Ray Bassil, 32 ans, dispute mercredi l’épreuve de fosse olympique des Jeux de Tokyo. La tireuse espère faire honneur au Liban et apporter de la joie dans son pays, englué dans la pire crise économique de son histoire.
“Je veux (…) aider les Libanais à respirer un peu. Le sport pourra peut-être redonner espoir au Liban”. À Tokyo, Ray Bassil espère porter haut les couleurs de son pays qui s’enfonce dans la pire crise économique de son histoire, doublée d’une crise politique. Elle dispute, mercredi 28 juillet, l’épreuve de fosse olympique des Jeux de Tokyo.
“Mon objectif est de gagner une médaille olympique, pas seulement de participer” aux JO, explique à l’AFP la sportive de 32 ans.
“Je veux apporter de la joie aux gens de mon pays”, ajoute-t-elle à l’occasion de ses troisièmes Jeux, alors que le Liban n’a plus remporté de médaille olympique depuis celle de bronze gagnée en lutte gréco-romaine à Moscou, en 1980.
C’est à l’âge de 14 ans que la jeune femme s’est lancée dans cette aventure sportive en accompagnant son père. Elle participe deux ans plus tard à sa première compétition à l’étranger, en Algérie.
Expatriée en Italie pour sa préparation
Depuis, elle gravit les échelons : elle a terminé 5e de ses premiers championnats du monde en 2009, s’est classée 18e à Londres-2012 et 14e à Rio-2016 ou a encore remporté le titre lors des championnats d’Asie 2019.
Pour Tokyo, malgré de nombreux aléas et contretemps, la tireuse s’est entraînée d’arrache-pied. Après avoir eu le Covid, elle a vite renoué avec l’entraînement malgré un confinement strict, en s’attelant à l’exercice entre des voitures garées dans son garage souterrain. Elle s’est ensuite envolée pour l’Italie, où elle a poursuivi sa pratique dans un champ de tir dans la localité de Massa Martana, loin de la “distraction négative” au bercail.
“J’avais besoin d’un environnement plus approprié pour perfectionner mes compétences”, justifie-t-elle.
Le Liban traverse une des pires crises économiques du monde depuis 1850, selon la Banque mondiale. Cet effondrement a causé une paupérisation à grande échelle de la population, tandis que la monnaie nationale ne cesse de dévisser. Des centaines de milliers de personnes peinent à joindre les deux bouts sur fond d’une inflation galopante, de graves pénuries de carburants et de médicaments, et de rationnements draconiens de courant. La situation a poussé de nombreux Libanais à plier bagage à la recherche de cieux plus cléments.
Une explosion gigantesque au port de Beyrouth l’été dernier – ayant fait plus de 200 morts et ravagé des quartiers entiers de la capitale – a éprouvé encore davantage une population déjà à genoux.
“Je sais que la situation au Liban est vraiment mauvaise. Les gens sont fatigués et nous sommes tous mentalement épuisés, mais je ne veux pas que ceci affecte mon moral”, affirme la sportive.
Le pays est, par ailleurs, englué dans une impasse politique qui s’éternise. Il est toujours sans gouvernement depuis onze mois, en raison de marchandages et de blocages politiciens.
“Pour le peuple libanais, pas pour le gouvernement”
Le chemin pour les JO de Tokyo aura toutefois été tortueux pour la jeune femme, avec l’amoncellement de crises successives et l’interdiction par les banques de tout virement à l’étranger.
“Même acheter des balles (de carabine) n’a pas été chose évidente”, déplore-t-elle. “Des supporters en Italie et quelques Libanais ont dû m’aider à les envoyer à Beyrouth”.
Pour financer son séjour au Japon, Ray affirme avoir recouru à des sponsors privés, ainsi qu’à des contributions du ministère de la Jeunesse et des Sports et du comité national olympique.
La tireuse fait partie des six sportifs libanais à participer aux JO de Tokyo. La délégation compte également le judoka Nacif Elias, l’haltérophile Mahassen Hala Fattouh, l’athlète Noureddine Hadid, ainsi que les nageurs Munzer Kabbara et Gabriella Doueihy.
“Mon pays a vraiment besoin de mes collègues et moi”, lâche Ray. “Ce que je veux accomplir, c’est pour moi, ma famille, et pour le peuple libanais, non pour un quelconque gouvernement”.
Avec AFP