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) en périphérie de Paris
Cette institution multisport est décrite comme le “cœur du réacteur” par Stéphane Traineau, champion du monde 1991 et ancien responsable des équipes de France, dans une interview à RMC sports, pour la bascule entre la pratique de loisir et celle du plus haut niveau.
“Il faut dès 15-16 ans les acculturer le plus vite possible, pour qu’ils aiment l’entraînement et le combat”, explique celui qui fut aussi double médaillé olympique de bronze en expliquant qu’il est important de mélanger au maximum les générations. “Il faut faire rêver un peu et ne pas freiner les talents. Je m’entraînais avec de grands champions. Le jour où vous leur tenez la dragée haute, vous êtes sur le bon chemin”.
Le modèle français menacé ?
Reste qu’en dehors de ces Jeux olympiques, le judo français est en perte de vitesse sur la scène internationale, notamment chez les hommes. Stéphane Traineau met en garde : “Il n’y a plus de petits pays. Il faut rester extrêmement vigilants. Le matelas s’est réduit.”
Une baisse de performance qui a conduit à des changements à la tête de la fédération française. Stéphane Nomis, 50 ans, a mis fin en novembre à quinze ans de règne de Jean-Luc Rougé à la tête du judo français. Son objectif est clair : rendre sa grandeur à la discipline. Les JO de Tokyo semblent un bon point de départ.