Quadruple championne olympique, l’Américaine Simone Biles fait son entrée dans les Jeux de Tokyo en position de favorite. Superstar de la gym, celle qui est considérée comme l’une des meilleures athlètes de l’histoire, ne semble pas avoir de rivale à sa hauteur. La sportive a pourtant dû se relever de nombreuses épreuves.
À 24 ans, Simone Biles a déjà tout gagné. Avec quatre médailles d’or olympique et 19 titres mondiaux, son armoire à trophées déborde. L’Américaine n’a plus rien à prouver, mais elle aborde les Jeux de Tokyo, où elle entre en lice dimanche 25 juillet, avec toujours la même envie de se surpasser.
“À partir du moment où je participe à une compétition c’est toujours aussi stressant à parce que j’essaye toujours de faire mieux”, a-t-elle résumé en avril lors d’une interview dans l’émission Today. “J’essaye de me battre moi-même.”
Pour sa deuxième participation à des Jeux, la figure de proue de l’équipe de gymnastique américaine participe au concours général (équipe et individuel), et est favorite au sol et au saut où elle excelle. Elle pourrait se rapprocher du record détenu par la Soviétique Larissa Latynina, victorieuse à Tokyo en 1964, de 9 titres olympiques. Pour le battre, le défi est néanmoins relevé car il lui faudrait réaliser un sans-faute et rafler les six médailles d’or en jeu, notamment aux barres asymétriques qui ne sont pas son fort. Très attendue, elle aura “de la pression sur les épaules”, concède son entraîneur, le Français Laurent Landi qui la coache depuis 2017 avec sa femme Cécile Landi.
Star sur les tapis de gymnastique, l’Américaine est aussi devenue une icône en dehors. Pour preuve, elle est devenue il y a quelques jours la première sportive à avoir son emoji sur Twitter. Ce dernier représente une chèvre portant un justaucorps, une médaille d’or autour du cou, une référence au titre de meilleure gymnaste de l’histoire (“Greatest of all time”, ou GOAT, mot qui signifie chèvre en anglais), qu’elle revendique volontiers.
Simone Biles a elle-même commencé à porter en compétition un justaucorps orné d’une tête de chèvre en paillettes afin, dit-elle, de susciter des vocations. “J’espère que les enfants qui regarderont n’auront plus honte d’être bons dans quelque domaine que ce soit”, a-t-elle affirmé récemment dans une interview.
Son physique (1 m 45 pour 47 kg), sa puissance de course, son explosivité et son sens de l’équilibre lui permettent de dominer outrageusement sa discipline depuis plusieurs années. Elle a même déjà quatre figures à son nom, deux au sol, une à la poutre et une autre au sol. Non qualifiée pour les Jeux de Londres en 2012, en raison de son âge (elle n’avait pas encore les 16 ans requis), elle a commencé sa moisson de médailles un an après aux Mondiaux.
Une enfance difficile
Aujourd’hui en pleine lumière et en pleine gloire, la gymnaste n’est pourtant pas née sous les meilleurs auspices. Simone Biles se retrouve très tôt placée dans une famille d’accueil avec ses trois frères et sœurs. Sa mère, alcoolique et droguée, les néglige et ne peut s’occuper d’eux. C’est finalement son grand-père maternel et sa femme qui les accueillent au Texas et les adoptent. C’est là qu’elle découvre la gymnastique, à l’âge de 6 ans, et qu’elle rencontre deux ans plus tard son entraîneur, Aimee Boorman. “J’ai toujours dit que c’était ma seconde mère car elle est à mes côtés depuis que j’ai 8 ans”, a raconté Simone Biles à la chaîne NBC. “Chaque année, nos liens se renforcent et nous nous comprenons de mieux en mieux toutes les deux.”
Grâce à cette relation si particulière, la Texane a rapidement gravi les échelons de la gymnastique nationale puis mondiale. Devenue une star dans son pays, elle dépasse même les frontières de son sport. Les sponsors se l’arrachent et sur son compte Instagram, elle compte plus de quatre millions et demi d’abonnés.
La gymnaste est aussi devenue d’inspiration pour la communauté afro-américaine. Elle a publié des messages et donné des interviews en soutien au mouvement “Black Lives Matter”. Elle a aussi encouragé ses fans à voter pour Joe Biden lors de la dernière élection présidentielle américaine. Elle est également très proche du couple Obama.
Le scandale Larry Nassar
Malgré elle, la jeune femme est aussi devenue un symbole des violences sexuelles. En 2018, après des années de silence, elle avait révélé être l’une des victimes de l’ancien médecin de l’équipe nationale Larry Nassar. “Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles j’ai hésité à partager mon histoire, mais je sais maintenant que ce n’est pas de ma faute”, avait alors expliqué la gymnaste dans un communiqué. “Il n’est pas normal de recevoir un tel traitement de la part d’un médecin de confiance”. (…) Ce comportement est complètement inacceptable, dégoûtant et abusif, surtout venant de quelqu’un à qui l’on m’a dit de faire confiance”, avait-elle ajouté.
La championne avait alors poursuivi la fédération américaine pour ne pas l’avoir protégée de ces abus sexuels et avait demandé l’ouverture d’une enquête indépendante. Simone Biles a avoué depuis qu’il lui avait fallu du temps pour apprécier de nouveau sa discipline. “Tout ce que j’ai traversé avec la fédération et retrouver l’amour du sport et être simplement Simone, cela a été un long chemin jusqu’à maintenant”, a-t-elle déclaré en juin dernier à la chaîne NBC.
Plus récemment, son frère Tevin Biles-Thomas a été accusé d’un triple meurtre avant d’être finalement acquitté. Il avait été arrêté en 2019 après une fusillade qui avait fait trois morts la nuit de la Saint-Sylvestre à Cleveland, dans l’Ohio. Simone Biles n’a jamais commenté les ennuis judiciaires de son frère. “J’essaie de digérer, ne me parlez pas”, avait-elle simplement écrit sur Twitter en août 2019.
Peu épargnée par la vie, la gymnaste est en revanche bénie par les dieux du stade. À Tokyo, sa plus grande adversaire sera certainement elle-même. Dans le centre de gymnastique d’Ariake, ses rivales semblent bien inoffensives à côté de son immense talent. Simone Biles devra toutefois se méfier de ses co-équipières, les Américaines Sunisa Lee ou Jordan Chiles, et bien sûr des Russes, comme Viktoria Listunova, tout juste 16 ans, brillante aux derniers championnats d’Europe, ou encore Angelina Melnikova, royale aux barres.