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Essais nucléaires en Algérie : un contentieux mémoriel majeur avec la France

La problématique des essais nucléaires français ne concerne pas seulement la Polynésie française, où Emmanuel Macron a reconnu mardi à Papeete la “dette” de la France dans ce dossier sensible. Entre 1960 et 1966, l’armée française a en effet procédé à 17 essais nucléaires dans le Sahara algérien. En Algérie, la France est accusée de ne pas agir suffisamment pour identifier et décontaminer les lieux d’enfouissement des déchets nucléaires.

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Plus de 60 ans après le premier essai nucléaire français en Algérie, l’identification et la décontamination des sites d’enfouissement des matériaux radioactifs constituent l’un des principaux contentieux mémoriels entre Alger et Paris.

Ce dossier hypersensible est d’autant plus d’actualité que le président français Emmanuel Macron a reconnu, lors d’un déplacement mardi à Papeete, “une dette” de la France pour les essais atomiques réalisés en Polynésie de 1966 à 1996.

Le 4 juillet, veille de la fête nationale algérienne marquant le 59e anniversaire de l’indépendance, l’ex-ministre algérien des Anciens combattants, Tayeb Zitouni, a accusé la France de “refuser de remettre les cartes topographiques qui permettent de déterminer les lieux d’enfouissement des déchets polluants, radioactifs ou chimiques non découverts à ce jour”.

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“La partie française n’a mené techniquement aucune initiative en vue de dépolluer les sites, et la France n’a fait aucun acte humanitaire en vue de dédommager les victimes”, a déploré Tayeb Zitouni dans un entretien accordé à l’agence de presse officielle algérienne APS.

Un discours déjà amorcé par le président Abdelmadjid Tebboune dans un entretien accordé au magazine Le Point début juin.

“La France a communiqué aux autorités algériennes les cartes dont elle dispose”, répond-on au ministère des Armées à Paris.

Entre 1960 et 1966, la France a procédé à 17 essais nucléaires sur les sites de Reggane, puis d’In Ekker, dans le Sahara algérien. Onze d’entre eux, tous souterrains, sont postérieurs aux accords d’Évian de 1962, qui actaient l’indépendance de l’Algérie mais dont un article permettait à la France d’utiliser jusqu’en 1967 les sites du Sahara.

>> À voir, notre Billet retour : “Reggane : les irradiés du Sahara”

Les cartes topographiques réclamées à Paris

Des documents déclassifiés en 2013 révéleront des retombées radioactives importantes qui s’étendaient de l’Afrique de l’Ouest au sud de l’Europe. “Les maladies liées à la radioactivité sont transmises en héritage, génération après génération”, fulmine Abderahmane Toumi, président d’El Gheith El Kadem, une organisation d’entraide aux victimes. “Tant que la région est polluée, le danger persistera”, dit-il.

Cancers, malformations congénitales, fausses couches, stérilité : la liste est loin d’être exhaustive, assure Abderahmane Toumi. Et il faut ajouter l’impact sur l’environnement.

Le mois dernier, l’Algérie a créé une agence nationale de réhabilitation des anciens sites d’essais et d’explosions nucléaires français.

En avril, le chef d’état-major algérien Saïd Chengriha avait demandé à son homologue français de l’époque, le général François Lecointre, son soutien “pour la prise en charge définitive des opérations de réhabilitation des sites de Reggane et d’In Ekker”.

Le général Chengriha a aussi sollicité son assistance pour lui fournir les cartes topographiques. La remise des cartes est “un droit que l’État algérien revendique fortement, sans oublier la question de l’indemnisation des victimes algériennes des essais”, a martelé un haut gradé de l’armée de terre, le général Bouzid Boufrioua, dans l’influente revue du ministère de la Défense, El Djeïch.

Le président Abdelmadjid Tebboune a toutefois écarté toute négociation d’ordre financier : “Nous respectons tellement nos morts que la compensation financière serait un rabaissement. Nous ne sommes pas un peuple mendiant”, a-t-il affirmé à l’hebdomadaire français Le Point.

Selon le ministère français des Armées, l’Algérie et la France “traitent de l’ensemble de ce sujet, au plus haut niveau de l’État”. Un groupe de travail franco-algérien, composé d’experts, a été créé en 2008 afin d’étudier la question de la réhabilitation des anciens sites au Sahara.

Dans son rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie (1954-62), l’historien Benjamin Stora préconise “la poursuite du travail conjoint concernant les lieux des essais nucléaires en Algérie et leurs conséquences ainsi que la pose de mines aux frontières”.

Une seule personne “a pu obtenir réparation”

En janvier 2010, la France s’est dotée d’une loi – la loi Morin – qui prévoit une procédure d’indemnisation pour “les personnes atteintes de maladies résultant d’une exposition aux rayonnements des essais nucléaires réalisés dans le Sahara algérien et en Polynésie entre 1960 et 1998”.

Mais sur cinquante Algériens ayant réussi à monter un dossier en dix ans, une seule personne “a pu obtenir réparation”, un militaire d’Alger qui avait travaillé sur les sites au moment de leur fermeture, regrette la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (Ican). Aucun habitant de la région n’a été indemnisé.

Dans une étude sortie il y a un an, intitulée “Sous le sable, la radioactivité !”, l’Ican France exhorte l’ancienne puissance coloniale à remettre aux autorités algériennes la liste complète des lieux d’enfouissement et à faciliter le nettoyage des sites.

Une opportunité s’est présentée lorsque 122 États de l’ONU ont ratifié, le 7 juillet 2017, un nouveau Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian). Le principe du “pollueur-payeur” y a été introduit et reconnu officiellement.

Mais la France n’est pas signataire du Tian, “incompatible avec l’approche réaliste et progressive du désarmement nucléaire”, selon elle. “La France doit assumer ses responsabilités historiques”, rétorque le général Boufrioua. “Ça fait plus de 50 ans que les populations attendent”, plaident les experts d’Ican France.

Avec AFP

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