Trois jours après des manifestations historiques, les autorités cubaines ont tenté d’apaiser les tensions en facilitant l’entrée sur l’île de biens de première nécessité, notamment médicaments et aliments, sans limite de valeur et sans taxes douanières à partir de mercredi et ce jusqu’à la fin de l’année.
Le gouvernement cubain joue la carte de l’apaisement. Les autorités ont annoncé, mercredi 14 juillet, une première salve de mesures pour calmer les tensions, en facilitant notamment l’entrée sur l’île d’aliments et médicaments, trois jours après des manifestations historiques dont il a reconnu devoir “tirer des enseignements”.
Les autorités ont décidé d'”autoriser de façon exceptionnelle et temporaire l’importation par les passagers, dans leurs valises, d’aliments, produits d’hygiène et médicaments, sans limite de valeur et sans taxes douanières”, a déclaré le Premier ministre, Manuel Marrero, à la télévision où il est apparu accompagné du président, Miguel Diaz-Canel, et de plusieurs ministres. “C’est une mesure que nous prenons jusqu’au 31 décembre”, a-t-il dit.
Faciliter l’entrée des biens
Faciliter l’entrée sur l’île de biens de première nécessité était une des revendications de la population cubaine, confrontée à de fortes pénuries, aggravées par la crise économique qui frappe le pays, la pire en 30 ans.
Dans une lettre ouverte publiée récemment, un groupe d’artistes et d’intellectuels avait justement demandé une telle mesure.
Le ministre de l’Économie, Alejandro Gil, a pour sa part annoncé la fin de la limite imposée aux salaires dans les entreprises d’État, qui étaient soumises à une stricte échelle de rémunérations.
“Nous éliminons la limite de l’échelle salariale pour les entreprises d’État, dans un premier temps”, selon “le principe de gagner plus si on produit plus de richesse et si on est plus efficaces”.
Enfin, le Premier ministre a dit que les habitants pourraient provisoirement s’installer dans une autre ville et bénéficier de la libreta, le carnet d’approvisionnement, alors que c’était impossible auparavant.
Ces mesures sont annoncées trois jours après les manifestations de dimanche lorsque des milliers de Cubains étaient sortis dans les rues dans une quarantaine de villes et villages aux cris de “Nous avons faim”, “Liberté” et “À bas la dictature”.
“Une analyse critique de nos problèmes”
Les mobilisations, dont certaines se sont poursuivies lundi, ont fait un mort et plus de 100 détenus, suscitant l’inquiétude de la communauté internationale.
S’il a réitéré ses accusations contre les États-Unis, qu’il désigne comme instigateur de ces manifestations via une campagne sur Twitter avec le hashtag #SOSCuba, le président Diaz-Canel a toutefois infléchi son discours.
“Nous devons aussi tirer des enseignements de ces troubles, nous devons aussi faire une analyse critique de nos problèmes”, a-t-il déclaré, reconnaissant qu’il existe “des choses que nous devons perfectionner”.
Car parmi les manifestants il y avait “des personnes insatisfaites”, a estimé le dirigeant communiste.
Et “peut-être aussi faudra-t-il s’excuser auprès de ceux qui, au milieu de la confusion dans ce genre d’événements, ont été pris (pour des fauteurs de troubles) et maltraités”, reconnaissant que les manifestations ont fait “des dizaines de blessés”.
Le président a lancé “un appel à la paix, à l’entente entre les Cubains et au respect (…). Ce que nous devons encourager, même si nous avons parfois des points de vue différents sur certains sujets, c’est d’essayer de trouver, entre tous, des solutions”.
Mercredi, le calme était apparemment revenu à Cuba, placé sous forte surveillance policière et militaire, notamment aux abords du Capitole à La Havane, siège du Parlement.
Dans cette zone où des milliers de Cubains avaient déferlé dimanche, plusieurs camions de police étaient stationnés, a constaté l’AFP.
Internet rétabli
L’internet mobile, interrompu depuis les manifestations, a commencé à être rétabli, mais il restait instable et il était impossible d’accéder aux réseaux sociaux et applications de messagerie instantanée.
Avec la 3G ou la 4G, l’accès à WhatsApp, Facebook et Twitter, entre autres, était bloqué. Dans la rue, des habitants parvenaient à se connecter à internet de manière intermittente.
“Les réseaux sociaux sont totalement agressifs, ils appellent au meurtre, au lynchage, à commettre des attentats contre des personnes, en particulier celles qui sont identifiées comme révolutionnaires”, a dénoncé plus tôt dans la journée le président Diaz-Canel, selon des images du journal national.
“Ce discours qu’ils tentent de faire passer (sur les réseaux sociaux) selon lequel le gouvernement cubain est répressif (….) est totalement faux, c’est de la calomnie”, a-t-il ajouté, accusant ces réseaux de “terrorisme médiatique”.
Washington a réitéré ses appels à la libération immédiate des manifestants détenus et demandé la fin des restrictions sur Internet.
“Les tentatives de bâillonner, y compris par des moyens technologiques, la voix du peuple cubain ne pourra jamais faire taire ou étouffer ses aspirations légitimes à la liberté, aux droits humains”, a déclaré le porte-parole du département d’État, Ned Price.
Avec AFP